Chris s’était mis à rire et Jessie l’avait regardé un peu surprise. Qu’avait-elle bien pu dire de drôle ? Elle venait de finir une confrontation avec un échappé d’asile, un vieil homme en avait été chamboulé, il n’y avait rien de drôle dans la situation. Elle avait eu un instant de doute où elle s’était retournée pour scruter la scène qui se passait derrière elle. L’ambulance, Billy qui se faisait arrêter, la scène avait pourtant bien l’air réelle. Pendant une fraction de seconde, elle avait cru que tout ceci était une mise en scène, une sorte de blague que les collègues lui faisaient mais non, il n’y avait rien de tout cela : nous avions bien un périmètre bouclé, un Billy désorienté et un Mr Fredericksen secoué alors pourquoi ce rire ?

— Pardon, ce n'est pas le bon moment pour rire je sais. Mais tu as été incroyable et tu t'inquiètes encore pour les autres. Tu vois, tu es faite pour être mon bras droit.

Elle avait ouvert la bouche pour rétorquer que c’était la moindre des choses que de s’inquiéter pour les victimes mais elle réalisa bien vite que ses mots étaient en réalité un compliment. Elle referma la bouche et se senti rougir. Elle balaya la phrase d’un geste de la main comme pour signifier qu’elle ne faisait rien d’extraordinaire tout en fuyant son regard à la recherche de monsieur Fredericksen. Ce dernier lui sourit gentiment pour lui spécifier qu’il allait bien et elle lui sourit en retour. Pendant ce temps, Chris avait repris son sérieux, croisant les bras sur sa poitrine, comme lorsqu’il avait quelque chose de grave ou d’important à dire. Il prit le temps de préciser le nombre d’heure que cela représenterait en plus et le travail qui allait forcément de pair avec les heures supplémentaires mais ça n’avait jamais été le boulot qui avait rebuté Jessie. Elle vivait dans un Coffre à Jouets avec tous ses amis, mais n’avait personne dans sa vie ou aucun enfant à s’occuper. L’idée de consacrer une grande partie de ses journées à son travail lui allait, elle aimait rendre cette ville meilleure. Ce qui l’effrayait plus en revanche, c’était la légitimité qu’elle pouvait avoir à ce poste et son chef semblait pourtant la confirmer par le fait que déjà donner des ordres ne lui poser pas de problème. Une fois de plus, elle avait ouvert la bouche pour objecter mais il avait renchéri en précisant qu’elle le faisait même avec son chef.

La remarque avait eu le don de lui couper la chique, elle avait refermé la bouche un court instant en l’observant avec des yeux ronds. Chris semblait toujours amusé mais de son côté, elle essayait de se souvenir quand elle avait donné un ordre à son chef. Est-ce que c’était ce qu’elle lui avait dit avant de sortir de la voiture qu’il avait pris comme un ordre ? Il n’avait pas l’air de s’en formaliser d’avantage mais ce n’était pas le cas de la rouquine qui voyait désormais son action comme un faux pas. Un peu gênée, elle demanda alors, tout en se frottant l’arrière de la tête :

— Est-ce que j’ai outrepassé mes droits, chef ?

Pour toute réponse, il s’était installé sur la place passager, lui indiquant qu’il était temps de retourner au poste. Arrivé au bureau, une petite tornade fonça sur lui et Jessie l’observa avec un sourire. Elle semblait surexcitée et avait apparemment habillée celui qui devait être son frère en rose, pour son plus grand malheur. Lorsqu’elle l’interpella, la cowgirl fut un peu désarçonnée, sans compter que c’était pour la complimenter sur sa chevelure et que les compliments n’étaient jamais vraiment quelque chose avec lesquels Jessie était à l’aise.

— Merci ! Ben si tu veux, je pourrais te donner mes chutes la prochaine fois que j’irai chez le coiffeur.

Elle lui avait lancé un sourire, accompagné d’un rire car elle blaguait mais elle n’était pas certaine que la petite l’avait compris dans ce sens.

— Salut Althéa, moi je m’appelle Jessie !

Elle s’était présentée à elle quand Chris lui avait donné son prénom tout en faisant un signe de la main face à ses excuses : ce n’était pas grave. Elle n’avait aucun soucis à ce que la petite, reste et apparemment, ils allaient quoi qu’il arrive devoir faire avec car elle ne semblait pas prête de partir. Elle s’était donc posée dans un coin pour faire ses devoirs, comme promis, tout en y allant de son commentaire quand elle le sentait. De leur côté, Jessie et Chris avaient finalisé leur rapport et Jessie retourné à son boulot. Elle n’avait plus pensé à la proposition de Chris de toute la journée, se contentant uniquement de faire son travail. Mais arrivé au soir, alors qu’elle était dans la salle commune en train de regarder un film avec Woody, Bayonne et Rex, tandis qu’elle caressait la tête de Pil Poil d’un air absent pendant que le chien reposait mollement sur ses genoux, la conversation lui était revenue en mémoire. Peut-être était-ce dû au fait qu’ils regardaient un film policier mais quelque chose lui disait soudain qu’elle ne devait pas laisser passer sa chance. Chris était un mentor pour elle, elle l’avait toujours trouvé excellent dans son travail et avisé. S’il avait vu en elle un potentiel qu’elle ne voyait pas, elle se devait de lui faire confiance. Qui était-elle pour remettre son jugement en cause, lui qui en avait vu défiler des policiers. Et puis si elle ne le faisait pas, ne le regretterait-elle pas en voyant arriver un nouvel adjoint ? C’était une opportunité, une chance incroyable. Elle aurait sans doute dû en parler avec Woody mais elle savait déjà ce qu’il lui aurait dit : fonce. Elle avait besoin que cette décision vienne d’elle-même. Alors elle avait retenu sa respiration et le cœur battant, elle avait écrit son sms. Elle n’avait repris son souffle que lorsqu’elle vit “envoyé” sur son écran. Quoi qu’il advenait maintenant... elle ne pouvait plus revenir en arrière.

Salut Chris. J’ai bien réfléchi à votre proposition... si j’accepte, je commencerai quand ?
A demain, Jessie.

FIN pour Jessie