misery is the venom in my brain

Killin' me, killin' me but I don't feel the pain
Running from something that I can't really explain
Misery, misery is the venom in our veins

◊ ◊ ◊

Quand on rencontrait une nouvelle personne, où que ce soit, pour quoi que ce soit, dans cette ville… Ça signifiait généralement que la merde n’était pas loin et qu’on allait s’embrouiller quelque part. C’était pas humainement possible d’être à ce point porteur de poisse ailleurs qu’à Storybrooke, et pourtant Bowie en avait vu pas mal des morceaux d’univers. De ci, de là, mais surtout dans des endroits improbables qui n’avaient rien à voir avec la tranquillité d’Hawaï et les souvenirs qui s’y liaient. On pouvait pas passer un seul jour peinards, sans qu’aucune espèce de tuile ne nous tombe sur le coin du nez…

Ou qu’une bagnole ne manque de vous écraser en filant à toute allure juste à côté de vous !

« COMMENT T’AS APPRIS À CONDUIRE ESPÈCE DE BÂTARD NEPTUNIEN ??! »

Cria Bowie, folle de rage et affalée sur le bord de la route boueuse qui lui servait de terrain de jogging d’ordinaire. Non pas que la boue soit mauvaise pour le corps et l’esprit mais pour le coup… C’était plutôt dégueulasse. Elle s’était jetée sur le côté en distinguant le moteur à travers ses écouteurs, avait trébuché dans ses baskets un peu vieilles et roulé dans l’herbe trop humide. Si elle se foutait bien du rendu de ses vêtements – quoique, ça allait être chiant à laver – c’était surtout sa dignité qui venait d’en prendre un coup et ça… Elle pardonnait pas, Bowie.

Pestant toujours en se relevant rapidement, tentant vainement d’épousseter sa veste de survêtement devenue radieusement brune, elle serra les dents, prit une inspiration et… Se mit à courir.

« Si je te chope, connard de m*rde, attend que j’te fasse bouffer tes dents par le nez… ! »

La route unique ne permettait pas vraiment de s’enfoncer entre les arbres pour filer à l’anglaise, il était forcément resté dessus. Peut-être que si elle s’y mettait sérieusement, elle parviendrait à le rattraper ? Sans déconner, Bowie ne courrait pas aussi vite qu’une voiture lancée à pleine vitesse mais… Elle connaissait l’endroit plutôt aisément et en y mettant un peu de bonne volonté, elle parviendrait probablement jusqu’à la barrière qui signalait le non-retour du chemin praticable. Si ce mec avait pas trop envie de bousiller sa bagnole, il s’arrêterait. Et elle se ferait un plaisir d’y foutre un coup ou deux pour lui apprendre à rouler droit.

Peut-être que c’était l’un des leurs ? Un de ceux qu’on avait envoyé en reconnaissance pour leur signaler qu’elle se trouvait là désormais ? Pas possible. Pas comme ça. Storybrooke ne figurait pas sur les cartes et la trouver relevait plutôt de la surprise… Mais dans le doute, peut-être valait-il mieux laisser tomber et espérer qu’il ne l’avait pas reconnu ?

… Ouais, même pas en rêve en fait.
Elle allait lui péter les tibias, sérieux.

Essoufflée mais pas prête à abandonner, la brune redoubla le pas et accéléra la cadence comme si cela ne lui demandait pas autant d’effort. Inspirant profondément, focalisée sur son objectif en oubliant toute règle de prudence élémentaire, Bowie sentit tout à coup la présence de quelqu’un depuis sa gauche et fit un bond de côté ! Les sens en alerte, les yeux à la recherche, elle se retrouva au milieu de la route face à une… Espèce de bonne femme qui tenait un sacré matos lumineux !

C’était qui celle-là ?!

Elle plissa le regard en l’entendant poser la même question mais ne répondit pas, fixant l’arme utilisée et pointée dans sa direction, vraisemblablement prête à tirer. Sur qui, sur elle ? Mais pour quoi faire ? Est-ce qu’elle avait une tête de sanglier pour se prendre un truc pareil dans la figure ? Fallait revoir la définition du mot « chasser » ; on chassait pas avec des jouets du genre. Pas dans cet univers en tout cas. Qu’est-ce que c’était que ce bordel ?

Ah, voiture ?! VOITURE !

« Putain, la voiture ! »

S’exclama Bowie, réalisant qu’elle s’était arrêtée de courir. Où est-ce qu’elle était passée, cette foutue bagnole noire ? Avisant de la femme devant elle, elle avança d’un pas et ignora royalement ses questions.

« Vous avez pas vu passer une voiture noire avec une espèce de trouduc au volant ? J’ai deux ou trois choses à régler avec lui. Rien de très folichon, juste de la politesse. Efficace, la politesse. »

Elle fit un geste de ses mains, imitant le format de la voiture comme si la femme pouvait avoir la moindre idée de ce dont elle parlait. Pas évident de tomber sur des étrangers, ils comprenaient pas toujours ce qu’on leur demandait et Bowie n’avait pas que ça à faire de lui expliquer pendant dix ans. Elle poussa un soupir en se pinçant l’arête du nez, sentant la tension de son corps s’accumuler de plus en plus et faire augmenter sa jauge d’agacement.

« J’étais à pieds. » Finit-elle par dire, d’un ton plus normal. « Et vous chassez… À pieds, vous aussi, donc ? »

Elle la toisa de haut en bas pour souligner cette remarque, penchant la tête sur le côté. Cette nana avait l’air bizarre. Peut-être qu’elle participait à un GN ? Bowie ignorait qu’il y avait une association de ce genre dans les parages… On pouvait pas trop juger un livre à sa couverture après tout.

« C’était quoi, cette fois ? Un dragon ? »

Un petit sourire narquois apparu sur son visage. C’était risible et un peu puéril mais, pour le coup, ça l’amusa. Il n’y avait que dans les films ou dans sa galaxie qu’on inventait des trucs lumineux pour tuer d’autres trucs lumineux. Elle croisa les bras devant elle, visiblement décidée à laisser un peu d’avance à cette maudite voiture qui méritait son poing dans le pare-brise arrière pour l’avoir doublé comme une malotrue.

Si elle la revoyait, elle lui ferait sa fête !

« Ou un alien venu de Volovis 26, un truc du genre ? Ça a pas l’air terriblement efficace comme machin. »

Le pire ? Cette planète existait. Elle y avait croisé quelques expériences à l’époque où elle vivait encore sous sa fourrure bleue et que les vaisseaux spatiaux volaient d’un point à l’autre de l’univers sans s’inquiéter des règles de physique modernes. La bonne époque. Le bon vieux temps, avec ce cher Elvis en son arrière qui te mettait l’ambiance comme jamais on n’avait réussi à l’égaler ! Belle époque. Avant tout ça.

Avant tous ces ennuis et cette vie bizarre qu’on lui avait concocté dans la réalité de Storybrooke.

(c) oxymort