Jack était au milieu d’une bande de malfrat, en train de jouer aux jeux des longs couteaux. C’était extrêmement stupide, comme jeu. Le but était de lancer un couteau en l’air et d’écarter les doigts à temps pour que le couteau ne s’enfonce pas dans votre main, mais entre vos doigts. Suivant les doigts, vous gagnez des points. C’était simple comme bonjour. Jetant son couteau, sous l’emprise de l’alcool, pour redoubler la mise qu’il avait posé, Jack ferma les yeux et murmura :

« A ma bonne fortune, mes amis... »

Le couteau se planta entre son index et son majeur. Le maximum de point. Il avait gagné la partie. Relevant sa main intacte, il but une longue gorgée de rhum et ramassa l’argent devant lui d’un air enjoué, sous le regard dépité des autres qui avaient déjà de multiples blessures. Rangeant tout ça dans une banane « WAÏKIKI » qu’il avait réussi à piquer ici, il la ferma et la rangea soigneusement. Alors qu’il allait se lever pour voir si quelques femmes étaient disposées à l’écouter, un homme s’assied en face de lui. Jack se rasseya à son tour, et fit une moue typiquement Sparrowdienne avec un sourire mauvais.

« Tiens donc, voyez ce que le vent nous amène… Le Capitaine, Killian Johns… Je préfère les femmes tu sais. »

Regardant la bouteille qu’il venait de poser devant lui, Jack l’étudia avec minutie et respect. Se reculant un peu, il posa alors son tricorne sur la table, comme il le faisait quand il voulait parler affaire.

« Je jouais au jeu des longs couteaux… Mais je suppose que si tu ne voudras pas y jouer… Après tout, avec un crochet, c’est un peu facile Johns... »

Ricanant à sa propre vanne, il déboucha la bouteille de liqueur et en but quelques gorgées d’un air sec. Finalement, il reposa la bouteille avec une lenteur extrême. Et cette fois-ci, il parla d’une voix douce et réellement désolé. Entre pirates, du moins, entre certains, il y avait quand même un certain Code à respecter. Johns faisait parti de ceux là.

« Je ne peux pas, l’ami. »

Sortant avec lenteur son compas, Jack le déposa doucement devant lui dans un soupire certains. Et, une lueur de regret dans les yeux, comme un homme qui ne reverrait jamais la mer, il déclara.

« Je suis bloqué ici. Tout comme toi. Je pouvais me rendre à Neverland, car ce que je désirai le plus au monde s’y trouvait. Et... »

Jack s’empara de la bouteille, et but plusieurs longues gorgées. Comme pour passer un mauvais souvenir qu’il n’avait absolument pas envie de se rappeler.

« Elle est morte. »

Reprenant son compas d’un geste lent, il le fit tournoyer et le rangea dans son manteau d’un geste rapide et droit, qu’il avait acquis par habitude.

« Et tu as le même problème, mais à l’envers. Je me suis renseigné. Je n’perds pas la main comme ça, Johns. Même avec le Temps, je sais que mes amis peuvent devenir des ennemis, alors je les garde à l’oeil… Toi aussi, tes yeux sont porté sur une belle… Si je te donnais le compas, il n’indiquerait que Storybrooke. Et si je te l’échangeais… Je ne préfère pas en parler, en réalité. »

Rien que de penser à Salazar, son échine se dressa. Il savait, que dans son monde, Armando attendait dans le triangle des bermudes. Portant une nouvelle fois la bouteille à ses lèvres, il but plusieurs gorgées pour la vider de moitié.

« Désolé, Johns. Jack Sparrow n’est pas trop vieux. Il n’est plus que l’ombre de lui même. »

Tout le monde ici le voyait comme quelqu’un d’excentrique. Mais face à une légende comme Johns, Jack n’avait pas envie de se défiler. Il préférait jouer franc-jeu.

« Pour le moment, Neverland est indisponible, comme le Pearl, et son capitaine. »

Jack fit tourner plusieurs fois son verre vide sur la table, le contemplant sans vraiment le regarder. Devant ses yeux, des images de Nudge et de Wendy passaient, comme des souvenirs. C’était tout ce qui lui restait. Prenant sa voix mystérieuse et envoutante, Jack fit tourner une dernière fois le verre contenant un fond de rhum. Il laissait toujours un fond. Pour lui, c’était la part du peuple et des pirates morts ne pouvant plus boire.

« Le Temps n’efface pas tout. Crois moi, ça s’saurait. »

Finalement, il leva la main et recommanda deux bouteilles de rhum. La serveuse arriva et il fut surpris de voir Johns jeter la dague en l’air et la regarder se planter à son tour entre ses doigts. Ricanant et le regardant avec son tricorne, Jack se contenta de répondre :

« Là, tu m’intéresses vieil homme... »

Prenant la dague avec précaution, Jack la fit tourner dans ses mains et finalement, le reposa avec douceur sur la table. Il n’avait plus tellement envie de jouer. Le regard fixant Killian, il se mit à ricaner.

« Le rhum, les femmes, ça ne manque jamais. »

Prenant une inspiration, il se servit un verre de rhum jusqu’à ras bord, et fit de même avec le verre de Killian. Passant sa main devant ses yeux, il déclara d’un ton calme et serein :

« Tu vois, l’truc, c’est que j’ai plus d’but dans la vie. Je vogue, je recherche des trésors, la liberté, la vie éternelle. Mais peut être que j’aurai jamais tout ça. J’me dis, Jack, tu devrais retenter encore. Une dernière fois. Tu vois. Quitte à y rester, au moins, partir avec les honneurs. Mais finalement, j’reste là, dans la cabine du Pearl, à contempler les boiseries. Au moins, tu as un but, récupérer ton vaisseau. Et ça, c’est pas mal. D’ailleurs, moi, j’sais où il est. Une de mes ex en a été le Capitaine après toi. Il doit être à l’île aux Pirates. »

Vidant son verre d’un trait, Jack le posa dans un « pock » sonore devant Killian. Finalement il s’en resservit encore un. Puis encore un autre. Finalement, le regard un peu trouble, il poursuivit en se levant doucement.

« T’vois, j’me suis toujours dit, Jack, un jour, tu vas déprimer. Mais genre, la vraie dépression. Celle où y’a plus rien à faire, sauf tout cramer. Et là, j’crois que j’tiens l’bon bout. Et tu veux que j’te dise ? Légende ou pas, y’a un truc qui restera à jamais aux autres… Un truc, qui quand on leur parle de Jack Sparrow, ça s’ra la première chose qui leur viendra à l’esprit... »

Prenant le tricorne sur la tête de Killian, Jack sourit en coin et continua :

« L’éternelle question, qui englobera à jamais, le Capitaine Jack Sparrow… C’est… Pourquoi ? »

Dans un air théâtral, Jack passa sa main devant Killian comme s’il cherchait à l’hypnotiser. Finalement, il attrapa la dague sur la table et la fit dresser en pointe sur son doigt.

« Et la réponse est… Pourquoi pas... »

Se retournant à toute vitesse, même pour un homme ivre, Jack jeta la dague en direction d’un groupe de quelques personnes qui discutait à grandes tapes dans le dos. La dague alla se planter dans la manche d’un imbécile pour le clouer au bar sans lui faire le moindre mal. Jack se tourna, doucement, en désignant Killian.

« C’est lui. Moi, j’y suis pour rien. »