Comme chaque jour ou presque, Hypérion était venu me rendre visite. Il était un fervent supporter des légumes, qu'ils soient émincés, rissolés, en julienne ou râpés. C'était quelqu'un de confiance. Je le voyais à la manière dont il savourait chaque muffin à la courgette ou un burger Stégosaure. Il appréciait la bonne nourriture. Pas comme les pauvres hères qui faisaient la queue au stand d'en face, ce camion de malheur qui ne vendait que de la graisse et des colorants alimentaires ultra dangereux pour la santé.

En entendant la question de mon ami, je restai de marbre. Il ne cherchait pas à m'énerver, je le savais. D'ordinaire, j'étais quelqu'un de particulièrement calme. Il en fallait beaucoup pour grignoter ma quiétude. Cependant, depuis ce matin, j'étais sur les nerfs.

La seconde remarque accentua encore un peu mon agacement. Le concombre que je découpais sur une planche prenait cher sous mes coups de couteau.

"Hum... aurais-tu encore un peu de muffin à la courgette ?"
"Non. Je viens de vendre le dernier." répondis-je sèchement.

C'était faux, bien entendu. Il restait trois petits muffins dans le frigo, mais je n'avais aucune envie de lui en donner un.

D'un geste à la fois brusque et expert, je plantai mon couteau dans la pastèque juste à côté de moi et me tournai vers Hypérion.

"Si le menu vous déplaît, vous n'avez qu'à aller voir ailleurs."

Je passai la main sur mon front et soupirai. Réalisant que ça n'était pas sa faute, je déclarai d'un ton adouci :

"Je suis désolée. C'est juste que... je suis un peu à cran en ce moment."

Je me mordis les lèvres et récupérai mon couteau pour le tourner lentement entre mes doigts, pensive.

"Je pensais que revenir à Storybrooke serait une bonne idée, mais... en réalité, c'est extrêmement difficile."

Jetant un bref coup d'oeil vers le food-truck d'en face, je soupirai de nouveau. Les épaules basses, j'ajoutai, désillusionnée :

"C'est pas ma guerre..."

Je passai une main dans mes cheveux, tout en gardant le couteau dans mon autre main.

"Le truc c'est qu'il rend tout beaucoup trop compliqué !"

Soudain, je désignai le Daddy Donut de la pointe de mon couteau, en manquant d'éborgner Hypérion.

"Oh, pardon !" m'écriai-je.

Choquée par ma propre maladresse, je plaquai une main contre ma bouche. Et décidai de poser le couteau sur le comptoir. C'était plus prudent.

"Vous voyez ? Il me rend totalement incontrôlable ! Si ça continue, je vais commettre une terrible erreur sans le vouloir, et peut-être même empoisonner des gens ! Il serait tellement heureux si ça arrivait..."

J'avais grommelé la dernière phrase en plissant des yeux vers le food-truck concurrent.

J'avais profité qu'il n'y ait personne pour l'instant devant mon dino-truck pour parler librement avec Hypérion. Après tout, il serait peut-être de bon conseil. Il était si sage et si réfléchi !

Ravalant mon orgueil pour de bon, j'allai chercher un muffin à la courgette et le posai sur le comptoir. C'était ma méthode pour apaiser les esprits. Même si j'avais appris -à mes dépens- que ça ne fonctionnait pas toujours.

"Du concombre pour accompagner ?" proposai-je d'un ton contrit en tendant un petit bol rempli du-dit légume.

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Hypérion cherchait-il à tester mon seuil de résistance à la fureur ? J'en avais l'impression puisque à présent, il mentionnait le fait qu'il n'y avait pas de thé sur ma carte.

J'aurais voulu lui dire le fond de ma pensée mais à cet instant, il me téléporta dans le périmètre d'une villa spacieuse et épurée. Tout d'abord, je faillis demander ce que nous fabriquions ici, jusqu'à ce que je comprenne qu'il s'agissait de la maison du titan. Sa nouvelle maison.

Une envie, comme il l'avait souligné. Faisait-il sa crise du millénaire ? Je me retins de lui poser la question. Ca n'aurait pas été respectueux du tout. Quelqu'un comme Hope l'aurait sûrement demandé, en revanche.

"C'est très joli. Très zen. Comme vous." commentai-je tout en observant les alentours.

Un petit sourire passa sur mon visage en voyant une chèvre en train de s'amuser avec un ballon gonflable. Aucun doute, on était bien chez lui.

Je m'avançai de quelques pas vers la piscine, dévorée par l'envie d'y piquer une tête. Ca me ferait tellement de bien.

"Mais... je n'ai pas le temps de me prélasser !" me sermonnai-je. "J'ai beaucoup de travail ! Et... je ne peux pas laisser le dino-truck sans surveillance !"

Je me rendis compte que je tenais mon couteau à légumes, et je me sentais bien embarrassée avec, même si cela me donnait un argument supplémentaire pour partir.

"C'est très gentil à vous de vouloir alléger mon travail, mais j'aime travailler." dis-je tout en tournant la tête vers Hypérion. "J'aime ce que je fais. Ca n'est pas une contrainte."

Comment le lui faire comprendre ? Ce n'était pas la première fois qu'il me faisait une telle proposition. Evidemment, c'était très tentant, car j'avais beau apprécier mon emploi, ne pas éplucher les légumes chaque matin m'aurait permis de faire d'autres activités. Cependant, je craignais qu'en relâchant la cadence, Benjamin n'en profite pour me mettre au pilori devant les clients. Je ne souhaitais pas devenir comme lui. Il travaillait tellement peu comparé à moi ! J'avais honte pour lui.

Brusquement, je m'aperçus que j'étais un peu trop butée sur certaines choses, et que j'en oubliais de m'amuser quand j'en avais l'occasion. Ca ne me ressemblait pas.

"Bon, peut-être que je peux m'accorder une petite pause." réalisai-je avec une moue."Pas longtemps."

J'avais ajouté ces deux petits mots à l'adresse du titan, comme pour signifier que je ne comptais pas m'éterniser. J'avais réfléchi au fait que le dino-truck n'était pas sans surveillance puisque Elton montait la garde. Si un guépard mal intentionné s'en approchait, il serait châtié à coup de langue.

"Et en contrepartie, c'est vous qui m'aiderez à éplucher les légumes."

Un petit sourire mutin naquit au coin de mes lèvres, tandis que je le toisais.

"On n'a rien sans rien dans la vie, monsieur Hypérion." chantonnai-je.

Je n'attendis pas que notre pacte soit scellé -cela coulait de source, un titan ne peut pas se défiler- et plaçai les mains sur mes hanches afin d'observer la piscine dans sa globalité.

"Pourrais-je avoir un maillot de bain, s'il vous plaît ? J'aimerais faire trempette comme il se doit."

La chèvre n'attendit pas pour mettre le sien : elle se prit les pattes dans une plante et tomba dans l'eau en poussant un bêlement surpris. Je fronçai les sourcils. Ce mammifère savait-il nager ? Je n'en étais pas certaine...

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