Eh bien dansez maintenant

Quand je danse, je vole tout simplement, comme un oiseau.

Effectivement, Odeya pouvait comprendre Anya. Rencontrer les idoles des enfants ce n’était pas toujours simple, et parfois aussi on ne pouvait s’empêcher d’émettre quelques réserves. Même en tant qu’adulte la déception face à des personnes que l’on admirait lorsque la réalité venait en quelque sorte « casser » l’image que l’on s’était construite pouvait parfois être difficile à vivre alors en tant qu’enfant… Quelque part, souhaiter protéger sa fille était une réaction totalement naturelle venant d’une mère et Anya en était le parfait exemple. Et c’était une attitude qu’Odeya comprenait parfaitement, a force de passer autant de temps au près des plus jeunes, la jeune femme avait aussi parfois tendance à avoir ce genre d’attitude. Même si dans son cas, il s’agissait d’orphelin ou bien de ses élèves, l’envie de les préserver quelque part, restait bien présente. C’était comme lorsque on lui posait une question innocente, le genre que seul un enfant pourrait avoir, Odeya se faisait un devoir de donner une réponse adapté et de ne pas imposer sa vision d’adulte.

- En fait, j’ai répondu que sa robe était d’une autre couleur parce que nous n’avions malheureusement pas de fée sous la main, afin de la faire passer du rose au bleu comme dans la scène de fermeture. Mais, personnellement je suis team bleu.

Sa robe de princesse était bleue pendant toute la partie du film se déroulant au château, ce n’était qu’a la fin que Flora et Pimprenelle se battaient à coup de magie la rendant tantôt bleu, tantôt rose mais sur toutes ses représentations sa robe était rose. A croire que leur merchandising se vendrait mieux au près des petites filles avec une robe rose. C’était une mentalité, qu’elle n’était pas sûr d’apprécier. Toutes les petites filles étaient différentes, et leur couleur préféré n’était pas nécessairement le rose. Pour preuve, la sienne avait toujours été le bleu. Même si elle portait surtout du blanc, elle faisait toujours en sorte d’ajouter une petite touche coloré avec du bleu que ce soit en accessoire ou bien en vêtement. C’était sa note personnelle en quelque sorte et elle aimait bien se dire que c’était ce qui faisait sa personnalité.

Quant à la timidité, elle ferait en sorte d’appliquer les conseils d’Anya pour autant il s’agissait de deux choses différentes le trac et la timidité. Le trac, c’était en quelque sorte l’angoisse que l’on éprouvait avant de monter sur scène. On avait beau avoir répété un millier de fois, c’était toujours impressionnant de jouer devant des gens. Et pour cela, leur professeur de danse leur avait suffisamment fait répété d’exercices de respiration pour pouvoir le combattre. La timidité, c’était autre chose et c’était plus handicapant. S’il existait un remède miracle afin de sortir de sa coquille, elle serait probablement la première a vouloir le tester, malheureusement ça n’existait pas. Pas encore du moins, Storybrooke pourrait bien un jour avoir une avance considérable sur le reste du monde et le créer vu toutes les personnes pratiquant la magie en ville. Néanmoins, en attendant qu’une de ces personnes ne le mette au point, il fallait encore combattre ce défaut soit même.

- Peut-être que ce qu’il me faut, c’est de m’obliger à sortir de ma zone de confort moi-même. Je ne sais pas encore comment le faire, mais je suppose qu’avec un peu de recherche je trouvais bien ce qui me conviendrait le mieux.

Ce n’était qu’une idée comme ça, mais c’était déjà mieux que rien. Rester toute sa vie à devoir rougir et bafouiller pour la moindre petite chose c’était tout sauf agréable, et par moment cela l’agaçait vraiment. Les gens ne se rendaient pas vraiment compte de ce que cela pouvait être à vivre au quotidien pour elle. Et pour être véritablement honnête : il y en avait très peu que cela intéressaient vraiment d’une manière générale.

- J’aurais sûrement le temps d’y penser, en attendant je pense qu’on va pouvoir aller voir mes camarades pour cette démonstration que j’ai promise.

En plus des décors et des costumes, elle avait aussi promis de leur faire une démonstration de danse avec ses camarades. Bon l’idée n’était pas nécessairement que ce soit tiré du ballet qu’ils s’apprêtaient à exécuter, mais heureusement pour tout le monde, on leur faisait répéter également d’autres pas, et d’autres chorégraphies lors des cours de danse. Elle n’avait pas envie de « spoiler » le ballet au duo mère/fille, le mieux c’était de découvrir tout ça sur scène avec les costumes et les décors afin de vraiment les plonger dans l’histoire. D’ailleurs, fait étrange avec ses camarades elle n’hésitait pas lorsqu’il le fallait à s’imposer. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient tous la même passion de base, et que dans ce milieu il fallait savoir prendre sa place. Elle ne s’était jamais posé la question, étant donné qu’en cours elle n’aimait pas spécialement participer verbalement. Au fond, tout ce qu’elle demandait c’était de pouvoir prendre ses notes lors des cours théoriques et mettre en pratique ce qu’elle répétait lors des cours pratiques comme ceux de danse rien de plus et rien de moins. Elle avait toujours eu du mal avec l’idée de vouloir a tout prix forcer la participation orale si les personnes n’en avaient pas envie. Cela ne voulait pas dire que plus tard, elles ne sauraient pas prendre la parole devant d’autres personnes, du moment que l’on était attentif et que les notes suivaient, Odeya avait toujours estimé qu’il n’y avait pas nécessairement besoin de plus.

Sortant de la salle en première, afin de laisser le temps à Anya de remettre les pieds sur terre à Abigaelle qui semblait toujours autant fasciné par les costumes, elle attendit qu’il y ait un peu moins de monde dans le couloir afin de faire signe à son amie de la suivre. Il était aisé de se perdre dans le labyrinthe que pouvait représenter l’école de danse, même elle lorsque elle avait commencé par prendre ses cours quand elle était plus jeune avait réussit à le faire plusieurs fois. Aujourd’hui elle connaissait l’endroit comme sa poche et réussissait à naviguer sans problème mais ce n’était pas nécessairement le cas de tout le monde.

- Bonne réponse, approuva la rouquine, d'avis que c'était encore le meilleur moyen d'éviter les débats à n'en pas finir.
Cependant, Anastasia ne cacha pas son contentement. Evidemment qu'Odeya aurait choisi le bleu. Elles n'étaient pas amies de longue date pour rien ! Toutefois, Anya ne put s'empêcher un commentaire supplémentaire, hésitant entre le sarcasme et le factuel :
- Cela dit, peut-être que dans cette ville on pourrait trouver une fée ou une sorcière dispo le soir de la représentation pour faire le truc.
Car s'il y avait bien un endroit où les trucages n'avaient pas besoin d'en être c'était sûrement à Storybooke et nulle part ailleurs. Bien sûr, dans les faits, Anya n'était pas certaine de cautionner l'usage intempestif de la magie, même si, en tant que simple mortelle, elle ne la pratiquait pas. Toutefois, cela ne l'empêchait pas de penser que certaines choses étaient plus belles quand elles étaient naturelles. Et c'était particulièrement le cas dans leur ville magique. Evidemment, Anastasia n'oubliait pas non plus qu'elle avait été victime de la magie d'un sorcier revanchard, une expérience suffisamment ancrée dans sa mémoire pour qu'elle sache qu'un coup de baguette magique avait des conséquences ou pouvait causer de sacrés dégâts. Blague à part, mieux valait donc que les spectacles artistiques s'en tiennent à l'artistique.
Anastasia ne partagea cependant pas cette réflexion avec Odeya, revenant au moment présent et à la timidité plutôt flagrante de son amie.
- Oui, tu devrais peut-être faire ça, approuva-t-elle une nouvelle fois. Tu connais mieux ta zone de confort que moi mais tu peux essayer une autre activité que la danse pour commencer et voir où ça te mène, suggéra la rouquine, pense. Enfin si c'est compatible avec tout ce que tu fais déjà, nuança Anya après un moment de réflexion.
Elle savait, en effet, qu'Odeya ne chômait pas. On n'atteignait pas un niveau professionnel en danse en claquant des doigts. C'était des heures et des heures et encore des heures d'un travail assidu et acharné sur plusieurs années, une discipline qu'Anastasia savait qu'elle n'aurait jamais eu la patience d'avoir. Mais la vie d'Odeya ne s'arrêtait pas là, il y avait aussi Uberta, son impossible mère de substitution à gérer, ses engagements à l'orphelinat et peut-être encore tout un tas de choses qu'Anya ignorait.
- Et faire ça seule, sans ami ou membre de la famille avec qui tu es à l'aise, sinon ça ne marchera pas, ajouta Anya après coup, opinant du chef comme pour valider sa propre remarque.
La jeune femme doutait être une bonne conseillère mais faisait de son mieux pour faire preuve d'empathie, une qualité qui lui manquait un peu, parfois. Heureusement que le profilage ne requérait pas de compatir à la vie de ceux qu'on analysait. Quoiqu'il en soit, la rouquine fut bien contente de s'en tenir à ça (elle avait été au max) et de suivre Odeya pour la démonstration promise. Et puis c'était vrai : Odeya avait le temps d'y penser. Sa timidité ne s'améliorerait pas ce soir de toute façon.
Abigaëlle, perdue dans son monde d'étoffes à s'imaginer dieu seul savait quelles histoires inspirées par les costumes les lâcha pourtant assez rapidement en comprenant que c'était le moment d'aller voir les danseurs en pleine action et aurait sans doute couru au devant d'Odeya si elle savait par quel chemin allait. Et c'était tant mieux comme ça ! Anastasia n'avait pas tellement envie qu'elle se torde quelque chose à cause de trop d'excitation et pas assez de vigilance.
Il ne fallut pas longtemps à la petite troupe pour rejoindre la salle où répétaient les autres danseurs du ballet et Abigaëlle les salua de grands signes de la main accompagnés d'un sourire tout aussi immense. Anya, elle, fut moins exubérante et se contenta d'un peu signe gêné de la main accompagné d'un "bonsoir" un peu gauche. Au moins le reste de la troupe ne semblait pas particulièrement surpris ni dérangé de voir arriver du monde, étant, au contraire, plutôt amusés par la petite fille qui leur rendait visite et courtois avec sa mère.
- Viens ma chérie, on va se mettre dans un coin pour pas déranger, dit-elle à sa fille afin de se donner contenance tout en l'entrainant vers l'un des côtés de la salle.
- D'accord ! s'exclama la fillette.
Et une fois installée, elle ajouta :
- C'est bon maintenant vous pouvez danser, on dérange plus !
Anastasia ne put s'empêcher de pouffer en se demandant comment elle avait bien pu être à son âge. Sans doute un peu pareil.

Eh bien dansez maintenant

Quand je danse, je vole tout simplement, comme un oiseau.

Peut-être pouvait-elle commencer dès maintenant à sortir de sa zone de confort. Généralement, Odeya n’était pas spécialement une meneuse, elle était plutôt celle qui faisait tout pour être invisible, mais devant ses camarades de promo, elle n’avait pas spécialement à se cacher. Ils passaient la majeure partie de leurs cours ensemble, le cursus « pro » prenant le pas sur le cursus « commun ». Ils n’avaient pas spécialement définit à l’avance, quelle démonstration ils allaient faire, pas un bout du ballet c’était sûr, il fallait laisser la surprise aux deux rousses. Et c’était beaucoup de découvrir l’ensemble du ballet sur scène. Ils avaient étudiés diverses chorégraphie en classique, mais ça ne s’arrêtait pas là. Leurs études de danse, leurs donnaient aussi un aperçu du contemporain et des danses de salons. Certains de ses camarades d’ailleurs, envisageaient de se spécialiser dans autre chose que du classique, mais la plupart de la troupe présente ce soir avaient tous pour but d’un jour frôler les planches d’un grand opéra ou théâtre pour faire du classique.

Quoi qu’il en soit, sortir de sa zone de confort, pouvait aussi passer par la proposition d’une chorégraphie, pourquoi pas celle d’un autre ballet classique d’ailleurs, ils avaient étudiés La Belle au Bois Dormant justement lors de leurs derniers cours, leur professeur expliquait qu’il y avait dans cette œuvre, certains mouvements qu’ils se devaient de maîtriser s’ils voulaient réussir. Évidemment, dans un premier temps la première chose à laquelle tout le monde avait pensé c’était la pression que cela leur mettait. Mais tout le monde avait fait de son mieux. Pour Odeya il était bien évidemment hors de question de proposer le lac des cygnes, et la plupart de ses camarades semblaient avoir remarqué son malaise vis a vis de cette œuvre, et n’en parlaient pas. Supposant -a juste titre- que cela avait quelque chose a voir avec sa vie d’avant. Elle n’aimait pas vraiment en parler, parce que ça n’avait rien d’amusant au fond. Elle avait été changé en cygne pendant toute sa vie là-bas par un sorcier qui se disait épris d’elle. Avec le recule, elle se demandait si ce n’était pas plutôt de la couronne dont il était épris, c’est vrai après tout, elle n’était qu’une enfant lorsqu’il l’avait enlevé. A peine entrée dans l’adolescence, et du même âge que sa propre fille ce qui était franchement malsain. Certes, elle avait revu Siegfried, mais il s’était quand même prit une épée en plein dans le ventre en tentant de la défendre. Pour ce qu’elle en savait, leurs recherches avec Uberta étaient peut-être vaine depuis tout ce temps.

Mais ce n’était pas le moment de penser à tout ça, aussi prit-elle une grande inspiration pour tenter de se calmer et déglutit toujours un peu intimidée par l’idée de mener la danse -littéralement et métaphoriquement d’ailleurs. Elle prit cependant son courage à deux mains pour se tourner vers ses camarades de promo et dire d’une voix a peu près normale :

- On pourrait peut-être leur proposer un extrait de La Belle au Bois Dormant, vous en pensez quoi ?

« Excellente idée ! » Approuva joyeusement l’une de ses camarades « Je me suis énormément entraîner ces derniers temps, c’est l’occasion de montrer ce que je sais faire ! »

Jetant un coup d’oeil au restant de la troupe, Odeya ne vit que des signes d’approbation, ce qui allégea légèrement la chape de plomb qui semblait avoir prit place dans son ventre. Au final, sortir de sa zone de confort ne semblait pas si impossible que ça. Évidemment, il y avait toujours une légère appréhension, et elle se doutait bien que ce serait toujours le cas pendant un bon moment, mais c’était un premier pas vers la réussite et en terme de satisfaction, elle ne pouvait le nier c’était très gratifiant. Tout le monde se mit en place, laissant la chorégraphie prendre vie. Pour eux, c’était aussi un dernier moyen de s’échauffer avec le grand spectacle qui aurait lieu dans très peu de temps maintenant. Odeya allait devoir retrouver Uberta en espérant qu’elle et Melchiore aient finit de se chamailler. Au pire, elle prendrait son courage à deux mains et leur indiquerait gentiment le chemin de la sortie, et celui de la salle de représentation.

Le cd qu’ils avaient mit avec l’extrait choisit afin de pouvoir tout de même avoir un accompagnement -même si ça ne vaudrait pas celui de l’école de musique pour Casse noisette avec qui ils travaillaient souvent en duo- arriva à sa fin, laissant les danseurs saluer leur publique et reprendre leur souffle, parce que mine de rien ça demandait de l’énergie même pour une petite représentation comme celle-ci. Heureusement, la plupart de ceux qui avait accepté ne passaient pas directement, cela leur permettait de reprendre de l’énergie entre deux.

- J’espère que ça vous aura plu. Intervint Odeya, le spectacle commence dans moins de vingt minutes, alors je pense qu’il serait temps que je vous raccompagne.

Et puis le pauvre Dimitri se sentirait peut-être un peu moins seul en voyant revenir sa compagne et leur fille. Ce dernier ayant été quelque peu abandonné à son sort, au profit d’une visite entre filles. Même si elle supposait qu’avec Anya, il devait avoir l’habitude, son amie n’avait non seulement pas la langue dans sa poche, mais aussi une forte personnalité. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, et si elle avait quelque chose a dire, elle le disait sans nécessairement prendre de pincettes. Mais c’était comme ça qu’on l’appréciait, Anya sans tous ces petits détails ne serait pas Anya, et serait de ce fait beaucoup moins amusante.

Anastasia n'avait jamais vu la version ballet de La Belle au bois dormant, s'étant, pour le moment, contentée de la version Walt Disney qui plaisait bien à Abigaëlle et dont elle-même appréciait l'esthétique. La rouquine n'assumait pas totalement d'être friande de ballets, car c'était une activité très féminine et minutieuse, en quelque sorte à l'opposé de l'image de jeune femme badass qu'elle tenait à avoir, mais devait admettre, au moins à elle-même, qu'elle était très excitée par l'idée de découvrir un extrait d'un ballet qui lui était pour le moment inconnu. Elle aurait apprécié une démonstration privée de Cendrillon, le premier ballet qu'elle avait vu dans sa vie d'adulte, celui après lequel elle avait retrouvé sa grand-mère, mais trouvait le plaisir de l'inconnu d'autant plus grisant.
Bien sûr, étant adulte, Anastasia ne montra rien de son impatience, contrairement à Abigaëlle dont l'impatience ne se calma qu'une fois que la troupe se mit en mouvement. Mère et fille reconnurent toutes les deux la musique que Disney avait reprise, ce qui rendait le choix d'autant plus judicieux pour divertir une enfant aussi jeune qui observait les danseurs et les danseuses avec des yeux immenses plein de curiosité.
Anya, quant à elle, hésitait à observer sa fille à la place des danseurs car le spectacle qu'offrait Abigaëlle était aussi plein de charme. La fillette était impressionnée par la coordination et la précision de la troupe, même s'il était fort probable qu'elle ne connaisse pas ces mots-là pour exprimer ce qui la subjuguait dans le spectacle. Anastasia, pour sa part, se surprit à battre la mesure d'un de ses pieds, entrainée, elle aussi, dans la danse - à son niveau, toutefois. Anya savait valser - et mener la valse, même si les hommes présupposaient encore que c'était à eux de le faire - et ses compétences en danse s'arrêtaient là. Il y avait peu de chances, de toute façon, qu'elle ait besoin de plus dans sa vie, même si, si un jour elle finissait par se marier, elle était à peu près certaine que l'ouverture du bal serait réussie. Ou du moins que ça ne serait pas elle qui la gâcherait si elle devait l'être.
La musique s'arrêta alors qu'elle donnait l'impression d'avoir à peine commencer et la mère comme la fille applaudirent chaleureusement les danseurs qui saluaient. Deux paires de mains qui applaudissaient étaient loin de pouvoir produire la ferveur d'une salle en délire et la standing ovation avait quelque chose de pathétique mais le cœur y était tout de même.
- C'était très bien, bravo à tous et merci pour la démonstration, répondit Anya en coulant un regard vers le reste de la troupe qui ne s'était pas approché particulièrement, ayant, sans doute, d'autres priorités. Tu as raison, on devrait y aller, j'ai assez abusé de ton temps et de tes passes-droit comme ça. Allez viens ma poupée, on va retrouver papa, annonça la rouquine en tendant sa main diaphane à une Abigaëlle ravie par cette perspective aussi.
Elle et Anya suivirent Odeya dans le sens inverse de la visite, la fillette trottinant gaiement et sa maman ne perdant pas de vue ses petites jambes enthousiastes pour leur éviter de faire une mauvaise rencontre. Après quelques temps, l'enfant se fendit d'un commentaire comme seuls les enfants savent les faire :
- C'était bien mais il manquait le hibou déguisé en prince et les autres animaux.
Anastasia pouffa. Elle lui expliquerait une autre fois la différence entre Disney et le ballet sinon elle allait retarder Odeya dans la fin de sa préparation.
Arrivées à l'entrée des coulisses, les rouquines repartirent en direction de la salle où il fallut se frayer un chemin parmi les spectateurs déjà installés et ceux qui discutaient dans les allées afin de retrouver Dimitri et les deux chaises vides qu'il gardait depuis un bon bout de temps.
- C'était bien ? demanda-t-il en arquant un sourcil, sans la moindre remarque sur l'absence prolongée de deux femmes de sa vie.
- C'était super bien, papa ! s'écria Abigaëlle avant de raconter, avec force de détails, ce qu'elle avait vu dans les coulisses.
- J'en conclus que je n'ai pas eu le temps de vous manquer, reprit Dimitri quand leur fille eut -enfin - terminé son incroyable récit.
- Bah pourquoi tu nous aurais manqué, papa ? T'étais pas très loin ! s'écria Abigaëlle, bien trop jeune pour comprendre l'appel de l'égo faussement blessé par ce manque d'attention de son père.
Dimitri et Anastasia éclatèrent de rire mais la jeune femme lui pressa néanmoins la main, n'étant pas friande des grandes démonstrations en public mais sachant particulièrement apprécier les petites gestes et les regards qui en disaient long. Ils avaient de la chance, se dirent-ils en silence, d'avoir eu pareille petite fille. L'intéressée, quant à elle, ne comprit pas pourquoi ses parents riaient mais rit avec eux, après quoi Anastasia précisa qu'il ne leur restait plus qu'un gros quart d'heure à patienter avant le spectacle.

Eh bien dansez maintenant

Quand je danse, je vole tout simplement, comme un oiseau.

Abigaëlle était un sacré numéro, mais en même temps avec une mère comme Anya, Odeya se disait que la petite rousse ne pouvait qu’avoir hérité d’une sacré personnalité. Remerciant ses camarades, elle se rendit en direction des vestiaires, et de là où les simili-loges avaient été installés. Il n’y avait a priori pas de traces d’Uberta ou de Melchiore ce qui la fit soupirer de soulagement. Vraiment, elle n’avait pas envie de se retrouver à jouer les arbitres entre eux. C’était la raison principale pour laquelle elle avait fuit plus tôt, sans les deux querelleurs à proximité, elle pourrait terminer de se préparer tranquillement comme ça aurait toujours dût être dès le départ. Bien sur, elle était reconnaissante à Anya d’avoir accepté son petit tour de visite guidé, ça lui avait permis de se changer légèrement les idées avant de s’atteler aux derniers préparatifs, et pendant qu’elle finissait son maquillage avec la palette et les pinceaux qu’elle avait apporté pour l’occasion, elle songea que ce serait peut-être une tradition plutôt sympa à faire que d’inviter son amie lors de leurs prochains spectacle de rentrée.

Baissant son pinceau afin de regarder dans son miroir de poche si les finitions qu’elle avait faite étaient suffisante ou bien si elle avait besoin de retoucher une dernière fois, elle songea qu’elle pourrait toujours lui en parler à la fin de la représentation. Satisfaite avec le maquillage, elle entreprit de nouer ses cheveux en chignon, remerciant les divers tutos coiffures qu’elle avait regardé sur internet afin que ça ne ressemble pas à un truc fait en quatrième vitesse. Heureusement, elle avait eu le temps de s’entraîner, parce que les premiers essais n’étaient pas franchement fameux c’était le cas de le dire. Et puis, Uberta lui avait prodigué quelques conseils par la suite. Quand elle ne se disputait pas avec Melchiore, sa belle mère était toujours prête à donner un coup de main, particulièrement si cela concernait la manière de se coiffer ou de s’habiller. Pour Odeya, elle avait raté sa vocation soit de styliste, soit de dirigeante d’une grande maison de haute couture. Et puisque l’on parlait d’Uberta, des éclats de voix qu’elle reconnue parfaitement comme lui appartenant se firent entendre. Evidemment, c’eut été trop beau pour être vrai elle aurait dût s’en douter. Ils n’étaient pas vraiment partis, ils avaient simplement décidés de se disputer ailleurs avant de revenir se disputer ici.

« De toute façon, Melchiore vous n’y connaissez rien ! » Déclara l’ancienne souveraine

« J’ai probablement plus d’expérience que vous » Rétorqua l’ancien maestro

Soupirant, Odeya passa la tête par la porte bien décidée à intervenir une bonne fois pour toute. Trop c’est trop, même pour elle. Au diable sa timidité, elle n’allait pas rester passive plus longtemps :

- Je pense que le mieux, n’est pas de savoir qui a tort ou raison, mais plutôt pour vous d’aller vous installer, le ballet va bientôt commencer et vous allez tout rater si vous restez là.

Elle avait joué la carte de la maturité, de toute façon il n’y avait que cela qui marchait avec ces deux là. Du trio, Odeya était sans aucun doute la plus mature. Sortir de sa zone de confort, voulait peut-être aussi dire intervenir plus souvent pour calmer les disputes de sa belle mère et de l’ancien maestro.

« Mais que voilà une merveilleuse idée ! » S’exclama Uberta « Nous allons te laisser pour que tu finisse de te préparer ma chérie, on se dit a tout à l’heure. »

Et sans demander son avis à Melchiore, Uberta le traîna littéralement à sa suite. Quoi qu’il en soit, cela permit à Odeya de souffler un peu et de terminer sa préparation. Ce n’était pas encore à elle, elle savait parfaitement l’heure de son passage sur scène, mais cela n’empêche, qu’elle devait être dans les coulisses bien a l’avance. Cela lui permettrait de profiter un peu du spectacle également ce qui n’était pas plus mal. Evidemment, elle ne pourrait pas se démaquiller ni enlever sa tenue avant le salut finale, c’est pourquoi elle resterais en coulisse avec le restant de ses camarades, il n’y avait que lors de l’entre acte où elle pourrait tenter de se glisser hors de ces dernières et retrouver sa belle mère ou bien Anya.

Lorsque l’annonce du spectacle retentit dans les hauts parleurs de l’école, elle s’empressa de rejoindre le restant de la troupe dans les coulisses, attendant patiemment son tour alors que le ballet commençait, laissant s’enchaîner les tableaux. Et finalement, le moment de la valse des flocons de neige arriva, Odeya ainsi que ses camarades flocons entra sur scène et sembla oublier tout ce qu’il se passait qui n’avait pas trait à la danse, dès que la musique retentit elle esquissa ses premiers pas de danse, se laissant porter par le son des instruments et la chorégraphie. Au bout des sept minutes, que durait la danse elle se retira en même temps que les autres danseuses, reprenant petit a petit part à la réalité.

Au moment de l’entre acte, les spectateurs étaient invités à se restaurer, certains commerçant de la ville ayant installés des petits stand, afin de participer eux aussi à l’évènement. Cela leur permettait d’augmenter un peu leur chiffre d’affaire et au fond, ce n’était pas plus mal. Storybrooke, reposait pas mal sur l’esprit d’entre aide et de partage, la plupart des commerçants ici étant indépendants, il y avait bien un centre commercial mais il n’appartenait à une grande chaîne comme la plupart de ceux que l’on trouvait aux États-Unis, alors afin que les affaires marchent, il valait mieux s’entraider. Odeya avait déjà pu expérimenté la bienveillance des gens lorsqu’elle faisait du bénévolat pour l’orphelinat, chaque année à Noël notamment ils créaient un petit stand, afin de vendre des décorations réalisés mains par les bénévoles, tous les bénéfices étaient utilisés pour améliorer la vie des orphelins et entretenir la structure.

Sa première idée fût évidemment de chercher ses proches. Uberta l’étouffa -au sens propre- de compliments, qu’elle accepta les rouges légèrement rosies, chose qui arrivait souvent quand on la complimentait d’ailleurs. Et Odeya la laissa faire, le temps de localiser Anya, elle pouvait après tout passer cinq minutes avec sa belle mère.

Même si elle était peut-être encore un peu jeune pour assister à un long spectacle, à partir du moment où les lumières s'éteignirent et la musique se lança, la petite Abigaëlle resta calmement sur son siège, les yeux grands ouverts et rivés à la scène. Le tableau des flocons lui plut particulièrement, sans doute en partie parce qu'il lui rappelait la Reine des neiges même si c'était une autre musique que sa fameuse chanson.
Sa mère aussi apprécia particulièrement ce passage, sans doute en partie par solidarité pour sa copine d'enfance qu'elle n'avait pas manqué de repérer sur scène en se disant que jamais elle ne serait aussi gracieuse qu'elle, peu importe les efforts qu'elle essayerait de faire pour y arriver. Il s'agissait plutôt d'un constat que d'un véritable regret. Anastasia n'avait pas une fibre artistique très développée, contrairement à toutes ces princesses de conte qui savaient tout faire. La faute à son enfance impériale rapidement abrégée, sans doute, et à son tempérament volcanique qui la poussait vers l'action plutôt que la broderie.
La rouquine n'en restait pas moins friande de ballets russes et battit la mesure à plusieurs reprises. Malgré tout, elle ne fut pas mécontente que l'entre-acte soit annoncé, heureuse de pouvoir se dégourdir les jambes pour se rendre à la buvette et offrir une friandise et une boisson à sa fille (et à sa maman, tant qu'à faire). Abigaëlle était très sage et méritait d'autant plus sa récompense, composée d'une gaufre et d'un jus de fruits, qu'elle accepta avec des yeux gourmands. Sa mère n'irait sans doute pas lui jeter la pierre, elle-même très heureuse de croquer avec appétit dans sa propre gaufre avant de manquer d'avaler d'une traite son gobelet de Coca.
Après un moment, elle aperçut Odeya en compagnie de son exubérante belle-mère qu'on entendait à l'autre bout de la pièce tant elle était discrète. D'un regard coulant, Anya l'indiqua à Dimitri, qui grimaça de désapprobation en avalant une gorgée de café. Uberta était typiquement le genre de personne qui l'irritait et sa fiancée devait bien admettre qu'elle comprenait pourquoi. Anastasia serait bien contente de pouvoir l'éviter et attendit d'ailleurs de la voir se diriger vers l'un des stands de restauration pour fendre la foule et retrouver Odeya, laissant Dimitri et Abigaëlle un peu plus loin.
- Pas mal du tout cette danse des flocons, dit-elle pour s'annoncer en arrivant dans le dos d'Odeya.
Anastasia avait hésité à d'abord poser une main ferme sur son épaule avant de s'annoncer verbalement mais y avait finalement renoncé en optant pour une approche plus classique et moins surprenante.
- Je serais venue te le dire plus tôt mais j'attendais que tu sois seule. J'ai pas la patience pour ta belle-mère. Enfin je crois pas. Mais elle a aimé le spectacle ? Abigaëlle a été sage comme une image et Dimitri aussi donc je pense que ça leur plait.

Eh bien dansez maintenant

Quand je danse, je vole tout simplement, comme un oiseau.

Peu de personnes supportaient Uberta et celles qui la supportaient se comptaient sur les doigts d’une mains. Odeya savait parfaitement qu’il fallait parfois développer des trésors de patience pour arriver à ce miracle, et elle ne jetait jamais la pierre à ceux qui ne l’avaient pas. C’était un fait vieux comme le monde « on ne pouvait pas plaire à tout le monde » Uberta peut-être plus que les autres, mais Odeya l’aimait beaucoup alors elle ne pourrait pas vraiment en être la juge. Quoi qu’il en soit, elle comprenait parfaitement le point de vu d’Anya et ne lui en voulait absolument pas, de toute façon sa belle mère était de nouveau partit dans l’une de ses éternelles querelles avec Melchiore. A les voir ainsi cela en devenait désespérant en toute honnêteté.

- Je crois que les gens qui supportent Uberta sont une espèce très rare et quasiment en voix de disparition. Admit-elle avec un petit sourire gêné.

Ce qui était sa manière à elle de dire qu’elle comprenait Anya, et ne lui en tenait pas rigueur. De toute façon Odeya n’était pas le genre à en vouloir aux gens pour un soucis d’affinité. Uberta avait une personnalité qui prenait beaucoup de place, elle était aussi exubérante qu’excentrique ce qui n’était pas nécessairement tolérable et gérable par tout le monde. Tout comme elle et Odile ne s’étaient jamais entendue, malgré les espoirs qu’elle avait lorsque Rotbarth l’avait ramené pour la première fois dans son château. Elles avaient quasiment le même âge, certainement la fille du sorcier ne serait pas ravis à l’idée de l’avoir pour « belle mère » et convaincrait son père de renoncer à cette idée insensé. Évidemment, elle avait depuis soupçonné que le duo père/fille étaient amoureux de sa couronne. Sûrement qu’un « accident » malencontreux lui serait arrivé, dès les noces avec le sorcier célébrés.

Cette pensée lui fit ressentir des frissons désagréable et elle s’empêcha de la chasser aussi tôt apparut dans son esprit. Ce n’était pas le moment, même si ce n’était pas toujours évident de passer au dessus d’un passé traumatisant -se faire enlever alors que l’on vient a peine d’entrer dans l’adolescence et transformer en cygne afin de céder à la pression quoi que les gens en disent c’était traumatisant.

- J’ai eu droit à une avalanche de compliment. Répondit-elle avec un petit sourire gêné alors je suppose que ça veut dire qu’elle a aimé.

Elle se sentait toujours gênée quand on la complimentait, c’était plus fort qu’elle. Pourtant elle savait que si elle souhaitait continuer dans ce milieu, elle devait s’endurcir, et ne pas avoir « peur » ni des critiques ni des compliments. Ce n’était pourtant pas sa première représentation devant sa belle mère, mais peut-être que convier son amie d’enfance avait fait involontairement monter la pression. Elle n’en savait rien, et n’avait pas envie de se poser la question préférant pour l’instant profiter de l’instant présent.

- L’absence, d’Olaf et d’Elsa n’a pas trop dérangé Abigaëlle ? Plaisanta-t-elle tout de même

Elle n’en voudrait évidemment pas à la petite fille si c’était le cas. Odeya n’étant pas sa mère, elle ne devait pas « supporter » au quotidien l’obsession qu’elle avait avec La Reine des Neiges. De son côté, elle se contentait de trouver ça mignon et un petit peu drôle aussi elle devait l’admettre. Elle grandirait et serait probablement moins obsédé par ça qu’elle ne l’était maintenant, il fallait aussi dire que Disney avait tapé fort, se rendant compte du succès de son long métrage d’animation une franchise destiné uniquement à ces personnages avait été crée. Ça ne devait évidemment pas être drôle pour tout le monde, et les « vrais » Anna et Elsa ne devaient probablement pas être super enthousiaste devant tout ce merchandising.

- En tout cas, ça m’a fait plaisir de vous voir venir. Admit-elle, on a une représentation chaque année alors, si tu souhaites revenir à l’avenir sache que tu seras toujours la bienvenue. Et j’espère aussi que le reste de la représentation plaira à Abigaëlle.

Pour Anya, elle ne se faisait pas vraiment de soucis, mais il est vrai que pour une enfant de l’age de la fille de son amie ça pouvait paraître un tantinet longuet. Même si encore une fois, tout dépendait des enfants. Certains étaient embarqués dès le début, et d’autres trouvaient le temps long n’hésitant d’ailleurs pas à le faire bien comprendre à leur parents. A priori cela n’avait pas eu l’air d’être le genre d’Abigaëlle, lors de la démonstration de la Belle au Bois Dormant elle avait eu l’air de plutôt apprécier.

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Anastasia rit de bon cœur, quoique que pas aussi élégamment qu'une princesse était supposée le faire. Elle ne doutait assurément pas des propos d'Odeya. Il suffisait d'observer le spécimen (car ce terme s'appliquait particulièrement bien à Uberta) pour comprendre qu'elle usait la patience de plus d'une personne. D'ailleurs, il semblait que certains spectateurs, qu'elle connaissait peut-être plus ou moins bien, s'appliquaient à l'éviter ou à abréger ses tentatives de socialisation en trouvant une excuse pour s'éclipser. Il n'y avait, en fin de compte, que son fidèle acolyte qui semblait résolu, bon gré mal gré à rester auprès d'elle. Il l'aurait aimée en secret que cela n'aurait pas étonné Anastasia. Après tout, sa relation avec Dimitri avait bien démarré par de l'exaspération continue entre les deux farouches jeunes gens qu'ils étaient à l'époque. Et pourtant, ça avait fini par fonctionner.
Bien sûr, tout le monde espérait que son histoire en général et son histoire d'amour en particulier était unique. Mais si ça avait pu fonctionner pour Anastasia et Dimitri, pourquoi ne pourrait-il pas en être autant pour Uberta et Melchior ?
Avec son petit manège, ses manières exagérées et sa voix qui portait au loin, qui plus est quand l'acoustique l'y aidait, Uberta attirait inévitablement le regard. Elle ressemblait à un drôle d'oiseau désorienté qu'Anya ne pouvait s'empêcher d'observer de loin, le sourire amusé aux lèvres.
- D'après ce que je sais d'elle et ce que je peux observer, oui, je dirais que ça veut dire qu'elle a aimé, approuva la rouquine. On dirait pas quand on voit comment elle se coiffe mais elle a du goût, en fin de compte, ajouta la jeune femme avant de pouffer puis de d'excuser d'être aussi peu convenable : Pardon, c'était plus fort que moi il fallait que je le dise. Je suis sûre que c'était à la mode... avant... à une certaine époque...
Plus elle parlait et plus le sourire d'Anastasia s'agrandissait, si bien qu'elle finit par éclater de rire, ce qui, venant d'une princesse, ne respectait absolument pas le protocole. Heureusement que maintenant qu'ils vivaient loin de tout ça Dimitri y prêtait moins attention. Il restait traditionnel et un peu vieux jeux, mais il avait fini par comprendre qu'Anastasia serait une Grande Duchesse selon ses propres règles, pas celle d'une étiquette vieille comme le monde.
- Bon OK j'arrête, finit par affirmer la rouquine qui avait aussi commencé à attirer les regards.
Il faut dire qu'Odeya eut la bonne idée de lui poser une question sur Abigaëlle pour alimenter la conversation ce qui la détournait par la même occasion d'Uberta et son improbable personnalité.
- Elle a aimé, oui. Elle a trouvé ça très joli et elle n'a pas arrêté d'essayer de te reconnaitre parmi les autres danseuses. Je crois que les personnes autour de nous ne s'en sont pas trop formalisées, précisa Anya. Elle a dit juste avant que ça serait mieux avec Libérée, délivrée à un moment mais que c'était quand même très bien. Si jamais tu veux faire une suggestion au chorégraphe...
Le commentaire était évidemment une boutade. Anastasia se doutait bien qu'on ne pouvait pas tout rapporter à Anna et Elsa (et heureusement, d'ailleurs) mais s'amusait de cette idée. L'ambiance de la soirée lui donnait une humeur festive qu'elle n'avait pas peur d'afficher, se moquant bien davantage du qu"en dira-t-on que Dimitri. C'était lui le rabat joie de la bande, pas elle.
- Ca me fait aussi plaisir d'être venue. On reviendra l'année prochaine, c'est certain. Dimitri aime aussi les ballets, pas le balai, malheureusement, mais les ballets russes c'est son truc. Je ne vais pas trop te retenir, j'imagine que ça ne va pas trop tarder à reprendre et que si on veut que ça reprenne à l'heure tu dois aussi éviter Uberta. Bonne chance pour le reste ! s'écria la rouquine en pressant l'épaule d'Odeya avant de fendre la foule dans l'autre sens.

Eh bien dansez maintenant

Quand je danse, je vole tout simplement, comme un oiseau.

Le rire et les boutades d’Anya étaient quelque chose d’extrêmement virale, puisque Odeya après avoir tenté de le masquer, éclata à son tour de rire. Vraiment elle adorait Uberta, mais elle ne pouvait pas franchement donner tort à son amie en ce qui la concernait. Elle était excentrique, et aimait bien arborer des coiffures qui n’avaient pas grand-chose à voir avec la mode du vingt et unième siècle. Il en était de même pour ses tenues qui rappelaient plus celles de la royauté d’un autre temps que celle d’une femme qui vivait à Storybrooke petite ville du Maine aux États-Unis. Elle avait tenté de le lui faire subtilement remarqué et elle n’était pas la seule d’ailleurs, Melchior s’y était cassé les dents. Quand Uberta décidait quelque chose, personne n’arrivait à la faire revenir en arrière, c’était plus fort qu’elle. A croire qu’elle aimait contredire tout le monde, et Odeya se doutait bien que c’était une des raisons pour lesquelles les gens avaient parfois un peu de mal avec elle.

- J’en glisserais un mot au chorégraphe promit-elle, quant à la suggestion d’Abigaëlle, sait-on jamais il pourrait avoir l’idée de monter un spectacle musicale de La Reine des Neiges. Même si le connaissant, il serait plutôt du genre à chercher les vrais Elsa et Anna pour interpréter leurs propres rôles. Je ne les connais pas, mais je ne suis pas certaine qu’elles réagiraient nécessairement très favorablement.

Elle savait que si on lui demandait d’interpréter son propre rôle, elle n’apprécierait pas. Mais comme elle l’avait dit : elle ne les connaissait pas. Mais elle supposais que la célébrité comme pour n’importe qui, ça pouvait finir par peser. Et vu comme tout ce qui tournait autour de La Reine des Neiges cartonnait, les qualifier de célébrités n’était pas exagéré à ses yeux.

- Si j’ai un conseil pour Abigaëlle, elle devrait regarder la deuxième rangée de danseur pour le prochain acte.

Son rôle était celui d’un flocon de neige, mais comme dans toute troupe, étant donné qu’elle n’était pas première étoile elle incarnait également d’autres « rôles » ou du moins, dansait avec le restant des figurants. D’ailleurs, il ne lui restait plus beaucoup de temps pour enlever rapidement son maquillage et enfiler sa nouvelle tenue. Aussi, après s’être séparé d’Anya et avoir échappé de justesses aux griffes d’Uberta qui l’aurait sûrement retenu, afin de la montrer à tout le monde tout en insistant sur le fait qu’elle dansait merveilleusement bien et qu’elle aurait dût avoir une plus grande importance dans le ballet. Elle aurait immanquablement finit aussi rouge qu’une écrevisse, si ce n’est une teinte plus foncée encore. Uberta était gentille, mais la discrétion n’était pas vraiment son fort loin de là même. Heureusement, Odeya avait l’habitude de devoir se changer rapidement, et avait opté pour un maquillage qui s’enlevait facilement. Troquant sa tenue de flocon de Neige, elle enfila celles des figurantes pour le prochain acte, et s’empressa de rejoindre le restant de la troupe en coulisse.

Il lui restait encore un peu de temps avant que le rideau ne se lève, aussi avait-elle fait un signe discret à Melchior pour qu’il s’occupe de sa belle mère. Elle s’en voulait un peu de lui déléguer la tâche, mais elle devait se tenir prête à monter sur place et à tenir sa position. On les faisait monter en avance, de manière à ce que tout le monde soit prêt pour le levé du rideau, et l’arrivé des danseurs vedettes. D’ailleurs, l’annonce de la fin de l’entre acte se fit. Elle n’avait pas eu le temps de grignoter quoi que ce soit mais de toute façon c’était prohibé jusqu’à la fin du ballet. Ce n’est qu’a ce moment qu’ils pourraient tous se restaurer et profiter un peu des diverses boissons proposés par le stand, qu’elles soient chaudes ou froides selon les envies de chacun. Le spectacle recommença, et a nouveau elle oublia tout ce qui se trouvait autour, se contentant de se focaliser sur ses pas et sa chorégraphie. Lorsque le rideau se baissa définitivement, laissant les spectateurs applaudir à tout rompre, elle revint évidemment sur scène pour le salut finale.

Abigaëlle n'avait que faire des protestations des vraies Anna et Elsa si on leur demandait de monter sur scène pour faire un spectacle. Elle avait seulement retenu l'idée que ce serait possible et cela avait suffi à l'émerveiller. Oui, elle avait envie que ce jour béni arrive, et rapidement, de préférence.*
- Oh oui, ça serait trop, trop bien ! Faut lui demander ! s'enthousiasma la fillette. Hein que tu lui demanderas ?
Anya ne savait que trop bien à quel point il était difficile de refuser quelque chose aux grands yeux suppliants de sa fille et adressa une moue désolée à son amie. Sur ce coup-là, elle ne pouvait absolument rien pour elle. Ou, presque rien, disons. Anastasia décida quand même de se montrer un peu secourable et de tempérer les ardeurs de sa fille :
- Je suis sûre qu'Odeya fera tout ce qu'elle peut pour passer le mot mais ça ne peut pas compter comme étant une promesse.
Au fond, Anya ne lui en voudrait pas si elle ne passait pas véritablement le mot ou si elle le faisait sur le ton de la plaisanterie. Déjà qu'elle était timide, si en plus elle devait suggérer le thème et le casting du prochain spectacle... Et qui plus est une idée aussi difficile à réaliser ! Personne, vraiment, ne pourrait lui en tenir rigueur de ne pas déployer des trésors d'inventivité et d'énergie pour y parvenir. Restait seulement à espérer que la petite bouille suppliante d'une jeune enfant ne fasse pas trop culpabiliser Odeya.
Surtout pas un pareil soir, même si la moitié du spectacle était déjà passée. La jeune danseuse avait encore du travail et son conseil, à savoir de regarder la seconde rangée pendant la deuxième partie, ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde. Ni dans celle de deux sourdes, à vrai dire. Abigaëlle fut absolument ravie de reprendre sa place dans l'assistance et se grandit dès la levée du rideau pour tenter d'apercevoir Odeya. Il fallut alors à sa maman beaucoup de réactivité pour lui signifier que, oui, elle avait vu où leur amie était et que, non, ce n'était pas la peine de la désigner du doigt pendant toute la danse, par respect pour le public alentour qui, en plus, ne la connaissait pas.
- Eh bah ils ont tort ! murmura vivement la fillette, résolue et butée, comme sa mère.
Elle avait de qui tenir, assurément. Ses deux parents étaient de fortes têtes, même si l'un accusait toujours l'autre de l'être davantage et vice versa.
Toujours est-il que personne ne vit le deuxième acte passé, ce qui était un plutôt bon signe. A la fin du spectacle, la salle applaudit de longues minutes, ce qui permit à toute la troupe de saluer longuement et de profiter des ovations qui leur étaient dues. Odeya, soulevée par son papa afin de mieux voir ce qui se passait, fit de grandes signes de la main en direction d'Odeya, pour bien se signaler, elle aussi, à leur amie. Et peut-être aussi parce que c'était moins fatiguant que de taper dans les mains aussi longtemps.
Fatiguée, d'ailleurs, la fillette pouvait l'être. Il était plus tard que l'horaire auquel elle se couchait d'ordinaire, si bien que ses parents ne s'attardèrent pas davantage. Anya trouva toutefois l'occasion, en sortant des toilettes, de saluer une dernière fois sa copine danseuse, de la féliciter encore pour toute la grâce qu'elle avait contrairement à la Grande Duchesse et s'excusa de ne pouvoir rester. Ce qu'Odeya comprit parfaitement.
La jeune danseuse allait pouvoir festoyer, trinquer à la réussite de cette première et écouter les nouvelles louanges d'Uberta. Anya, elle, devrait convaincre une enfant surexcitée que c'était l'heure de dormir. Chacune portait sa croix, en définitive.