Récemment, j'avais pris un abonnement à la bibliothèque. Enfaîte, c'était il y a deux jours. Il y avait eu des orages, ce qui avait coupé l'électricité dans l’appartement. Donc plus de connexion internet ou d'accès à la télévision. La loose complète ! Et quand j'étais sortie pour aller boire un verre en attendant que ça se calme pour pouvoir retourner m'allonger sur le canapé en regardant un programme original Netflix, des trombes d'eau s'étaient abattues sur mes cheveux pourtant parfaitement lissées et j'avais failli mourir noyée. Alors quand c'est le déluge et qu'il n'y a pas de Noé dans le coin, il faut bien se cacher où on peut pour essayer de survivre ! Je m'étais vite engouffrée dans un bâtiment qui ne me disait rien, et dont enfin j'avais percé le mystère. Qui aurait cru qu'on avait une bibliothèque, ici, à Storybrooke ? C'était un secret vachement bien gardé !

Cette découverte m'avait poussé à m'inscrire et à prendre une pile de romans. J'étais tombée là bas sur quelqu'un qui m'avait venté les mérites de la lecture, en osant même me sortir que c'était encore mieux que la télé ! Comment est-ce qu'une pile de papier ressemblant à un manuel scolaire pouvait être mieux que de mettre un Blu-Ray dans un lecteur et pouvoir regarder en HD les muscles saillants de Chris Hemsworth dans le premier « Thor » ?

La réponse était non. Non, les livres n'étaient pas mieux que les films. En même temps, l'adaptation cinéma de celui que j'étais entrain de feuilleter, assise sur un banc public, n'était pas digne d'un film non plus. Je voyais plutôt ça comme une bonne blague. Il aurait dû sortir le premier avril enfaîte !

- Mais c'est qui cette déesse intérieure...

Je plissais les yeux, en passant à la page suivante. Je ne comprenais pas à qui Anastasia adressait ses prières. Je ne comprenais pas non plus comment elle pouvait trouver Grey sexy, mais bon... Les goûts et les couleurs de chacune, en même temps ! Il y avait bien des filles capables de se marier avec des types ressemblant à rien et même pas riches, comme quoi il existe des personnes pas trop regardantes sur le physique et leur avenir ! Voir même leur lignée, si ils ont prévu de se reproduire !

En tout cas, je ne voyais pas en quoi c'était excitant de se faire harceler par un type louche, même si il est riche et qu'il ressemble à Jamie Dornan. Ce n'était pas qu'il aime faire mumuse avec des fouets et des trucs en cuir qui me gênait. Non, le gros problème, c'était qu'il voulait même pas que sa gonzesse se fasse d'autres mecs ! La pauvre, elle avait beau être ennuyeuse comme une petite vieille, mais même pas elle pouvait s'envoyer en l'air avec un parfait inconnu sans que Grey-Grey s'en mêle ? Et le droit de la femme ? La liberté sexuelle ? L'auteur avait oublié tout ça ? Et si en réalité ce n'était même pas une représentante du sexe féminin qui avait tapoté sur son clavier pendant un bon bout de temps... Ceci expliquerait cela ! Ou peut être pas !

Mon portable vibra contre ma jambe, indiquant l'arrivée d'un texto, et je posais le livre à même le banc pour extraire le téléphone de la poche avant de mon jean moulant. Il était bleu très clair et se mariait très bien avec le chemisier crème faussement sage qui était juste assez transparent pour dévoiler les contours de mon soutien-gorge violet. Vu qu'il faisait beau aujourd'hui, autant fêter dignement le retour du soleil ! Au début j'avais failli me laisser tenter par une petite séance de bronzage, mais j'avais fini par me rappeler que j'étais allergique à la crème solaire.

Tout en traçant du bout du pouce le schéma permettant à mon portable d'être déverrouillé, je remontais les grosses lunettes de soleil qui me mangeaient la moitié du visage façon yeux de mouche. Je détestais ces fichues lunettes. Je ressemblais à une ménopausée qui conduirait une décapotable, un foulard dans les cheveux et un petit jeune sur le siège passager ! Le foulard faisait d'ailleurs parti des accessoires du jour, sauf qu'il était noué autour de mon cou. J'étais là incognito. Personne ne devait savoir que c'était bien moi, assise sur un banc public, à bouquiner. J'avais une réputation ! Si Jez me voyait, même elle se moquerait de moi. Et je préfère qu'on me jalouse ou qu'on me trouve sexy plutôt que d'être pointée du doigt comme un singe derrière la vitre d'un zoo ! Je n'avais absolument rien à avoir avec un singe pas épilé !

- Elle veut vraiment que je fasse du copinage avec son bébé ?

J'écarquillais les yeux en découvrant le message d'Evelyn. Elle avait accouché quand ? J'étais quasi certaine que sa gamine pouvait pas tenir une conversation correcte et encore moins se présenter d'elle-même ! Et l’émoticône immeuble... je devais le prendre comment ? Pourtant, dès que j'avais éteins l'écran du portable, je m'étais levée aussitôt en attrapant le bouquin pour le caler sous mon bras, en me dirigeant à grands pas vers la maison de la blonde plus si canon depuis qu'elle était enceinte. Je m'étais installée dans une rue pas loin de la sienne, comme quoi le hasard faisait bien les choses !

Tendant l'index, j'appuyais sur le bouton de la sonnette assez longuement pour être sûre qu'elle entende bien que j'étais là. J'oscillais sur mes escarpins noirs, prête à recommencer à sonner parce que ça n'allait pas assez vite à mon goût, mais la porte s'ouvrit d'un coup et Evelyn m'attrapa pour me serrer contre elle avec autant de douceur qu'un camionneur. Je me figeais à son contact, en battant des cils pour essayer de me remettre de la vision qu'avait été Robocop sur le pas de la porte. Pourquoi elle était pas énorme ? Pourquoi elle avait pas des grosses joues tombantes ? Et elles étaient où les cernes ? C'est important les cernes pour une femme qui avait été enceinte ! C'était pas possible qu'elle soit en pleine forme à ce point ! Elle avait accouché quand ? Il y a deux ans ?

- Tu voulais que je vienne voir ton bébé, non ? C'est bien ce que dit ton texto ! Alors je suis venue la voir! Et je trouve toujours ça flippant, ça n'a pas changé! Mais je suis sûre que tout le monde est venu la voir déjà, et je n'ai pas envie d'être la seule à ne pas savoir de quoi parlent les gens quand ils débattent sur la tête de ton bébé robot !

Les bébés ont un air tellement flippant ! Avec leurs toutes petites mains et leurs grosses têtes recouvertes de cheveux comme des bébés macaques... Dire que Evelyn avait expulsé un mini alien de son utérus ! Elle devait être complètement déchiquetée de l'intérieur, c'était pas possible autrement !

- Pourquoi tu es redevenue une blonde fatale ? Tu as vu un chirurgien, c'est ça ? Tu ne pourrais pas me donner son numéro par hasard ? C'est pour une amie.

Je ne pouvais pas m'empêcher de fixer sa poitrine. Elle pouvait pas être comme ça ! C'était censé devenir tout moche ! Je fronçais le nez, en me redressant, en essayant de cacher ma jalousie. Je n'étais pas venue pour qu'elle redevienne ma rivale. J'étais censée être là pour me rendre compte que j'étais toujours sur la première marche du podium !

- Alors, elle s'appelle comment ta fille ? Cassiopée ça avait quand même la classe !

Il valait mieux changer de sujet avant que je me rende compte que même ses fesses étaient plus rebondies qu'avant. En tout cas, j'espérais qu'elle m'avait bien écouté pendant nos séances shopping et que j'allais rencontrée une mini Callio ou Coraline !

J'avais oublié qu'elle parlait autant. Je croyais que les blondes se contentaient de glousser et d'obéir aux ordres des mâles leurs étant supérieurs, et tout ça sans se départir d'un sourire digne d'une pub pour du dentifrice blanchissant les dents. On pouvait même plus faire confiance aux clichés vus dans les films. C'était honteux ! Au moins elle disait pas grand chose d'intelligent, ça compensait. Et puis elle avait les gros seins qui vont avec. Peut être que tout n'était pas encore totalement perdu pour elle. Peut être qu'il était encore tant pour elle d'embrasser sa blontitude à 100%, de sourire bêtement et battre des cils plus recouverts de mascara qu'un poisson englué dans du pétrole après une marée noire ! Je ne perdais pas espoir. Parce que sinon j'allais devoir écourter mes visites avant d'avoir trop mal à la tête à force de l'entendre blablater pour un oui ou pour un non.

Déjà qu'elle arrêtait pas de se vanter concernant son corps de rêve... J'avais envie de lui tirer les cheveux. Juste attraper une poignée de mèches blondes entre mes doigts aux ongles longs et de tirer pour forcer sa tête à pencher sur le côté et la voir avec une coupe totalement déglinguée. Et encore. Sûrement qu'elle ne sentirait rien du tout et qu'elle trouverait même ça amusant. Elle était capable de modifier son physique à volonté, ça voulait dire aussi qu'elle pouvait se recoiffer sans même avoir à passer deux heures dans la salle de bain tout les matins pour dompter sa crinière sauvage ? Mon dieu. Que ce que je pouvais la détester. Avec son corps parfait. Ses seins parfaits. Ses lèvres parfaites. Son cerveau hyper développé parfait. Je pouvais pas faire une opération pour mettre ma tête sur son corps ? Il devait bien avoir au moins un chirurgien se prenant pour le docteur Frankenstein quelque part ! Tout le monde rêve de découper des gens et faire des expériences bizarres avec ! C'est même pour ça que des crétins font des études pendant douze ans ! Ce n'est pas la peine de me faire croire que les étudiants en médecine disent adieu à leur jeunesse juste pour sauver des vies !

- Je ne me demande absolument pas comment tu fais pour cacher tes sous-vêtements au reste du monde. Ça, je m'en fiche totalement parce que moi aussi je sais le faire. Spoiler Alert, le mieux c'est de rien porter du tout sous ses vêtements, tu verras c'est magique ! Non mais... sérieusement ! C'est pas possible que tu sois aussi.... aussi... sexy ! Tu n'as pas le droit ! C'est trop pas juste !

Je me laissais tomber sur une chaise, les bras croisés, en affichant une moue boudeuse. Moi je voulais la voir énorme ! Avec le ventre qui pend, du gras sous le menton et des fesses tombantes ! Qu'elle soit obligée de s'habiller comme une femme de ménage plutôt que de pouvoir porter les petites tenues des mannequins de Victoria's Secret ! Et surtout que sa poitrine soit énorme mais pas sexy ! Elle aurait pu avoir l'air un minimum enflée, sérieusement !

- Si ton cerveau est tellement fort qu'il peut te permettre de modifier ton physique à volonté, pourquoi tu retournes pas en arrière et tu ne te rajoutes pas des graisses ? Comme tu veux être une vraie maman, il faudrait que tu ais le physique qui va avec. C'est important pour ton bébé, comme ça il ne sentira pas complexé dès son plus jeune âge parce que sa mère rentre dans une taille 34.

J'avais pris ma voix la plus douce, en hochant lentement la tête à mesure que je parlais. J'essayais de lui faire du bourrage de crâne là. J'avais vu ça une fois à la télévision, après avoir perdu la télécommande et que je n'avais pas pu regarder mes émissions préférées sur Nat Geo Wild. C'était comme ça que faisaient les gourous dans les sectes. Je devais être toute gentille, toute douce, pour mieux la forcer à faire ce que je voulais qu'elle fasse. Je n'avais jamais essayé encore. Mais si ça pouvait lui permettre de prendre trente kilos...

- Par contre, pourquoi vous l'avez appelée Iris ? J'ai bien compris qu'apparemment vous avez un délire avec les plantes, et je veux rien savoir de vos galipettes dans l'espace ou dans les jardins publics, mais tu as pensé à cette pauvre enfant ? Iris ! Iris enfin ! Les enfants vont se moquer d'elle à l'école ! Elle finira secrétaire dans le cabinet d'un dentiste ! Rien qu'avec son prénom, son destin est tout tracé ! Alors que si tu l'avais appelé Calliope, elle aurait eu un grand sens de l'artistique, elle aurait su se déhancher comme une déesse et en plus elle aurait eu du succès auprès des hommes. Mais non ! Bien entendu, personne ne m'écoute jamais ! Tu sais quoi ? Donne moi une part de gâteau. Une énorme. J'ai besoin de me remonter le moral avec du chocolat et du sucre. Même si mon pauvre cerveau pas du tout évolué ne pourra pas m'empêcher d'avoir des kilos en plus, lui !

Me penchant en arrière, je détournais la tête, le menton levé, en affichant un air hautain et vexé que j'avais piqué à ma reine des glaçons préférée. Je n'avais pas encore mangé, donc c'était l'occasion de me remplir l'estomac sans rien dépenser. Sauf de la patience. Et des mimiques boudeuses. Elle avait de la chance que je ne pouvais pas m'empêcher de bien l'aimer. Parce que sinon je lui aurai plongé la tête dans son gâteau pour me venger de son corps de rêve !

J'avais sursauté quand elle avait fracassé le plat avec son couteau, les yeux écarquillés d'horreur en la voyant avec son arme à la main, aussi dangereuse que Chucky la poupée tueuse. Est-ce que c'était une menace ? Elle me mettait en garde là, n'est-ce pas ? « Fais attention à toi, Callio. Si tu essaies de me faire grossir, je te découperai en des morceaux tellement petits que même un fana de Lego ne pourra pas te reconstruire. » J'allais peut être éviter de lui offrir des cookies dans lesquels j'avais prévu d'injecter des doses de beurre fondu, finalement. Si je perdais une jambe, il avait des risques pour que je puisse seulement draguer des pirates. Non que je ne les aime pas, mais s'envoyer en l'air dans une barque, à force, ça donne le mal de mer.

- Tu aurais pas une bouteille de whisky qui traîne dans un placard de ta cuisine, par le plus grand des hasards ? Ou je me contenterai de rhum, sinon. Voir même de bière. De la tequila ? Du vin ? Ou du champagne ? Non ? Ah quand tu me proposais de boire, tu sous-entendais un verre d'eau ou un diabolo menthe ? J'ai plus l'habitude de me contenter de boisson sans goût. L'eau, c'est trop fade.

Je grimaçais en imaginant un verre d'eau plate, jaillissant d'un robinet sûrement mal nettoyé et ayant pour seul but d'hydrater mon corps parfait. Aucun intérêt. Où était le goût ? Le liquide brûlant glissant dans ma gorge comme un nectar divin ? Il me fallait de l'ivresse, de la passion, quelque chose d'assez fort pour me faire oublier la veille ou même mon propre prénom. La médiocrité, ça n'était plus pour moi. J'étais au dessus de tout ça, maintenant.

- Oui ! Oui oui oui ! Je le veux ! Oh mon dieu je suis tellement soulagée que tu me le demandes enfin ! Dans mes bras !

Repoussant ma chaise pour me lever, j'ouvris grand les bras à l'attention d'Evelyn, en affichant un immense sourire de bonheur, les yeux humides. Je n'avais plus peur qu'elle me tue, maintenant. Je n'avais plus non plus envie qu'elle devienne une petite baleine terrestre. La seule chose qui avait de l'importance, là maintenant, c'était qu'elle se rendait compte à quel point j'étais une personne merveilleusement géniale. Tellement géniale même qu'elle voulait que je m'occupe de sa fille. C'était trop beau. J'en étais même toute émue !

- Tu fais tellement le bon choix ! Avec moi comme mentor, ta fille va devenir une perfection. Si elle a tes gênes, déjà, elle part avec un sacré avantage. Mais si en plus moi je suis là pour lui apprendre à être une femme fatale... tu vas voir, toutes les filles vont être jalouses d'elle et les garçons s’entre-tueront pour sortir avec.

J'agitais les sourcils d'un air aguicheur, avec un petit sourire en coin qui voulait tout dire. Evelyn avait pas l'air très chaude concernant les garçons, mais il n'y avait pas d'âge pour commencer à être une bombasse. Plus tôt elle commencerait, plus on se souviendrait d'elle. J'avais prévu d'en faire une Casanova au féminin. Un jour, un réalisateur fera un film sur sa vie. Une actrice super connue mais moins jolie que moi jouera mon propre rôle. J'apparaîtrai comme une Cristina Cordula de luxe. Et Evelyn pourrait être jouée par Scarlett Johansson. Oh oui, on tenait le grand gagnant des Oscars 2040.

- Elle va déjà à l'école ou pas ? Ou à la crèche ? Dans tout les cas, il faudra penser à lui confectionner une super garde robe. Peut être même lui faire des couches sur-mesures, pour qu'elle se distingue des autres. Tu as quoi comme modèle de poussette ? Une fois j'en ai vu une incrustée de diamant sur internet, ça serait parfait ! Bien bling-bling mais tellement inratable... Quand tu iras la chercher, pense à bien t'habiller toi aussi. Si tu portes des fringues moches, les autres mères ne verront que tes vêtements à toi et oublieront que ta fille est super bien habillée. Ça lui va bien le style homme d'affaires, à ton Wall-E ?

Lui, je le connaissais pas. Il faudrait qu'on se fasse une réunion tout les quatre, en incluant le bébé. Que je puisse prendre les mesures de tout le monde et voir quel style irait le mieux à chacun. J'étais peut être jalouse des seins et du tour de taille de ma blonde préférée, l'idée de devenir leur gourou était bien trop plaisante. Si je m'investissais à fond dans sa vie et surtout celle de son bébé, je pourrai peut être me retrouver avec mon portrait géant peint façon la Joconde accroché dans sa chambre !