« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver.
Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)

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 La Rose d'Arimathie } Erwin

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

| Avatar : Kaya Scodelario

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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Edition Octobre-Novembre 2020

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| Conte : Aucun
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________________________________________ 2020-09-09, 01:10 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Paris, je m'ennuie de toi, mon vieux.
On se retrouvera tous les deux,
Mon grand Paris.


J’étais en colère. Brusquement. Comme ça, sorti de nulle part. Comme si je décantais de ce que j’avais subit à mesure que les secondes s’égrainaient. Pendant les premières secondes qui avaient suivi la danse, je me remerciais d’avoir encore son bras pour me soutenir. J'étais certaine que s’il me lâchait, je finirai par m’effondrer. L’afflux de sang qui circulait dans mes jambes était perceptible. Tant est si bien que j’avais l’impression de ne plus marcher droit, de trembler au moindre de mes mouvements. J’aurai bien accueilli une pause avec un plaisir non dissimulé. Un moment où m’asseoir, loin des regards, loin de lui. Seule. M'asseoir et penser. Mais ça ne m’était pas permit et j’avais enchaîné. Enchainé avec la gêne. Toujours concentrée sur mon rôle, tentant du mieux que je pouvais de renvoyer la lumière que je recevais pour aveugler les autres, les empêcher de se concentrer sur moi, sur Alexis. Marie était le seul rempart qui me restait, une fine couche de miroir qui ferait tout le travail. J’avais presque accueilli les remarques grasses de l’ambassadeur avec bénédiction car tant que je me concentré sur lui, je ne pensais pas à Lui. A ça. A ce qui venait de se passer. Et pourtant il ne me lâchait pas, comme il l’avait si bien dit. J’avais senti sa main remonter le long de mon dos comme un serpent constricteur avant de se poser sur mon épaule. Je n’avais pas bougé même si j’avais une furieuse envie de dégager sa main, de par la honte que tout cela me provoquait. J'étais au milieu d’un combat de coq. Il était normal qu’Edward défende son honneur auprès de sa femme face à celui qui se fichait comme de l’an 40 de paraître grossier et intrusif. Mais quelque chose en moins me faisait penser que plus que la main d’Edward, c’était la main d’Erwin et son jeu étrange et je ne pouvais l’accepter. Oui. Le contact de ses doigts sur ma peau, le tissu de ma robe et les yeux brillants de Ronchetti. Il n’y avait aucun doute possible. J’étais un steak au milieu de deux pitbulls affamés.

Et on en était arrivé à la colère. Pile au moment où je devais être le plus concentré. Dans cette salle calfeutrée, à l’allure austère et sombre autour d’un tableau d’une valeur inestimable que jamais dans ma vie, avant cette histoire de Templiers, je n’aurai pu imaginer possible. Et pourtant, elle était devant moi cette Vierge, presque sous mes doigts, à quelques centimètres de mon index. Je m’étais figuré ce moment de nombreuses fois, un moment que j’imaginais comme plein de tension pour ce que je faisais et plein d’émerveillement pour ce que je voyais. Et au lieu de tout ça, une colère sourde montait en moi. Je l’avais senti s’insinuer dans mon dos et j’avais réprimé un quelconque mouvement de rigidité, me contentant de juste serrer la mâchoire lorsque j’avais senti plus fortement son parfum, me relever qu’il avait passé sa tête au-dessus de mon épaule, sa joue sans doute pas très loin de la mienne. Je n’arrivais pas m’expliquer cette émotion qui me prenait aux tripes, il ne faisait pourtant que son boulot, jouer un rôle. Plus d’un mari aurait eu cette attitude. Mais je n’arrivais pas à m’enlever de ma tête ses yeux... ses terribles yeux qui m’avaient prouvé à quel point il s’amusait de la situation. Il en prenait toute la hauteur, me poussant un peu plus dans mes retranchements à chaque seconde. Il m’avait d’abord prise entre ses griffes, il m’envelopper de son aura et je n’avais ni le moyen d’avancer au risque de renverser le tableau, ni de reculer au risque de me coller davantage contre lui. Je m’étais donc concentré sur ma tâche, tentant à défaut de comprendre mon état d’au moins le calmer. J’étais presque sûre de moi et pourtant j’avais toujours cette petite voix au fond de moi qui me disait “et si j’avais tort ? Mériterait-il toutes les foudres qui risquait de s’abattre sur lui ?” Bien sûr que non.

- Je suis entièrement d’accord avec toi... rares sont ceux qui savaient manier les nuances comme De Vinci le faisait malheureusement...

Je m’étais penchée un peu plus en avant, toujours jouant du rôle mon rôle d’observatrice tout en scannant une nouvelle partie de ce qui devait l’être. Ce mouvement m’avait aussi permis de confirmer un nouveau doute qui avait germé dans mon esprit quelques secondes plus tôt, quand son geste de la tête avait parfaitement suivi le mien. J’étais stupide, une fois de plus. Je comprenais maintenant qu’il jouait sans doute moins de cette position qui ne cherchait à comprendre pourquoi je portais des lunettes. Il avait sûrement vu un James Bond, ne serait-ce qu’au moins durant la malédiction et il ne m’avait jamais vu avec ses lunettes, la curiosité l’avait sans doute piqué, voilà tout. J’avais fini par enlever mes lunettes et mes gants avec un soupire, épuisée par toutes les questions qui tournoyaient dans ma tête. Je me posais beaucoup trop de question. Il fallait que je me recentre définitivement au risque de perdre Marie en chemin.

Et l’ambassadeur m’avait donné l’occasion parfaite. Plus par reflexe que par envie, je m’étais saisie de la main de mon “mari” pour éviter de devoir toucher l’autre homme une nouvelle fois. Quitte à devoir douter des deux hommes et à ressentir un profond malaise en leur compagnie, je préférai encore le faire avec Erwin, j’avais largement moins l’impression d’être de retour au Rabbit Hole, bien que je n’avais jamais eu honte de ce moment de ma vie. Je lui avais tout de même promis une danse et il me fallut tous les efforts du monde pour ne pas tourner mes yeux ébahit vers le notaire lorsqu’il vola à mon secours. Déjà il parlait italien. Un mystère de résolu. Il parlait très bien italien et je me demandais à présent combien d’autres langues il possédait. C’était plutôt inattendu pour un homme comme lui. Non pas parce qu’il dégageait mais parce que je savais qu’il venait du monde des contes, un monde où les langues n’avaient pas vraiment de frontière comme chez nous, où la géographie se voulait souvent plus simpliste. Je supposais donc que la malédiction lui avait donné ces talents ou qu’il les avait appris sur le tard. La seconde chose qui me souffla, ce fut la violence de ses mots, sans pour autant se départir de sa courtoisie. J’aurai sans doute éclaté de rire si j’en avais eu la possibilité. Il était bien plus piquant que je ne l’avais imaginé, sous ses airs policés. J’avais évité le regard de l’ambassadeur qui s’était mis à briller d’une lueur plutôt dangereuse et Erwin nous tira de ce pas en nous proposant de boire un verre. C’était bientôt la bouteille qu’il allait me falloir à ce rythme. J’avais eu un léger pouffement de rire amusé en l’entendant me donner un nouveau surnom, toujours dans une langue différente et je l’avais suivi dehors, me jetant sur le premier plateau à ma portée.

J'avais bu quelques gorgées sous le regard amusé d’Erwin qui s’était stoppé dans son mouvement, en m’ayant aussi pris de son côté une coupe. Il la reposa et je me gardai bien de lui préciser que j’aurai pu tout aussi bien engloutir la sienne également. Ne serait-ce que pour tenir le choc. Mais je m’y refuser, car ce serait déjà lui avouer que j’en aurai besoin, ensuite parce que je refusais de me voir partir à des divagations alcoolisées dans un moment pareil. Je m’étais contenté d’un sourire en plongeant férocement mes yeux dans les siens, après avoir pourtant éviter son regard jusqu’alors. Son sourire amusé avec réanimé une partie de ma colère.

- C’est très gentil mon ange, mais tu sais bien que j’ai appris à me débrouiller seule depuis longtemps...

Une façon plus ou moins clair de lui demander de me lâcher trois secondes. Je n’étais pas une pauvre petite chose qu’il se devait de manipuler pour mon propre bien. On était associés, il n’était pas là pour me gérer et je me rendais compte à présent que la relation avait commencé à se glisser dangereusement vers cette idée et que c’était cela qui m’énervait. Il me parla ensuite du tableau et je vis à la commissure de ses lèvres un début de sourire complice qui me poussait à accepter le double sens de sa phrase. Il faisait redescendre la pression et ma colère en même temps, tout en précisant qu’il avait compris à quoi servait les lunettes. C’était sans doute aussi ce qui m’avait aidé à me calmer, la confirmation que c’était bien cela qu’il cherchait à voir à travers sa posture de tout à l’heure. Sa seconde question eu tout de même le dos de remonter mon rythme cardiaque. J'avais l’impression d’être sur des montagnes russes, oscillant entre des moments plus doux et des moments plus violents de chute vertigineuse.

- C’est à lui que j’ai promis une danse non ? Il ne me semble pas t’en avoir promise une nouvelle...

J’avais levé les yeux vers le plafond de la galerie, faussement pensive avant de reposer mon regard sur lui, un léger sourire au coin des lèvres, crispé cependant. Une fois de plus, il apaisa la tension qui naissait en moi, me proposant un tour dans la galerie, réveillant en moi comme un électrochoc la suite du plan.

- Excellente idée, oui !

J’avais balayé son compliment d’un revers de tête :

- Et toi tu es un incorrigible flatteur.

Une façon pour moi de refuser que le jeu ne retombe qu’entre ses mains, que toute la situation bascule de nouveau. J’avais pris son bras et nous étions éloignés de la piste de danser vers le fond de la galerie ou peu de gens se trouvaient. C’était évident, malgré la beauté du lieu, l’incroyable chance qu’ils avaient, les gens restaient toujours fidèlement collés au buffet à l’alcool. Sans compter que toutes ces personnes avaient l’habitude d’être des privilégiées. Elles ne pouvaient pas être aussi éblouies que moi par la chance qui m’était offerte. Erwin était encore un cas à part. Il était loin d’être dans ma situation et pourtant il semblait vraiment sincère dans sa volonté de découvrir la galerie. Décidément, sa passion pour l’art n’était vraiment pas feinte.

- Marie !

Je m’étais retourné sur le coup du choc tant son cri avait été puissant, raisonnant dans le reste du long couloir. Baptiste avait dû se rendre compte que sa bêtise puisqu’il avait entré la tête dans ses épaules en courant vers moi avec un éclat de rire nerveux.

- Je ne voulais pas te faire peur, ma belle mais j’étais sûre que je te trouverai là. Tout se passe bien ?

Il avait tourné la tête vers Erwin avec un sourire, la question lui étant sans aucun doute plus destinée. Il me tandis ensuite un petit catalogue de quelques pages que je connaissais bien pour lui en avoir soumis l’idée.

- J’ai oublié de te le donner tout à l’heure et j’ai suivi ton conseil...

Il avait pointé les panneaux blancs qui se trouvait devant quelques œuvres. Sans que je ne sache pourquoi, il m’avait été demandé de suggérer à Baptiste de spécifier les œuvres qui se trouvaient généralement là ainsi que de les recenser dans le fascicule que j’avais à présent entre les mains.

- C’est magnifique Baptiste, nous allions découvrir ça justement...

Il me sourit, radieux avant de nous souhaiter une bonne visite et de s’enfuir une nouvelle fois. Je commençais à comprendre que si je n’étais pas au courant de plus, c’était peut-être qu’Erwin était le destinataire de cette attention. Il y avait forcément une relation de donnant-donnant même si j’ignorais de quoi il s’agissait. Un homme ne pouvait décemment pas juste accepter une mission comme ça pour le goût du risque. Je lui tandis alors je livret en lui précisant sans le regarder, les yeux river vers le premier tableau.

- C’est pour toi je crois... daaaarling.

Nous étions bien plus éloignées des autres, je pouvais bien me permettre une pique moqueuse, non ? Il n’avait pas arrêté de la soirée. Je m’étais abstenue de toute question et de tout commentaire en revanche car cela ne me regardait pas. C’était sans doute une des premières règles que j’avais appris du Temple. Moi qui étais beaucoup trop curieuse, j’avais appris à mes dépends que ce que je ne savais pas m’étais caché pour mon plus grand bien et qu’il y avait des secrets que je n’étais pas digne de connaître. Nous avions fait une bonne partie de la galerie quand j’avais décidé de mettre la suite de ce qu’on m’avait demandé en exécution. Je m’étais alors tourné vers lui.

- Tu m’excuses ? Je crois que le trop de champagne aura eu raison de moi...

Sans un mot de plus, je l’avais planté au milieu de la galerie, pas trop mécontente de le faire, je devais l’avouer. J’avais presque l’impression d’assouvir une petite vengeance qu’il n’avait pourtant pas lieu d’être. J’étais passé devant l’un des serveurs et je m’étais engouffrée dans les toilettes, soulagée de m’échapper enfin de cette emprise. J’avais posé ma pochette sur le lavabo et m’étais observé pendant quelques minutes dans le miroir. Il fallait que je me calme. Ça allait aller. Il fallait que Marie revienne. J’avais croisé son regard une fois de plus en le quittant et ça avait été la fois de trop. J’avais presque l’impression que j’allais le vomir son regard...

Reprenant mes affaires, j’étais alors rentrée dans l’une des cabines, refermant le verrou derrière moi et abaissait le haut de la cuvette pour m’y asseoir. Tant pis... il attendrait...



Pendant ce temps...

Enora venait de passer devant lui et il s’était légèrement décalé pour éviter qu’elle ne bouscule son plateau. Elle n’avait même pas daigné lui lancer un regard. Avait-elle seulement vu qu’il était là ? Ne s’en formalisant pas plus que cela, il avançait vers sa cible, faisant mine de lui proposer un petit four. Sans cérémonie, il précisa d’emblée :

- Monsieur, je pense que vous avez fait tomber votre stylo...

Il s’était alors penché habillement sans que le plateau ne bouge pour ramasser un stylo qui venait presque d’apparaître au sol. Il tendit alors le mot blanc à Dorian en le regardant droit dans les yeux, d’un air sérieux, lui précisant en un seul regard “Vous savez ce que vous avez à faire”. Il glissa les yeux sur le fascicule qu’il avait entre les mains avant de préciser :

- Si vous avez besoin d’autre chose, n’hésitez pas à me solliciter, je reviens dans quelques minutes.

Il avait repris sa route en direction du reste de l’assistance. Il savait qu’il y en aurait environ pour 15 minutes. Un temps court à la vue du nombre de tableaux à passer en revue. Mais ils savaient qu’il avait déjà un train d’avance. Il était venu avec sa femme quelques mois auparavant. Il savait quel tableau aurait dû être là, quel tableau pouvait finir en sa possession. Il n’avait plus qu’à choisir. 15 minutes était largement suffisant. Enora avait reçu la même instruction, il avait presque envie de rire à l’imaginer poireauter pendant tout ce dans les latrines, mais ce n’était pas son problème. Tout le monde avait son rôle à jouer. Lors de la fin du temps imparti, il repassa auprès de Dorian, récupérer avec habileté le fascicule qu’il dissimula sous son plateau et disparut de la soirée, tandis qu’Enora sortait en fin de son trou.



Retour à Alexis.

15 minutes. Quand on me l’avait dit, ça m’avait semblé interminable. Finalement, ça ne l’était pas tant que cela. 10 minutes pour la salle de bain. 5 pour l’ambassadeur. Je n’avais pas envisagé que je prendrai ce temps pour me recentrer, pour oublier tout cela. Les minutes étaient passées tellement vite... Il m’aurait sans doute fallu un peu plus de temps. J'avais envisagé de désobéir, de prendre les minutes supplémentaires mais je m’étais reprise en secouant la tête. C’était stupide. C’était qu’une foutue danse. Un foutu baiser. Il jouait un rôle. Il fallait d’être parano. Ou alors il fallait attendre la fin de la mission pour se permettre de l’être, rien d’autre n’avait d’importance que Marie. J'avais fermé les yeux et j’avais presque vu le visage du Grand Maître devant moi. C’était un jeu. Juste un jeu... pas vrai ?

J’avais fini par sortir des toilettes pour me laver les mains. J'aurai rêvé me passer le visage à grande eau mais c’était un désastre assuré pour tout ce maquillage que j’avais appliqué avec tant de précision. Je m’étais donc contenté d’accueillir l’eau froide sur mes mains avec bonheur. Une fois sortie, je n’étais pas revenue sur mes pas, constatant avant de bifurquer qu’Erwin observait toujours un tableau ou du moins le panneau qui était en dessous. J’avais contourné la galerie par l’une des autres adjacentes et ouvertes uniquement pour le passage et des raisons de sécurité et j’étais revenue au point de départ, au buffet, là où l’ambassadeur :

Bella !

Je lui avais souris avant de le rejoindre. Il avait ajouté sur un ton moqueur :

- Tu t’es déjà débarrassé de ton mari ? Je pensais que ça te prendrait plus longtemps...

Je m’étais contenté d’éclaté de rire en lui tapant gentiment sur l’épaule :

- Ne soyez pas si médisant. Je l’ai laissé à la contemplation de son tableau tandis que je me souvenais que je vous devais encore une danse...

Puisqu’il le fallait... Je creusais déjà le terrain pour la prochaine mission. 15 minutes à le laisser seul aurait aussi été trop visible, c’était ainsi qu’on en était arrivé à l’idée de faire d’une pierre deux coups. Il m’avait alors amené sur la piste de danse et j’en avais profité pour relever rapidement sa main qui me semblait un peu trop basse à mon goût en l’observant d’un regard sévère, comme pour lui rappeler avec une pointe d’amusement que j’étais désormais mariée. La danse se passa normalement et pour une fois, je fus capable de suivre la mesure et la musique sans avoir l’impression de le perdre dans un tourbillon de douleur et d’apaisement. Marco avait beaucoup parlé et je m’étais contenté de beaucoup rire parce que c’était ainsi que marchait les choses dans son monde. A la fin de la danse, il me gratifia d’un baisemain que j’acceptais à contre-cœur avant de tourner la tête vers le fond de la galerie. Erwin me faisait face, au loin, le serveur l’ayant quitté se dirigeant vers l’extérieur de la salle. Instantanément et inexplicablement, une boule s’était formée au creux de mon ventre, comme si j’avais la sensation d’avoir fait une bêtise ce qui n’était absolument pas le cas. Chassant cette pensée parasite, je m’étais avancée dans sa direction tandis qu’Allard prenait la parole au micro. L’ambassadeur nous avait suivi, apparemment décidé à prendre sa revanche et je m’étais contenté de sourire :

- Tu as fini, chéri ?
- Je me suis permis de faire danser votre femme en attendant, elle semblait un peu... seule...

J’avais eu un rire gêné avant d’accueillir avec bénédiction les premiers mots du conservateur. Ils permirent entre autres à obliger à Ronchetti de lâcher prise pour s’approcher de l’estrade tandis que je nous dirigeais de nouveau coller au bras d’Erwin vers le fond de l’auditoire, laissant les autres se masser devant le rideau qui allait bientôt tomber. Tandis que le discours d’explication de la réhabilitation de l’œuvre et des remerciements avait commencés, je m’étais tournée vers mon mari pour lui chuchoter à l’oreille :

- Désolée de t’avoir laissé en pâture aux tableaux, je me suis dit après m’être repoudrée le nez qu’il fallait que je me débarrassé de cette tâche tant que j’en avais encore la force...

J’ignorais pourquoi je m’étais justifiée et encore moins pourquoi j’en avais ressenti le besoin. Après tout, j’avais bien le droit de faire ce que je voulais, non ? Je n’étais pas obligée d’être collée à lui ? Nous attendîmes patiemment la fin du discours et je posais ma tête sur l’épaule de l’homme, un sourire distrait aux lèvres, ma main remontant dans son dos jusqu’à ses omoplates avec douceur. J’avais remarqué que Marco se gonflait d’orgueil près de son estrade, attendant le moment où il serait appelé tout en nous guettant régulièrement. Un simple geste pour lui rappeler de ne pas rêver. Respire Alexis, tout cela était bientôt fini...
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Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »

Erwin Dorian

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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)

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| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre
| Dans le monde des contes, je suis : : Preminger

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________________________________________ 2020-09-12, 23:48 « If the crown should fit, then how can I refuse? »





Il fait gronder sur eux son tonnerre éclatant


Erwin Dorian & Alexis Child



Lors du moment où son esprit nécessitait la plus grande concentration professionnelle, la plus entière dévotion à sa tâche, tout ce qu’il avait relevé d’elle se trouvait être des volutes de tension se changeant progressivement en une sorte d’agressivité symptomatique de ses tourments intérieurs. Le regard fixe, la machoire presque serrée malgré elle, le corps droit, rigide presque, son esprit tentait de reprendre le contrôle et profitait de la colère pour faire bouillir ses réflexes. Etait-elle pourtant irritée contre lui ? Il ne lui en avait donné nulle raison qui soit valable proférée de la bouche de Marie et aucun reproche ne pouvait être formulé par Alexis pour son rôle. Il avait parfaitement joué son rôle, mieux, il l’avait si incarné qui avait semé la nuance, la frontière entre le mensonge et la réalité. Voilà où elle errait à présent, dans un brouillard qu’il distillait à sa guise, se réservant l’opportunité et l’envie de le dissiper ou le densifier. Pour le moment, il l’estompait un peu, mesurant l’importance que la jeune femme parvienne à accomplir ce pourquoi elle se trouvait ici.
Néanmoins, il la perturbait encore, presque légèrement, lorsqu’il se pencha pour la jauger, jauger les verres qui affublaient son nez. Il ne l’avait pas cherché mais ne s’était pas privé non plus de jouer de son malaise et avait plissé le regard qu’elle ne pouvait voir, obligeamment à son écoute :

- « Rares c’est vrai… Regrettable… Mais après tout, la rareté nous fait d’autant plus apprécier ceux qui sont dotés de tant de prouesses... »

Ces yeux dorés restaient focalisés sur la Vierge, les propos comme destinés à son auteur, à cette merveille pourtant allongée aux yeux de tous sur la table, livrant tout ses secrets à l’oeil inquisiteur d’Alexis… Il était vrai que produire une telle merveille n’appartenait qu’aux artistes, aux génies artistiques tels que l’on n’en rencontrait que peu à présent. A présent, les courants minimalistes dominaient les marchés et une majorité de peintres se revendiquaient génies là où transparaissaient la paresse intellectuelle. De son temps, dans son monde, une flopée de réels peintres parcouraient la cour royale à la recherche de modèle prêts pour la gloire des siècles à venir. Un particulier avait même réalisé son portrait et il regrettait amèrement que ledit tableau n’ait pas été emporté par le Sort Noir. Il avait perduré là-bas ou avait été détruit par la violence magique qui avait déferlé ce jour-là…. Quel dommage de ne plus pouvoir profiter quotidiennement de la joliesse de ses traits. Son tableau le hantait comme un regret viscéral parfois…
Les autres, tous aussi beaux qu’ils pouvaient être ne valaient pas le sien. Même celui-ci aussi somptueux soit-il…

Marie avait ôté ses lunettes et avait sollicité Edward pour la tirer d’un mauvais pas, prenant le prétexte pour prendre sa main, s’y cramponner. Si Edward était affable et policé, il ne pouvait apprécier une quelconque séduction de son épouse sous son nez et cela avait servi d’excuse parfaite pour que Preminger puisse apparaître un peu à visage couvert pour renvoyer dans sa tour de Puise l’italien et son badinage de mauvais goût, qui avait tôt fait de prendre congé le visage plus rubicond qu’à l’arrivée. Parfait… Non pas qu’il détestait ce gras personnage, il l’indifférait à vrai dire…
Mais tous les prétextes étaient bons pour pourfendre sans égard le commun des mortels. A chacun leur joli petit piège… Lui se contentait de trouver celui qui révélerait le plus parfait pour eux…
Parfois, même, la chute s’avérait être aussi douce que perturbante...comme pouvait en témoigner la coupe de champagne que sa partenaire du soir descendait comme assoiffée… Il suivit son mouvement, ne pouvait s’empêcher de l’observer avec un plaisir réel… Reléguée au rang de lointain souvenir, l’assurance qu’elle manifestait à son arrivée sur son propre terrain conquis… Seules restaient la crainte, la fascination et la rebéllion, encore, seule ruine chétive à ce qu’il avait déjà conquis.
Aussi eut-il un sourire fin, presque condescendant à son égard lorsqu'elle évoqua sa capacité à se débrouiller seule, puis balaya ses propos dans un haussement d’épaule  :

- « Je ne le sais que trop bien… N’est-ce pas ce côté frondeur, cette sorte d’impulsion que tu as toujours qui m’a fait tomber sous ton charme ? » interrogea-t-il doucement, en levant un sourcil.

Si un passant écoutait, il n’y verrait qu’un seul couple échangeant quelques sourires… Ses lèvres s’abaissèrent comme pour prendre un pli presque amer, déçu :

- « Je sais bien qu’il s’agit de ton métier, de ton élément mais...tu as tenu à ce que je sois là, ce soir. Alors, tu ne pourras pas me reprocher de me tenir avec toi, auprès de toi.  » son sourire redevint rieur et il ajouta « C’est trop tard. »

Elle saurait démêler le message principal et professionnel qu’il opposait à son exigence… Quant à l’autre, elle le verrait, le maudirait, l’espérerait… La vulnérabilité, la hargne, la même facette d’une même pièce, d’un même état. Elle résistait vainement, trop tardivement contre un état qu’elle avait accepté, voulu presque même. Ce qu’elle faisait à présent ne comptait pas, ne comptait plus, elle l’avait laissé voir en elle, l’envelopper de son aura, enserrer de ses griffes et il ne restait que si peu de choses à défendre et si peu d’envie, qu’elle fermait les yeux pour se convaincre du contraire. Il ne tenait qu’à lui de la forcer à voir. Ou non… Pour le moment, il lui offrait un peu de répit, se plaisant à l’observer tanguer un pieds sur l’autre, enchaînée d’entraves et une certitude effroyable la clouant au sol.

- « Effectivement, tu ne m’as rien promis… Mais ne l’as-tu pas dit toi même ? « A quoi bon danser dans d’autres bras, quand je peux le faire dans les tiens ? ». Ce sont tes mots… Sauf si tu as changé d’avis, bien sûr… Mais je ne pense pas être le seul à avoir apprécié notre danse, pourtant… Non ? » il glissa ses yeux narquois sur sa silhouette, les plis soyeux de sa robe où il avait posé son bras puis remonta moqueusement jusqu’à son visage.

Tant pis pour elle si ce coup la faisait flancher. Il n’avait pas prévu de lui en parler à nouveau mais son déni réactivait son égo, son plaisir pour la gêne mais plus encore dans l’état de totale fragilité qu’elle avait livré. Il avait senti l’ampleur de son emprise, sans y pousser la limite, sans profiter pleinement de toutes les possibilités… Elles étaient là. Et il fallait admettre que son estime personnelle se gargarisait de prendre progressivement de l’emprise sur elle.
Brassant le chaud et le froid, il lui proposa ensuite une promenade culturelle, particulièrement enthousiasme à l’idée de pouvoir enfin passer à sa propre sélection. Il n’y avait aucune raison pour qu’il ne profite pas pleinement de sa chance, entière et plus diverse qu’il l’avait envisagé en montant dans cet avion.
Elle accepta, bien évidement et il lui tendait le bras lorsqu’un son puissant raisonna au milieu de l’assemblée, criant le nom de sa femme.
Il pivota vivement, espérant qu’elle posséderait le même instinct vers le jeune Baptiste. D’autres convives observaient son manège et il fronça un peu les sourcils s’interrogeant sur la pertinence d’un tel esclandre.
Dans un franc sourire, le blond prit de leurs nouvelles, intéressé par leur manière d’appréhender la soirée, avec un visible intérêt pour sa personne. Aussi, Erwin prit-il la peine de réagir, en hochant vigoureusement la tête :

- « Oh à merveille. La collection semble vraiment belle, du peu que nous en avons vu, et non des moindres, on se sent si faibles face à la beauté, j’avoue en avoir été personnellement presque étourdi. Pas toi, Marie ? » il tourna le regard vers elle puis ajouta « mais tu me diras c’est ton lot quotidien... »

Avec un air convenu mais sans la regarder davantage, il se focalisa sur leur ami de la soirée, gai comme un pinson, visiblement fier et repu de pouvoir circuler dans les lieux comme un propriétaire. Il sentait qu’Alexis l’appréciait et comprenait pourquoi. Il avait une compagnie dynamique, une sorte de joie de vivre assez communicative et un enthousiasme assez flagrant. Une personne avec de l’ambition, aussi avait-il noté son nom mentalement, afin de s’en servir à l’avenir, pour d’autres transactions…

- « Trop aimable, le guide parfait pour choisir à loisir les œuvres… De quoi nous faire voyager. »

Sa main voulait se sair de la petite revue que le blond lui tendait, devinant là qu’il s’agissait de la concrétisation de son salaire. « Un tableau sera à vous, si vous le désirez » lui avait-on dit… Et il comptait bien là faire son choix dans les pièces maîtresses de l’exposition. Mais il demeura de marbre et laissa Alexis empocher la petite revue. Tant pis… Il n’en n’avait pas réellement besoin, n’est-ce pas? Il venait déjà si souvent…
Cependant, une fois Baptiste éloigné, la brune le lui tendit en prenant soin d’éviter une nouvelle fois son regard !

- « Merci beaucoup darling… »

Il l’attrapa avec une fausse nonchalance, comme si cela lui était égal ce qui était bien évidement faux. Si ses distractions étaient diverses ce soir, son principal intérêt se trouvait concentré dans cette petite revue. Ignorait-elle les termes de son accord ? Sûrement. Elle ne paraissait que si peu encline à l’infraction des lois… Mais pourtant elle les franchissait ce soir… Il décida cependant de ne pas s’en épandre. Il verrait… Différemment, indirectement. Ne la retint pas non plus lorsqu’elle décida de s’éclipser aux toilettes qu’elle aille donc.

- « Très bien… Je vais...commencer à parcourir un peu l’exposition, je t’attendrais…impatiemment »

Ses yeux avaient croisés ceux, imprudents, innocents comme le cristal d’Alexis et il ne lui avait fallu qu’un instant pour qu’il s’y accroche, s’immisçant un peu plus dans son esprit. C’était facile. Plus facile qu’elle ne pensait l’être et d’ordinaire et s’il s’était agit d’une autre, il en aurait peut-être été rebuté. Mais non… Là, c’était facile pour lui. Elle ne semblait pas femme à se laisser vaincre aisément mais il envisageait de plus en plus de lui démontrer le contraire. Les événements, ce qu’elle avait démontré, une certaine intelligence, et cette fascinante fragilité qu’elle avait à son contact faisait d’elle une proie de choix, une pièce maîtresse dans un jeu futur, un pion puissant… Et au-delà de cela, son orgueil exigeait une excellente victime. La maître de l’orage ferait l’affaire. Il suivit sa silhouette rouge, fine et élégante feindre la foule et se dissoudre parmi la masse, puis tourna la tête. Tout viendrait à point. En attendant, à sa première future acquisition…

Le musée parisien le plus célèbre au monde regorgeait de tableaux pour le moins divers et variés qui méritaient le coup d’oeil. Ses pas le menant à nouveau devant le plus célèbre des Delacroix, le faisant frémir d’agacement. Non, non. Il ne comptait pas exiger ce dernier… Quoique qu’il aurait pu pour offrir au monde le cadeau de le soulager d’idées déraisonnables et bêtes !
Il manqua de chasser d’un geste agacé de la main le serveur qui venait l’importuner en pleine réflexion, lorsque sa phrase curieuse éveilla ses sens. Son stylo ? Preminger ne se servait pas de stylo hormis en cas d’absolue nécessitée et lorsqu’il souhaitait paraître « ordinaire ». En dehors de ces cas très rares, il ne raffolait que de la plume authentique. Cela donnait un réel cachet à la scène… Tout cela pour dire qu’il était persuadé de ne pas avoir apporté le moindre stylo ce qui signifiait… Il jeta un regard en biais au serveur avant de suivre son mouvement vers le bas. Un stylo se trouvait là, non pas oublié, perdu par un autre mais laissé là pour lui. Pour son choix.

- « Oh effectivement, oui ! Quel maladroit, je fais... » s’exclama-t-il en faisant un geste pour se baisser.

Mais il ne se pressa pas, laissa au contraire le serveur le ramasser à sa place, chacun son rang… En profita pour saisir lors de sa descente, un petit four au foie gras entre ses deux doigts.

- « Merci beaucoup... » répondit-il en français saisissant le papier et le stylo de son autre main, vide, « je saurais vous trouver, je n’y manquerai pas…. »


L’organisation était futée. Elle s’infiltrait donc partout… Si bien qu’au final… Pourquoi donc avaient-ils choisi Alexis ? Cette interrogation restait encore sans réponse et il songea également qu’il était étrange qu’une petite fille ait pu trouver Storybrooke...et qu’une organisation des années plus tard aient pu trouver l’enfant recueillie. Sauf si les deux événements n’étaient pas liés, bien entendu. Elle avait tout aussi bien pu être contactée en déplacement… Sauf qu’elle approvisionnait sa bibliothèque de leurs livres, une évidence qui sautait aux yeux du notaire. Il y avait un lien. Lien qu’il ne pouvait identifier encore… mais il finirait par le faire. Oui, il dénouerait tout le mystère qui croissait autour de cette jeune femme et en ferait une force. Lorsque toutes les pièces se compléteraient, alors il serait pleinement maître de tout et saurait en faire bon usage.

Le serviteur...non, le serveur, il avait encore du mal avec les appellations de cette époque maintenant que l’ensemble de ses souvenirs étaient revenus, continuait à présent son service plus loin et il rangea précieusement dans la bouche droite de sa veste, le stylo et la feuille. Seul le livret importait pour le moment. Rien ne servait de se balader l’attirail au complet dans la main, sa propre personne attirait déjà suffisamment les regards comme ça…
Il feuilleta les pages pensivement. A vrai dire trop de choix lui donnait une furieuse envie d’exiger tout. Il le méritait. Rien n’était trop beau pour lui. Et nombre de chefs d’oeuvre avaient sa place dans sa demeure. De toute manière, il finirait par tous les obtenir, une fois qu’il gouvernerait le monde. Maiiiiiiis, n’étant pas encore dans ce contexte, il fallait bien se décider… Ses pas le menèrent vers l’une de ses œuvres fétiches… LE SACRE DE NAPOLEON. La nouvelle configuration de la salle avait été pensée pour consacrer son prestige et le voir ainsi lui rappelait toujours l’amer goût de sa situation. Son couronnement n’avait jamais eu lieu. Il aurait tant sacrifié, il avait tant sacrifié pour ce moment et il lui avait été arraché de force. Il pouvait le choisir. Décider de l’emporter pour visualiser à quel point le moment viendrait où son Heure serait bien plus grande, bien plus belle que cet instant solennel.. Mais c’était aussi faire hommage à une autre figure, comme un faux aveu à une admiration quelconque pour la réussite d’autrui, lui qui n’admirait personne d’autre que lui-même. Pourquoi donc se serait-il pâmé d’admiration pour Bonaparte ? Alors à quoi bon prendre un tableau à son effigie et sa gloire ?
Non, décidément, non, inutile…
Le choix se jouait entre trois œuvres en réalité… Le premier se trouvait être un Delacroix moins célèbre mais néanmoins terrible dans sa légende nommé « LA MORT DE SARDENAPALE » qui faisait toujours frissonner sa femme lorsqu’ils s’arrêtaient devant mais ne manquait jamais de fasciner l’ancien Ministre. La légende d’un suicide collectif le déprimait un peu, mais il admirait cela dit l’orchestration de la fin d’un règne, le massacre d’un grand nombre pour éradiquer l’ombre d’un roi, par le roi lui-même. Pour ne rien laisser au monde… Un égoïsme qui rencontrait un certain écho en lui. Un peu. Même s’il aurait été bien trop lâche pour terminer son propre geste après un tel massacre.
Le second différent en tout point, le fascinait par le clair obscur qu’il mettait en lumière, les corps, les mouvements, les nuances, le désespoir et la passion semblaient si réels, palpables… « LES OMBRES DE FRANCESCA DA RIMINI ET DE PAOLO MALATESTA». Une illustration de l’Enfer de Dante, Chant V. « Amor, ch'al cor gentil ratto s'apprende, prese costui de la bella persona «che mi fu tolta »…. Les vers lui venaient en tête et il était prêt de la choisir, cette merveilleuse peinture quand sa troisième option s’imposait à lui.
Preminger était un courtisan, son royaume figé dans le XVIIIème illustrait, et lui plus encore les mœurs de l’époque… Le baroque, le rococo étaient plus que des styles pour lui, ils vivaient en lui et son choix ne pouvait que l’illustrer….
Fragonard était un peintre de l’époque, le style vestimentaire de ses tableaux rappelait ses gloires perdus aussi griffonna-t-il son choix d’un geste décidé sur son bout de papier. « LE VERROU».
Quel dommage que l’on lui ait proposé qu’une œuvre picturale, il aurait plutôt réclamé les bijoux royaux que le musée exposait aussi. Il avait beau aimer l’art, il aimait l’or encore plus.

- « Je vais reprendre une coupe de champagne, s’il vous plait »

Il tendit la main, glissant en un geste d’échange prompt et maîtrisé le papier en se saisissant de la coupe, puis se détourna tranquillement pour observer les danseurs, l’appétit satisfait. Une pièce de choix, oui ! Un merveilleux modèle d’exposition. N’était-ce pas ironique d’ailleurs ? Le symbole du tableau refléterait en vérité le verrou qu’il mettait sur ses affaires personnelles, sanglantes ou ambitieuses ou même privées. Oui… Une merveilleuse acquisition évidemment !
Ses yeux avides tombèrent mécaniquement sur une couleur qui dénotait au milieu de la sobriété ambiante, dansante…
Alexis. Il l’avait presque oubliée, tout à son petit gain et ses rêves d’antan… Et visiblement, sa route avait croisé encore, celle, aux aguets du ventripotent italien qui tenait là ce qui consistait pour lui son quart d’heure de gloire, visiblement….
Un sourire amusé aux lèvres, il porta son verre de champagne à ses lèvres, observa les danseurs, la silhouette d’Alexis, son allure, jaugeant son apparence. Qu’elle profite donc… Des derniers instants de répit. Il savait d’avance qu’à l’instant où elle le verrait, elle se désagrégerait progressivement en morceaux…
Son regard se coula vers une femme qui le regardait et il sourit en s’approchant d’elle de sa démarche reptilienne :

- « Vous avez été oubliée par votre partenaire ? » minauda-t-il en italien

Il l’avait reconnue d’instinct, La femme qui se pavanait aux côtés de l’ambassadeur. Trop jeune pour être sa première femme, ni sa deuxième comme en témoignait son absence d’alliance, excessivement maquillée pour que l’art soit sa priorité du soir…

- « Pardon ?! » déclama-t-elle d'un ton autoritaire en tournant la tête vivement vers lui

Elle tourna vers lui, un regard de prime abord arrogant puis battit des paupières, subitement, se rendant compte de celui qui se tenait devant elle. Enfin… De l’incarnation parfaite de la beauté qui se tenait devant elle. Elle y voyait sûrement l’opportunité de sa vie, même… Pitoyable. Il ne se retournerait même pas un douzième de sa beauté en plus…

- « Oh… Qui dit que ce n’est pas moi qui l’ait oublié ? » répliqua-t-elle donc sur un ton qu’elle souhaitait sûrement séduisant et qui devait effectivement être du plus efficace sur un personnage aussi peu élégant que l’individu qui dansait avec son épouse… Elle lui évoquait plus les femmes faussement fatales qui tiraient si facilement sur la vulgarité...

Mais il n’y laissa évidemment rien paraître au contraire, approuva de la tête :

- « Tout à fait entre nous, señorita… Si j’étais un joyau tel que vous, je ne passerai pas une minute de mon temps en sa compagnie… »
- « Et que proposeriez-vous d’autre ? »

Elle s’était rapprochée si vivement, muée par un espoir neuf et émerveillé. Sûrement vivait-elle l’espoir le plus magnifique de sa vie, si bien que sa main manicurée se posa bientôt sur son bras.. Manquant d’arborer une mine ironique, il se dégagea doucement, dans un rire léger :

- « Oh non, je pense qu’il y a méprise, ma chère, je ne suis malheureusement pas libre de gagner votre coeur » il agita avec légèreté sa main gauche devant elle, faisant luire sa fausse alliance dans la lumière des lustres avant de désigner un point derrière lui avec habileté : « mais je connais quelqu’un à qui cela ne déplairait pas… Cet individu, derrière. Regardez-le bien. Il est jeune, assez séduisant, cela vous fera une double compensation et comble de tout, il est atrocement riche. Rien que la montre en or qui orne son poignet vaut le quintuple de ce que porte votre abassadeur… Et il n’a d’yeux que pour vous, depuis la danse. Et encore là. Je serais vous, j’irais l’aborder… »

Il se recula, presque énigmatique, s’amusant des expressions qui muèrent sur le regard de l’italienne. Déception, étonnement, surprise, interrogation, introspection, intérêt, doute….puis intérêt à nouveau. Il n’eut besoin de ne rien dire, se contenta de l’inciter d’un mouvement de tête et elle le remercia en marmonnant avant de se diriger vers l’individu. Elle partirait avec lui avant la fin de la soirée. Il le savait. Il l’avait deviné. Et orchestré un peu… Mais il n’était que l’instrument du destin pas vrai…
Passant devant les futurs amants, dans une infinie satisfaction, il contempla la fin de la danse, patiemment, avec détachement juste pour feindra la surprise lorsque la musique s’arrêta et que le regard de Marie croisa celui d’Edward. Il le vit avant qu’elle ne le ressente, le sentiment de culpabilité d’Alexis qui gagna Marie, aussi efficacement que si elle avait été réelle.
Il avait conservé son air tranquille lorsqu'elle était venue le rejoindre, le ton calme mais les coins de la bouche vacillants sur son visage essoufflé par l’exercice de la danse :

- « Oui, c’était splendide comme toujours, tu as bien fait d’honorer ta dette... » il tourna le visage à nouveau vers « Marco » bouffi de suffisance, et sourit de toutes ses magnifiques dents « Oh vous avez bien fait très cher, avec tous ces séducteurs dans les environs, avec vous, au moins, je sais qu’on ne risque pas de me la voler… » susurra-t-il toujours en italien avant d’ajouter d’un ton emprunté, feignant de guetter les environs « en revanche, tout à fait entre nous, je serais vous, je m’enquérerais de votre compa... Oh Mais j’ai bien peur que le devoir ne vous appelle avant ».

Son sourire amical demeurait toujours mais ses yeux vrillèrent dans une nuance sardonique qui hanteraient, il l’espérait suffisamment l’ambassadeur pour le tenir averti, lorsqu’il comprendrait plus tard le poids de ses paroles et du mot qu’il avait suspendu volontairement. Là, qu’il profite encore, tel un ridicule petit mammifère se pavanant devant le paon. Au demeurant, lui s’amusait énormément…. Il guetta le début du discours, accueillant les excuses de sa « femme » avec une hilarité refoulée. Il la laissa glisser sa main dans son dos, puis poser sur son épaule, les boucles châtaines de ses cheveux. Il resta un instant immobile, la laissant se relaxer de son absence de réaction, puis enlaça à nouveau sa taille, doucement, forçant sa tête à glisser légèrement sur le haut de son torse. Puis lentement, il inclina sa propre tête, venant la poser sur la sienne, dans un geste délicat :

- « Ne t’excuse pas…. «  chuchota-t-il dans un souffle, ses lèvres dans ses cheveux, ses yeux glissant sur l’italien, concentré sur le discours, concentré sur ce qu’il entreprenait aussi « Tu sais… je sais parfaitement à quel point tu préfères être ainsi. Ici. Avec moi. »

Sa main gauche rejoignit sa droite, ligotant discrètement l’éventuel retrait de la jeune femme, même s’il savait qu’elle n’en ferait rien. Le geste ne possédait rien d’intrusif, ni d’osé.
Et puis, elle l’avait initié, n’est-ce pas ? Elle en assumerait les conséquences…. De toute manière, c’était évident. Si elle le traitait avec froideur, c’était pour mieux cacher le feu, mais au fond, elle ne voyait pas comment refuser...
Parce que qui l’aurait refusé ?

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2020-09-14, 23:12 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Paris, je m'ennuie de toi, mon vieux.
On se retrouvera tous les deux,
Mon grand Paris.


Il m’avait fallu tous les efforts du monde et que je me mordre la lèvre inférieure presque jusqu’au sang pour éviter de rire à la pique qu’Erwin lui avait jeté. Elle m’avait fait le même effet que s’il l’avait frappé avec une brique. C’était de bonne guerre, le diplomate jouait avec le feu mais apparemment le notaire avait un art de la répartie plutôt impressionnant. C’était quelque chose de que je n’avais pas encore pu remarquer avant ce soir dans la mesure où il était resté très calme à son office et surtout très proche d’un texte policé. Crafty aurait pu avoir droit à une pique bien placée et pourtant il s’était contenté de lui rappelait qu’il ne lui permettait pas ces impolitesses. C’était plutôt étrange quand j’y pensais... j’aurai eu tendance à faire le contraire, si j'avais été à sa place. Le bandit l’avait attaqué verbalement, perosnnellement et en tentant de le salir, le diplomate ne se contentait que d’érafler un vernis suffisamment dur pour être une armure et c’était plutôt avec lui qu’il s’adonnait à une joute verbale sanglante. J’avais fini par me dire que cela devait sans doute être lié au caractère d’Edward, une sorte de rôle qu’il jouait jusqu’au bout plutôt que sa propre personnalité. C’était dommage. Il était plutôt bon au jeu de la répartie.

J’avais tourné la tête à la recherche de la compagne de l’ambassadeur lorsqu’il l’avait spécifié. Elle n’était plus dans le coin à première vue et j’avais manqué d’éclater d’un nouveau rire en le constatant. A force de miser sur plusieurs chevaux en même temps, on finissait par ne plus avoir de cheval, c’était bien fait pour lui. Pourtant, je m’étais contenté d’un petit sourire désolé en sa direction avant qu’il ne se dirige vers l’estrade. J’avais cru apercevoir la jeune femme aux côtés d’un autre homme quelques minutes auparavant. Erwin avait dû voir le manège qui se tramait et ne s’était apparemment pas gêné pour le faire, défendant par la même occasion son cheval de la soirée.

Cette conversation avait eu le don de me détendre un peu. C’était sans aucun doute mon côté sombre. On en avait tous un et même si cela me peinait, je n’y faisais pas exception. J’aimais les bons mots, les revers de verbiages et il fallait dire que j’avais eu le droit à quelques secondes mémorables. Si je m’étais sentie gênée quelques temps plus tôt de ce combat de coq ahurissant, je n’avais vu qu’en cet instant que la beauté du geste plutôt que la situation et c’était pas plus mal. Ca m’avait aussi donné le courage d’enfoncer le clou, posant ma tête sur l’épaule du notaire tout en observant devant moi, l’estrade, Allard et l’ambassadeur à l’œil vif. J’avais senti alors la tête de l’homme se poser sur la mienne, rajoutant un poids qui me ramena un peu brusquement à notre réalité. A ce jeu que nous jouions depuis ce début de soirée et dont les frontières commençaient à devenir floues. J’avais senti son visage se mouvoir, ses lèvres se poser sur mes cheveux et je n’avais pas fait un geste, appuyant néanmoins plus ma main sur son dos, comme pour avoir une meilleure prise. Là où seuls les doigts effleuraient son échine, s’était désormais toute ma paume que j’y avais collé, dans un espoir dérisoire d’avoir une prise sans doute plus stable, dans l’éventualité d’un sol qui se dérobait sous mes pieds. C’était stupide. Le sol du Louvre ne se déroberait jamais. Le mien en revanche s’était déjà dérobé même si je refusais de l’admettre. C’était donc doublement stupide.

- Tu sais… je sais parfaitement à quel point tu préfères être ainsi. Ici. Avec moi.

J’avais voulu répondre mais les mots étaient restés au fond de ma gorge lorsque j’avais senti que sa main droite avait rejoint sa gauche sur la ma taille, m’enlaçant complètement, sans pour autant que ce soit déplacé. D’un point de vue extérieur, tout était normal. Mais de mon poids de vue interne, c’était parfaitement intrusif. Mon cœur s’était mis à battre plus fort, sentant qu’une fois de plus il raffermissait son emprise. Je ne bougeais pas pourtant, refusant de mettre à mal ce geste visible de tendresse de jeunes mariés par les pensées d’une jeune femme prise au piège. Je m’étais contenté de tourner la tête lentement vers lui, déjà pour ne pas le blesser par un geste brusque qu’il aurait pris à coup sûr dans les dents tant ses lèvres se reposaient sur ma tête, mais aussi pour le prévenir de mon prochain coup, lui laissant le temps de retirer légèrement son visage. Nous étions très proches et j’avais quelque peu reculé la tête pour tenter de reprendre un espace d’intimité, sans pour autant me départir de ses mains. Il était plus grand que moi, notre position m’obligeait à lever la tête plus haut qu’à l’ordinaire, ce qui était presque une aubaine. De là où j’étais, j’avais moins de facilité à voir ses yeux m’englober toute entière, j’avais moins de difficulté à m’exprimer.

- Je sais. Je sais que tu le sais. Mais il n’y a pas vraiment de quoi se vanter... à la vue de... la concurrence...

J’avais tourné la tête en direction de l’estrade où Ronchetti s’était mis à prendre la parole. Avec un sourire en coin, j’avais reposé ma tête où elle était quelques secondes auparavant, plutôt fière de moi. Je m’enfonçais dans cette idée que nous jouions un rôle mais que le double sens était possible et si c’était le cas, je voulais qu’il comprenne que je n’étais pas non plus stupide quant à ce qu’il faisait, à défaut de connaître ses réelles intentions. Mais que je n’avais pas non plus du mal à l’avouer... tout le monde aurait mieux valu que le pervers bedonnant qui se gargarisait de son discours sur l’amitié franco-italienne.

Après sa tirade, qu’il avait eu la bonté de nous faire courte, nous avions pu voir les portes de la salle s’ouvrir et nous avions suivi le mouvement. Je m’étais stoppée toujours à l'extrémité de la foule afin de pouvoir sortir dans les premiers, feignant la découverte pendant quelques minutes. Pour la première fois depuis que cette mission avait commencé, je savourai pleinement et sans crainte l’endroit où j’étais, je mesurais la chance que j’avais eu d’avoir pu la voir d’aussi près, avec le silence religieux qui lui était du. A présent, la salle était si bruyante qu’il était presque difficile de vraiment passer un moment d’intimité et d’introspection entre soit et l’œuvre, aussi avais-je vu Allard s’approcher du coin de l’œil sans aucun mal, n’étant plus vraiment concentrée sur la pièce maîtresse de la cérémonie. Il m’avait fait un signe pour me préciser que le bruit était bien trop fort pour pouvoir parler convenablement et m’avait demandé de le suivre en dehors de la pièce, dans la Galerie, où il ne restait plus personne hormis quelques serveurs qui commençaient d’ores et déjà à débarrasser.

- Je pense que la soirée va se poursuivre dans un club côté du musée, si cela peut vous intéresser...

La phrase m’avait prise un peu au dépourvu. Ce n’était pas du tout ce que je m’attendais à entendre de cet homme dans un moment pareil. Pourtant, j’avais un script bien préparé et j’avais fini par répondre assez rapidement avec un sourire :

- C’est très aimable à vous mais je pense que nous allons rentrer. Je dois dire que je me sens un peu fatiguée...

J’avais tourné la tête vers Erwin pour qu’il approuve mes dires, à la façon de toutes ces femmes qui avaient tendance à dire “moi en tout cas c’est ce que je fais mais toi tu fais comme tu veux, tu es libre” tout en sachant pertinemment qu’il n’y avait qu’une seule réponse valable. J’avais de nouveau tourné mon regard vers Allard avant que le notaire puisse répondre pour poursuivre et préciser :

- Je dois dire que le décalage horaire m’a un peu épuisée, nous n’avons pas pu faire autrement, nous avons été obligés d’atterrir aujourd’hui et je commence à le sentir. Sans compter que nous n’avons pas encore eu l’occasion d’avoir notre lune de miel et que nous comptions un peu profiter de l’ambiance si romantique de Paris...

J’avais souri, feignant pour la première fois la gêne. C’était sans doute le sentiment qui m’avait le plus animé jusqu’alors et pourtant en ce moment précis, pas une seule gêne ne m’avait submergé. C’était le texte, ce que j’avais retenu, je ne faisais que retranscrire. Il était bien évident qu’arrivé à l’hôtel, il prendrait le canapé comme il me l’avait proposé alors pourquoi s’inquiéter ? La suite m’avait prise de cours, Allard s’était contenté de sourire et d’hocher la tête une fois d’un air entendu :

- Je vous comprends totalement, il ne faut jamais tenter d’étouffer un feu qui commence à peine à brûler. L’alimenter est la plus sûre des façons de le faire perdurer.

Il avait alors prit ma main dans ma la sienne avant de me faire un baise-main. Le geste n’était pas anodin, j’avais senti qu’il avait collé quelque chose dans ma paume en me prenant la main. Un petit objet rigide que j’avais saisi en resserrant plus mon emprise dessus lorsque ses lèvres avaient à peine frôlé ma peau. Je n’arrivais pas y croire. Relâchant mon bras, j’avais serré mon poing, complètement choquée de ce qu’il venait de me dévoiler tandis qu’il serrait la main à Erwin d’un air chaleureux.

- Merci pour votre présence, j’espère que cette soirée vous aura plus et qu’elle aura gravé en vous quelques souvenirs mémorables dignes des plus beaux trésors que nous avons ici.

D’un geste vague, il avait montré la galerie avec un sourire avant de reposer son attention sur moi, toujours anesthésiée. Comme pour appuyer mon départ, il avait plongé ses yeux dans les miens.

- Bonne soirée Marie. N’oubliez pas d’aller dans la lumière...
- … Car c’est au détour d’une ombre que nous attends le mal...

Je l’avais sorti comme un automatisme, un cri de l’âme profond au creux de mon être. Ces mots s’étaient gravés en mois il y avait 5 ans de cela, je les avais vu pour la première fois dans la lettre d’adieu de Maman. Il avait été discret, les deux serveurs qui restaient dans la salle avaient tournés les yeux vers moi d’un air entendu. J’avais dégluti en le regardant dans les yeux avant d’hocher la tête, de lui souhaiter une bonne soirée et de lui fausser compagnie. Allard était l’un des nôtres... il m’avait laissé le défier pendant ces deux dernières années sans broncher. Sans que personne ne me dise quoi que ce soit, sans se dévoiler. Et pourtant ce soir, il l’avait fait et je savais pourquoi. On m’avait dit qu’un contact m’attendrait en fin de soirée, je n’aurai jamais cru que c’était lui.

Nous avions repris l’ascenseur jusqu’en haut de la pyramide. Il ne nous restait plus qu’à attendre le chauffeur que je voyais déjà arriver au loin. Pile à l’heure. J’avais été un peu surprise de voir l’ambassadeur seul, en train de fumer, une main dans une poche. Il était fort à parier qu’il n’était même pas entré dans la salle avec les autres pour être arrivé là avant nous et il avait un air si maussade que quelque chose me disait qu’il n’avait pas retrouvé sa compagne. On ne pouvait pas gagner à tous les coups. Je repris un sourire de circonstance lorsqu’il tourna la tête vers moi, me reconnaissant alors :

- Bonne soirée monsieur l’Ambassadeur.
- Ciao, Bella.

Son ton était si terne qu’il traduisait son irrémédiable envie de finir cette soirée au plus vite. Il avait jeté un regard dédaigneux à Erwin et je n’avais pas pris la peine de tenter d’apaiser les tensions, montant dans la voiture dès que l’occasion m’en fut donnée. La portière du côté du notaire fut la dernière à claquer et le silence de l’habitacle m’enveloppa brusquement, comme si la voiture venait de plonger au fond d’un lac et que l’eau nous avait envahi de toute part. C’était étrange. Le bourdonnement de la fête s’était tut brusquement, l’adrénaline était subitement redescendue et tout était soudain si calme que ça me donnait le vertige. Marie venait de disparaître instantanément et j’avais posé les yeux sur le notaire, un peu déstabilisée. Clignant des yeux face à son regard, je tournais la tête vers le chauffeur :

- Situation ?

Je vis son sourire dans le rétroviseur, cette espèce de sourire arrogant en coin qu’il sortait à chaque fois que le plan s’était déroulé sans accroc :

- Ils sont sortis il y a 20 minutes...

Complètement soulagée, j’avais jeté mon dos sur la banquette, ma tête claquant contre l’appui tête en observant le plafond de la voiture. C’était fini. J’avais alors eu un rire nerveux, assumé et victorieux, tandis que le chauffeur appuyait sur l’accélérateur pour sortir le véhicule de la cour. Je fermait les yeux, déglutissant et profitant du calme ambiant quelques minutes. Sans les rouvrir, j’avais tout de même lâché à Erwin :

- Merci... et bien joué... Tu... vous avez été parfait. Je n’aurai pas pu faire tout cela sans... vous.

C’était presque étrange de le vouvoyez de nouveau. Le tutoiement était devenu si simple que j’avais dû me reprendre rapidement, laissant un léger silence avant la suite de ma phrase. Silence qui s’était réitéré à la fin de ma phrase. Je ne voulais pas paraître trop familière ou intrusive, ce qui était absurde face à la situation qui venait de nous arriver mais qui replaçait aussi la situation où elle était. Si je m’étais trompée sur toute la ligne sur ses intentions, il n’en serait pas le moins du monde gêné, au contraire, peut-être même l’espérait-il. Si au contraire tout n’était que question de sous-entendu, je replaçais les barrières de moi-même. J’avais pris quelques secondes de méditation bien méritée où je n’avais pas rouvert les yeux. Pourtant, au bout de quelques minutes, sentant que le trajet devenait beaucoup plus long qu’à l’aller, j’ouvris les yeux pour lui préciser :

- Ne vous inquiétez pas, nous faisons juste un détour pour que... Je livre ce que j’ai à livrer.

J’avais alors ouvert la main pour observer l’objet qu’Allard m’avait donné. Une pièce en argent où une fleur de Lys était gravée dessus. J’avais souri en secouant la tête, ne revenant toujours pas de ma découverte. Le trajet n’avait pas été long, nous avions traversé la Seine deux fois mais à cette heure, il y avait peu de monde ce qui permettait de passer des 20 minutes habituelles à 10 minutes pour rejoindre la rue Longchamps. La voiture nous avait arrêté devant une grande porte cochère ouverte, qui donnait sur une cour intérieur pavée et sur un bâtiment sobre : “Banque Zurichoise”. J’avais déjà ouvert ma portière lorsque je jetais un œil dans la voiture en direction d’Erwin :

- Vous n’êtes pas obligé d’attendre dans la voiture si vous voulez !

Avec une certaine hâte, j’avais sauté hors de la voiture et je m’étais pressée dans la cour avant d’atteindre la porte d’entrée. Malgré l’heure tardive, elle pivota automatiquement pour nous laisser pénétrer dans un hall sobre, glacial voire impersonnel. Je me dirigeais directement vers le comptoir où m’attendais un homme en costume avec un sourire. Du doigt, il m’indiqua une borne devant le comptoir et j’en profitais pour sortir de ma pochette le seul héritage qui me venait de Maman : ma clé surmontée d’une Fleur de Lys. Je incarcérais dans le trou de la borne et la tournais tandis que son ordinateur s’activait. En Français, il me demanda calmement :

- Child-Taylor ?
- Non... Juste Child, il y a eu un changement qui n’est apparemment toujours pas réglé...

On pouvait sentir une pointe d’agacement dans mon français qui menaçait d’augmenter encore lorsqu’il se contenta de sourire en coin, me précisant par là ce que je savais déjà : ce n’était pas une erreur. J’avais beau refuser la paternité qu’on m’avait donné, ils semblaient décidés à me la coller quoi qu’il arrive. J’en profitais pour lui tendre ma main pour qu’il récupère mes empreintes et une goutte de mon sang. Une fois son analyse terminée, l’homme se leva, reboutonnant sa veste.

- Suivez-moi je vous prie.

Je contournais le comptoir avec Erwin quand l’homme fit volte-face me stoppant dans mon élan. Avec amabilité, il se tourna vers le notaire :

- Monsieur, avez-vous également une clé de voûte sur vous ?
- Euh... Non... Il m’accompagne...

J’étais un peu gênée de cette situation, je savais ce qui arrivait juste après et je m’en voulais presque de lui avoir proposé de sortir de la voiture. L’homme ne se départi pas de son sourire pour autant et se contenta de montrer l’un des canapés en cuir :

- Vous pouvez alors attendre juste ici.

Il m’amena devant un autre ordinateur qui me demandait mon numéro de compte et après l’avoir remercié d’un sourire, l’homme retourna au comptoir tandis que je me pressais à taper le numéro de compte. Le panneau de bois qui se trouvait à face de moi s’enfonça alors dans le mur et coulissa, laissant entrevoir une ouverture insoupçonnée. Je me glissais à l’intérieur pour y découvrir une salle des coffres plus chaleureuse avec un bureau richement ouvragée et des casiers tout autour de moi, illuminé de lumière blanche. Je m’approchais de la nouvelle borne avant d’y déposer la pièce dessus. Elle se scanna et un casier s’ouvrir automatiquement. Tout en récupérant le morceau d’argent, je me dirigeais vers lui pour la poser à l’intérieur, tout comme les lunettes qui m’avait servie à scanner le tableau. Je pris soin de refermer soigneusement le casier et me dirigeais vers la sortie en utilisant ma clé de voûte pour actionner la porte secrète. Je la replaçais dans ma pochette avant de tourner la tête vers l’homme à l’accueil.

- Merci bonne soirée.
- A vous également.

J’avais souris à Erwin et nous étions retourné dans la voiture. Sur le trajet du retour, j’avais réfléchi à toute cette situation. La mission était véritablement terminée et tout s’était déroulé sans problème. Jamais je n’avais eu mission si compliquée jusqu’alors et j’étais parvenue à la mener de bout en bout malgré mes doutes et mes peurs. J’espérais qu’ils étaient fiers de moi, je me laissais à la transgression de l’être un peu de moi. J’avais envie de fêter ça, j’avais envie de relâcher enfin la pression, en rire, oublier. Et j’hésitais à proposer à Erwin de m’y rejoindre. Après tout, lui aussi avait dû avoir son lot de sensation. J’avais du mal à me dire que ce lien allait cesser, que tout redeviendrait impersonnel car au fond, je continuais à penser qu’il y avait vraiment eu quelque chose, au-delà d’Edward et de Marie, que ce soit pour moi-même si j’avais du mal à me l’avouer ou pour lui si je n’arrivais pas à comprendre quoi. Cette réflexion m’avait prise toute entière et j’avais presque sursauté en me rendant compte que nous étions arrivés à l’hôtel. J’étais sortie et avait repris son bras, me rappelant que nous avions encore au moins un rôle à jouer ici.

- Tu veux qu’on prenne un dernier verre ? Ce sera l’occasion de … fêter un peu disons...

C’était sorti presque instantanément, à la seconde où j’avais vu le bar de l’hôtel. Je ne savais pas pourquoi j’en avais eu soudainement envie mais j’avais eu l’impression que c’était la chose à faire, la meilleure façon de fêter, de briser la glace et de garder ce lien qui n’était peut-être pas que factice. Je m’étais approchée du bar et le serveur m’avait précisé poliment :

- Madame, le bar ne va pas tarder à fermer, en revanche je peux me proposer de vous préparer vos verres et vous les amener en chambre.
- Oh... avec plaisir alors. Je vais vous prendre un Gin Tonic à la violette et au romarin s’il vous plaît, chambre 308.

Je m’étais tournée vers Erwin pour voir s’il me suivait dans ma folie et le laisser commander le cas échéant. Je n’étais pas alcoolisée, j’avais appris à mes dépens qu’il me fallait un certain temps avant de perdre le contrôle de moi-même et mes frasques adolescentes m’avaient sans aucun doute bien entraîné à tout cela. Le champagne était déjà bien loin et j’avais l’impression que seul quelque chose de plus fort m’aiderait à mettre un point final à tout cela en beauté. Je m’étais alors dirigée vers les ascenseurs et avait appuyé sur le numéro 3 avant de coller sagement mon dos contre le fond de l’habitacle. Nous nous étions engouffrés dans le couloir et j’avais actionné la porte avant d’entrer à l’intérieur en expirant. C’était belle et bien fini. Je me serais sans doute jetée sur le lit hilare si j'avais mieux connu Erwin... ou si j’avais été seule. Au lieu de cela, mon grand sourire s’était figé lorsque j’avais aperçu un incroyable bouquet sur le bureau de la suite, collé au mur, contre le grand miroir. Un peu surprise, je m’étais approchée lentement de cette pièce somptueuse. Je n’avais jamais vu un si beau bouquet. On ne m’avait jamais offert un si beau bouquet... j’étais à mi-chemin lorsqu’on frappa à la porte. Je m’étais tournée brusquement et Erwin, plus proche de la porte que moi, avait ouvert pour récupérer notre commande. J’en avais presque oublié le verre...

Comme tous les gin tonics, il était servi dans un grand verre rond qui rendait sa prise en main difficile. Le pied était bien souvent trop fin et fragile pour qu’on le tienne de ce côté et comme toute personne normalement constituée, le notaire n’avait pas fait ce choix. Je m’étais alors approché de lui pour récupérer mon verre. Maladroitement, je n’avais pas su comment m’y prendre et ma main avait glissé sur la sienne lentement avant d’enfin tenir prise. J’avais eu une bouffée de chaleur subite, sans doute mes joues avaient rosies et je lui avais retiré le verre des mains pour le faire tinter contre le sien. J’avais tout de même trouvé le courage de le regarder et de lui sourire :

- A notre Victoire.

J’avais bu une gorgée de mon gin tonic, remerciant le ciel d’avoir placé un aussi bon barman sur ma route. Ce n’était pas un cocktail bien difficile mais il fallait de peu pour qu’il soit raté. Trop de gin ou trop de tonic et plus rien n’avait de sens. Sans compter que la note de romarin se devait d’être présente sinon à quoi bon ? Quant à la violette, avais-je vraiment besoin de m'étendre dessus? Je lui avais souris une nouvelle fois en avalant ma gorgée avant de me détourner pour observer de nouveau le bouquet, comme hypnotisée. Je m’étais approchée du bureau pour le voir de plus près. C’était un bouquet de lys blancs, parsemé de quelques orchidées. Il était rond et puissant, comme je n’en avais que vu dans les films jusqu’alors. La main tremblante, j’avais posé mon verre sur le bureau pour venir toucher le pétale de l’une des fleurs, sentant sa douceur légèrement humide entre mon pouce et mon index.

- Le lys est ma fleur préférée...

Je l’avais dit dans un souffle, comme captivée, sans lâcher le bouquet des yeux. L’orchidée était ma seconde et j’avais toujours pensé qu’elle n’existait qu’en pot. Je me trompais. Il ne pouvait pas le savoir, comment l’aurait-il pu ? Et pourtant il avait tapé si juste que je n’avais pas pu m’empêcher la précision.

- Il est magnifique... merci...

Je ne savais pas quoi dire, j’étais soufflée, sans voix, abasourdie. Il n’avait eu aucune raison de faire cela. Le rôle était déjà suffisamment bon pour éviter ce détail. Alors pourquoi? Avec un frisson, je m’étais alors rendu compte que sa présence se faisait sentir dans mon dos. J’étais restée si bloquée sur la beauté des fleurs que je ne l’avais pas senti s’approcher autant de moi. Lentement, le souffle court, la gorge sèche, j’avais alors relevé mes yeux jusqu’aux siens, à travers le reflet du miroir...


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Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »

Erwin Dorian

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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)

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________________________________________ 2020-09-17, 23:18 « If the crown should fit, then how can I refuse? »





Il fait gronder sur eux son tonnerre éclatant


Erwin Dorian & Alexis Child



Avoir la tête à moitié posée sur celle de la libraire gênait un peu l’écoute, au regard de la position peu confortable à la longue, mais sachant que l’indisposition qu’il pouvait ressentir n’égalerait en rien le centuple d’un autre ordre qui tordait le coeur de la jeune femme, il n’esquissa pas d’un moindre geste de recul. Ses bras joints dans un entrelacement restreint rapprochaient Alexis de sa coupe. Alors, après un long moment de léthargie, soudain sembla-t-elle s’animer, tournant son visage vers lui, comme pour s’éveiller d’un rêve.

- « - Je sais. Je sais que tu le sais. Mais il n’y a pas vraiment de quoi se vanter... à la vue de... la concurrence... »

Peut-être avait-elle pensé là, défier son influence qui se ressentait pourtant dans tous les détails de son visage.
Peut-être pensait-elle sérieusement que Preminger était homme à pouvoir souffrir de la concurrence, lui pour qui cette notion ne résonnait que comme un vague concept flou propre aux autres individus .
Peut-être avait-elle pensé là faire un simple trait d’esprit.
Tout juste, cela lui arracha-t-il un vague sourire, son regard ne s’abaissant pas sur elle, toujours fixé sur l’ambassadeur, qui gesticulait devant la foule :

- « La... concurrence… Le terme est-il réellement approprié ? » ses lèvres exhalaient ce constat presque malgré lui, dans un à peine murmure léger.

La brune avait replacé sa tête sur son torse, tendue mais néanmoins sûrement trop satisfaite de l’aubaine que cela représentait pour ne pas s’y complaire. Il n’en joua cependant pas. Leur proximité suffisait pour embarrasser celle qui incarnait sa femme, et cette seule perspective l’amusait hautement. Non pas qu’il lui arrivait peu de fois de produire un effet mais il restait rare qu’il laisse et entretienne cette sensation. Les circonstances ordinaires ne s’y prêtaient pas.
Ce soir. Ce soir, Edward Smith s’y prêtait et Erwin Preminger ne refusait jamais de mesurer son attrait sur autrui.

Le monologue de l’ambassadeur finit par se clore et il applaudit poliment comme le reste de l’assemblée avant de consentir à relâcher sa victime, naturellement, comme si aucune gaucherie ne s’était ressentie. De toute manière, il ne possédait pas le besoin de brusquer qui que ce soit ; il obtenait toujours tout, à point.
Ils se dirigèrent, aussi, naturellement vers Allard, qui apparemment satisfait du déroulé de la soirée, les invita à le rejoindre dans la Galerie. L’oeil du notaire tomba sur les petites mains qui s’occupaient déjà de débarrasser la salle des restes et vestiges de la soirée mondaine, profitant que la masse soit concentrée dans la pièce principale de réception. Fascinant comme les choses se faisaient et se défaisaient si facilement, comme si elles n’existaient finalement pas. La vie restait une succession d’événements, de décors dont il fallait se rendre maître, si l’on souhaitait un peu en mesurer le poids… Sinon, juste un agréable trajet à l’allure variable, secoué de joies et de travers, pour le commun des mortels.
La soirée touchait déjà à sa fin, visiblement et contre toute attente, cela semblait être la perspective suivie d’Alexis, là où le notaire considérait se trouver à l’entracte.
Il l’entendit décliner la proposition d’Allard, dans une politesse courtoise mais irrévocable et ne put que la suivre, ayant eu pour consigne de ne pas se rendre à d’autres endroits que ceux où la jeune femme se rendrait. Il était sa couverture. Dommage. Une partie de lui souhaitait presque prononcer l’inverse, par simple plaisir de la mettre en difficulté encore, mais différemment. Il ne le fit cependant pas, la réponse de la libraire amenant un amusement différent dans son esprit alimenté par la réplique du conservateur qu’il trouva...impromptue.
Allard semblait d’ailleurs différent. Quelque peu changé et il l’observa finement, veillant à ne rien en laisser paraître, se saisir des longs doigts fins d’Alexis pour y déposer un baise-main…
Cela n’avait duré qu’une brève seconde, mais les yeux et l’esprit d’Erwin se trouvaient respectivement suffisamment affûtés pour ne pas percevoir ce que cachait cette soudaine dévotion. Un présent. Un message aussi. Un objet fin, qui glissait du conservateur à la libraire, dérobé au regard du notaire. Il feignit de ne pas y prêter attention, serra jovialement la main d’Allard, souriant à l’ironie qui perçait de ses amabilités :

- « Il se pourrait que je repartisse d’ici riche de trésors inestimables dont mon coeur humble rejette la probabilité… Y-a-t-il plus beau que d’avoir à son bras un trésor qu’on pensait nous être interdit ? »

Pour mêler la confusion, il terminait sur cette pirouette, tournant son regard sur le front bombé de sa partenaire. Elle l’interpréterait comme une invitation, un pas de plus au jeu qu’il avait initié entre eux...En réalité, la vérité était inverse. C’était elle qui devait s’estimer heureuse d’obtenir son attention – bien que utile et stratégique- lui un être si déraisonnablement splendide. Il annihilait la concurrence.
L’attention de la brune se trouvait partiellement dérobée à son emprise, toute focalisée sur le lien étrange qui semblait se nouer entre elle et le conservateur, se confirmant sous couvert d’une phrase énigmatique qui rencontraient un écho en chacun d’eux.
« N’oubliez pas d’aller dans la lumière...car c’est au détour d’une ombre que nous attend le mal ».
La phrase s’enracina en lui, fondamentale tandis qu’il commentait :

- « Très juste… L’une des nombreuses raisons qui ont justifié le culte du soleil et ses nombreuses légendes »

Il le disait d’un ton badin, feignant n’avoir pas compris, pas vu, pas entendu le secret que liait cette phrase. Il la médita. Elle était belle, elle était trompeuse. Mensongère même. Comme lui. Le Mal se trouvait partout. Même à leurs côtés, n’est-ce pas ?
Plus qu’une conviction, la phrase proférée par Alexis lui avait semblé se trouver liée à bien d’autres points nébuleux encore pour eux. Ce devait être la phrase de ralliement de l’organisation...ou une suffisamment connue de la jeune femme mais si profondément liée à eux pour se révéler être la clef. Elle signifiait quelque chose qu’il ne comprenait pas encore. Qui lui était interdit encore, comme un voile opaque sur une vérité connue des autres, de Allard, Alexis, jusqu’aux serveurs…et au chauffeur qui n’en n’étaient pas…
Ils finirent par remonter l’ascenseur du hall, traces rouges dans le verre épuré des lieux, non sans avoir pris congés des quelques hôtes encore présents. L’ambassadeur, seul, lui dédia un regard morne, après avoir égrainé un mot d’adieu à Marie Smith. Lui qui pensait finir en apothéose terminait abandonné… Il aurait été stupide de demander à Erwin de le plaindre, il le méprisait, mais néanmoins trouva la situation fortement trépidante. Un joli revers dont l’autre se souviendrait…
Edward s’engouffra dans le taxi, Marie à sa suite. Et ce fut fini.
Toute l’atmosphère des lieux, l’ambiance, le bruit des rires, des tintements des verres et la richesse du décorum, cela...lui manquait déjà. Il se sentait toujours si profondément à l’aise lorsqu’il déambulait parmi les autres, sur le son d’une mélodie classique, exquise… Une partie de sa vie d’une certaine manière, si innée qu’il n’avait même pas vu le temps passer. Ni ressenti la difficulté. Il se sentait...presque sur sa faim à vrai dire.. Ne lui avait-on pas dit qu’ils voleraient des tableaux ? Visiblement la partie s’était jouée ailleurs, sous leurs pieds, ils n’avaient été que la distraction. Pressentiment lors du choix de son tableau, le sourire rogue du chauffeur le confirmait totalement. Oh d’une certaine manière, c’était bien joué. Il devinait les contours de l’opération sans en saisir les détails… Tournant la tête vers Alexis, il s’amusa hautement de l’air de liesse que traduisait son visage fardé. A l’en voir, il eut parût qu’elle avait conquis la Lune, elle qui n’avait jamais fait que se pavaner à son bras, jouant de ses relations pour approcher un tableau… Ce qui devait être le summum de l’action selon elle. Aussi, se contenta-t-il de sourire d’un air las, à son remerciement… Retenant bien évidement son envie de lui glisser que d’une certaine manière, il aurait tout aussi bien s’en sortir seul. Oh bien sûr, il n’aurait pas bénéficié de l’aide de Rochetti mais quoique...en ne le snobant pas mais en lui offrant quelques conseils précieux et la perspective de séduire pour lui une autre femme, peut-être aurait-il cédé de la même manière...
Il nota son hésitation, son tutoiement involontaire, le « vous » qu’elle finit par ressortir et la porte ouverte qu’elle laissait entrebâillée à son intention. Pour...voir, avec un degré d’espérance qui ne voulait pas se l’avouer et qu’elle réfrénait.

- « Je vous en prie, c’était tout naturel. J’ai fait du mieux que j’ai pu… Vous vous êtes aussi bien débrouillée »

Il avait pris le contre-pieds total de ses attentes et rêves, se contentant d’égrainer une sentence polie, serviable, dénuée de tout intérêt ou sous-entendu, fidèle à l’image qu’il lui offrait habituellement antérieurement à leur aventure du musée. Edward Smith redevenait Maître Erwin Dorian, aussi policé qu’elle l’avait connu et imaginé. Il croisa les jambes, négligemment cependant, s’amusant de ses yeux clos, fuyants dans leur introspection une confrontation qu’elle craignait, fermés au monde extérieur. Il lui laisserait ces secondes, ce repos presque joyeux, cette sensation du devoir accompli et d’exploit….
Lorsqu’elle consenti enfin à ouvrir les yeux, il avait dévié le visage, préférant sonder les mystères parisiens, une fois la lune haute, curieux des quartiers traversés, des éclairages divers, de la vie qui s’éveillait encore. Il finit par la regarder à nouveau, haussant les épaules quant à leur « détour », mimant l’indifférence lorsque sa curiosité s’activa, jusqu’à descendre à la dérobée sur la clef de Lys contenue dans la paume de Miss Child.
Se croyant « seule », elle se permettait d’observer en détail, le « cadeau » d’Allard auquel il dédia un vite coup d’oeil prompt. Il s’agissait d’une pièce sur lequel se trouvait gravé le trait fin d’un lys royal. Il l’avait deviné plus que vu, veillant à vite reporter ses yeux sur le paysage urbain, mais son statut, son ancien rang et cette fascination intrinsèque pour la royauté ne pouvait ni manquer ni se leurrer.
Une pièce rare. Une marque encore. Une organisation décidément bien puissante….
Le taxi faisait une halte justement devant un bâtiment de citadelle, dont l’écriteau sur la façade affirmait « Banque Zurichoise ». Une fausse adresse à n’en pas douter… Personne ne se déplaçait en banque à des heures si tardives….

- « Bien sûr… N’était-ce pas les consignes ? Je dois vous assister jusqu’au bout. Là où vous allez, je vais » répondit-il solennellement, bien plus proche du timbre et de la posture de Maître Dorian, rigide, presque guindée, néanmoins attitude cavalière et galante qu’elle ne pouvait que noter…même si sa seule curiosité dictait sa présence dans ses lieux inconnus encore à son passage.

Alexis avait sauté de la voiture et il avait suivi son rythme hâtif de peur que ne se referme sur lui les mystères de cet antre. Là il obtiendrait encore des indices, et les indices mèneraient à des pistes…
Ils traversèrent la cour, franchir le hall pour débarquer dans un hall sombre, non dépourvu d’un certain standing, large et spacieux aux murs bordés de banquette rétro d’un marron sombre et où la lumière filtrait à peine. Tranquillement, comme en terrain conquis, il observa du coin de l’œil Alexis se munir d’une clef où rutilait à nouveau une fleur de lys pour l’insérer dans une fente prévue à cet effet, activant instantanément l’ordinateur du réceptionniste.
Sans brocher toujours, comme sans entendre, il écouta au contraire « l’erreur » que se contenta de rectifier Alexis, maladroitement. « Child Taylor » avait-il dit…
Il ne pouvait pas s’agir d’une erreur de personne, elle avait remplacé quelqu’un. Restait à savoir qui. Une sœur restée dans le monde réel… Ou sa mère…. ? Ou alors, s’agissait-il de ses deux noms d’origine. Child...et Taylor. Elle avait pu prendre le nom de sa mère en arrivant à Storybrooke, mais les renseignements d’état civil qu’il détenait à son office ne permettait pas de lui en livrer le nom. Il pouvait s’agir de Taylor… Tout comme de Child. L’un ou l’autre, c’était égal. Child se trouvait être un nom des plus communs et Taylor, tout aussi associé qu’il pouvait l’être généralement à à la présidence des USA qu’avait exercé Fitzgeral Taylor, restait un nom de famille des plus ordinaires. Mais il suffisait de chercher. Creuser. Les dates, les concordances.
Bien évidement et comme il le pressentait, ils ne l’autoriseraient pas à franchir plus loin leurs secrets. Ils paraissaient organisés, puissants même, à la pointe de la technologie et pourtant… Il y avait quelque chose qui ne pouvait pas s’écrire en peu de siècles. Il songea à nouveau à l’indication fortuite du réceptionniste… A la gêne d’Alexis. Oui, il y avait là une piste idéale. Vers quoi, il l’ignorait encore. Mais il finirait par le savoir.
En attendant, il patienta, son index tapotant sa joue, tandis qu’il réfléchissait dans le hall, négligemment installé comme un riche client attendant son conseiller…
Elle finit par reparaître à nouveau, vaporeuse dans sa robe rouge, fragile pourtant, et ils repartirent non sans saluer l’employé avant de quitter les lieux. Contrairement à ce qu’elle pouvait en penser, la visite avait été instructive pour lui… Il avait engrangé un nombre considérable d’informations qui lui suffiraient de mettre en comparaison à la lumière de confidence… Et pour ce faire, quelle meilleure source d’information que celle qui partageait un taxi avec lui ? Il en était arrivé plusieurs fois à ces mêmes constatations lors de la soirée pour en arriver à la conclusion que la jeune femme se révélait être une mine d’or d’informations qui saurait...la manier. Sans compter qu’elle semblait si encline à s’y laisser prendre, elle qui restait encore prise dans cette sensation où il l’avait plongée légèrement par simple défi… Alors s’il l’y plongeait complètement. Elle ne disait rien… Visiblement mêlée de joie et de crainte, ses mains bougeaient nerveusement sur ses genoux et il ne fit rien pour ôter ce stress, prenant la peine de rester relativement silencieux lors du trajet, comme « revivant l’expérience du Louvre ».
A peine, se décida-t-il à lui sourire « gentiment » peu avant l’arrivée à l’hôtel :

- « En tout cas une belle réussite, non? » déclama-t-il purement jovial.

Il personnifiait à merveille l’innocence, un homme intrépide et surtout imprudent qui s’était lancé à coeur abattu dans une aventure qu’il ne maîtrisait pas et dont il « n’avait compris goutte ». Cette blague valait surtout pour leur chauffeur et ses mines satisfaites… Après tout, il ignorait à quel point l’organisation pouvait être renseignée sur son cas et il valait mieux qu’elle se contente d’une vision biaisée de lui-même, au risque de se faire passer pour plus naïf qu’il ne l’était. Quelle importance ? Au pire, cela révélait au moins son incroyable don pour la manipulation…
Il s’interrogeait sur la suite. Ils les avaient « mariés », ils ne pourraient en aucun cas balayer son existence de la vie de Marie si facilement… Et pourtant, comptaient-ils le rappeler ? Faire de lui un membre ?
Toutes ces questions, il les poserait. Mais l’heure n’était pas encore venue, non. L’heure se voulait à la distraction encore.
Le temps du trajet jusqu’à leur chambre, il conviendrait de rejouer la comédie et il renfila le costume d’Edward aussi prestement que comme s’il ne l’avait jamais quitté, laissant sa physionomie muter à nouveau d’une simple douceur à un sourire protecteur.
Son sourire se tordit néanmoins plus dans une nuance qui lui appartenait personnellement lorsqu'Alexis lui proposa de s’attarder au bar, pour boire un verre. Oh. Vraiment ? Cette proposition n’appartenait pas à la mission. Il le voyait à la seule manière dont les mots s’étaient pressés sur sa bouche, comme de peur de ne pouvoir les dire, aux légers muscles de son visage contractés soudain… Elle subissait son influence mais là instiguait seule ses propres travers et désirs.

- « Oui. Pourquoi pas... »

Il savait pertinemment ce qu’elle faisait sans s’en rendre compte, sans le vouloir presque mais qu’elle faisait tout de même, immuablement. Un moyen de le retenir. De retenir leur lien. Celui d’Edward et Marie et au-delà celui qu’elle croyait voir, celui qu’il lui avait fait miroiter dans un fatras de sourires et de sous-entendus. Et voilà qu’elle se trouvait encore si vulnérable…. Instigateur de ce jeu, il ne tenait qu’à lui d’y mettre fin. Mais à présent, qu’elle le réactivait malgré elle, il ne le faisait pas. Le laissant s’éterniser, cruellement, par une envie de voir, de tester….
Le serveur ayant précisé que compte-tenu de l’horaire, le bar n’était malheureusement pas accessible mais proposa aussi de leur livrer les boissons directement dans leur suite, il s’amusa grandement de la voir se satisfaire si promptement de la situation… Nul ne pouvait la condamner lorsque le ciel lui-même s’exaspérait de ne pas être à sa place… Et après tout, cela servait ses intérêts.

- « La même chose… Gin tonic à la violette et romarin… »

Un bon choix, assurément. Mais elle avait du goût. Pour cela, il ne pouvait pas nier qu’on l’avait doté d’une partenaire efficace pour l’occasion. Avec une garde-robe des plus parfaites fournie pour l’occasion certes mais au moins possédait-elle suffisamment de décence pour la porter sans vulgarité. Ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Parfois certaines, se retrouvaient vissées à leur physique une essence de vulgarité que même à grand coup de vêtements estampillés haute couture, elles ne parvenaient pas à se défaire de leur...manque de classe. Lena faisait partie de ces femmes, songea-t-il tandis que l’ascenseur accédait à leur étage. Elle possédait l’effarante capacité de transformer toute robe en étalage outrancier de grossièreté. Au moins, posséderait-elle à ses côtés, un individu suffisamment fade pour ne pas se tenir de son clinquant absurde… Quelle pitié.

Atteignant leur chambre d’hôtel, il laissa Alexis actionner la porte d’entrée puis, appuya sur les interrupteurs desservant les lumières les plus tamisées de la chambre. Bientôt presque manqua-t-il de buter sur Alexis lorsque celle-ci se figea, apercevant soudain, là, disposées sur le bureau de la suite, un immense bouquet de lys blanc se mêlant aux orchidées dans un savant mélange.
Oh. Ah oui, c’était vrai. C’était là.
Pour ainsi dire, il en avait presque oublié sa commande… mais elle tombait à pic ! Parfait… Et quel moyen plus efficace pour résumer l’intégralité de l’ensemble des enjeux ? La sonnette ayant retenti, il s’éloigna néanmoins presque à regret pour ouvrir au serveur qui rapportait le gin tonic. Avec un peu de chance, la sonnette avait coupé net la libraire dans son émerveillement, il aurait si dommage de rater cela
Et bien évidemment, son instinct lui donnait raison, car elle avançait vers lui, déjà pour récupérer son verre, qu’il lui tendit galamment, avec prestance. Elle le lui reprit, non sans effleurer involontairement sa main et il vit alors ses joues se colorer d’un rose soutenu, tandis que son regard osait se poser frêlement dans le sien. Quelle sensation cela pouvait-il être ? Il l’ignorait. Mais ne se trompait pas quant à la cause de son subit embarras. C’était lui. Évidemment. Forcément. Georgia aussi avait parfois ces tics ô combien passionnants à observer lorsqu’il la complimentait. Il était ainsi…. Son verre tinta contre celui d’Alexis, heurtant le sien dans un bruit cristallin mais il n’avait même pas dévié le regard. Son esprit se trouvait ailleurs, dans l’exacte phrase prononcée par la jeune femme…

- « A notre Victoire »

Oh vraiment ? Un sourire mesquin vint à naître sur ses lèvres, une nouvelle fois, comme frappé d’une évidence malveillante. Cela revenait à sonner le glas d’une issue qu’il adviendrait, comme une incitation malsaine à une envie, proche de celle qui l’avait étreint quelques heures plutôt au sein même du Louvre et qui lui revenait en tête à la volée. « Notre » Victoire ? Oh non, il n’y avait ni de partage ni de Victoire. cela serait SON avènement. Le sien. A lui seul. Plein et complet. On ne lui volerait rien ce soir. En revanche, lui obtiendrait tout. Tout ce qu’il pouvait désirer, n’était-il pas en mesure de l’obtenir ?

- « Oh non… A vous, seulement vous » murmura-t-il

Oui. Il pouvait avoir tout ce qu’il voulait. Que voulait-il ? Portant son verre à ses lèvres, il but une longue gorgée de gin, savourant la violette, le relevé du romarin. « Vraiment délicieux, n’est-ce pas ? »

Il arqua un sourcil moqueur puis la regarda s’éloigner de quelques pas, retourner vers le bouquet de fleurs, comme hypnotisée, toucher un pétale, de son doigt fin, la voix basse, le souffle-court. Et le plus risible se trouvait dans le fait que ce bouquet qui lui provoquait tant d’émoi, n’avait en rien une initiale visée personnelle. Et pourtant….
Elle était sous sa coupe. A sa merci.
Un constat net, sans anicroche ni doute. Toutes pouvaient l’être et toutes l’étaient. Mais il avait franchi les sentiers de son jeu, s’enfonçant plus loin qu’il n’était jamais allé. Et il s’avançait encore lentement, laissant son regard glisser sur sa silhouette.. Elle courbait un peu le dos, ployée vers le bouquet, le remerciant, encore et lorsqu'elle se releva, elle sembla sentir sa présence, son approche, jusqu’à rencontrer son regard dans l’éclat du miroir. Une lueur effrayée, implorante glissa dans ses yeux bleutés, comme une peur grisante, une fascination qu’elle ne pouvait retenir. Après tout… C’était comme regarder le Soleil. Sublime et douloureux à la fois.

- « Elles vous plaisent ? » murmura-t-il dans son dos, « Une intuition… »

Sans se presser, sans rompre le contact oculaire, il passa le bras droit non loin de son flanc pour déposer son verre vide sur le secrétaire, à côté du bouquet. Le verre claqua délicatement dans un bruit mat sur le bois. Elle s’était raidie à son geste et avait retenu sa respiration, comme une biche aux abois.
Alors, il pencha la tête, lorsqu’il ramena son bras, répétant doucement :

- «  Une intuition….et un hommage »

Sa main s’était posée sur son flanc, délicatement, et il sentit la finesse du tissu de soie de sa robe écarlate, comme un contact frais, agréable sous ses doigts, divulguant à peine la tension qui s’en échappait. Tout son corps semblait s’être électrifié à ce seul effleurement léger, et il eut en mémoire l’électricité mordante qui s’était dégagée de la paume de la brune à l’issue de leur danse. Dirigea la tête vers le miroir, contemplant leur reflet tanguant dans l’ombre et la lumière ; effectivement il pouvait convenir qu’elle avait su s’assortir à lui… Oh, pas au même niveau mais malgré tout. Cela justifiait en partie tout ceci. Victoire n’en déplaise.
Sa main glissa, l’enserrant tout à fait, tandis qu’il penchait la tête jusqu’à son cou. Il avait mis un point final à sa précédente mise en scène par ce point stratégique, quel meilleur moyen pour débuter celle-ci ? Ses lèvres charnues s’y posèrent, ressentant la chaleur frêle de sa peau, :

- «  Parce que… Indubitablement... » susurra-t-il sur son cou, suavement, suspendant son débit pour savourer l’émoi que ce seul contact saurait susciter. La proximité de leurs corps devait lui tourner la tête sûrement,.. réprimant un rire, il poursuivit : «vous êtes …. une femme de goût… Alexis…. »

Chaque lettre, chaque mot avait été prononcé à même la peau et le dernier, plus savamment asséné, comme le début d’un sortilège.. Il embrassa son cou. Moins légèrement que la première fois, où à peine ses lèvres n’avaient fait que l’effleurer, il s’insinua sur elle, comme une morsure cruelle mais superbe. Un jeu dangereux pour elle, jolie petite biche. Sa bouche remonta le long de son cou et il ne put s’empêcher de glisser un regard au miroir qui leur faisait face pour se repaître de leur image. Elle. Si blême, si pâle, si offerte presque. Et lui. Il aurait pu passer un siècle à s’admirer davantage, à se satisfaire, de sa posture si conquérante et versatile, à l’ombre qui agitait ses yeux d’or et la perfection qui animait ses traits. Oh, comment en douter… La force de sa puissance le frappait encore et son orgueil gonflait, à se mirer dans sa séduction.
Sa main droite glissa sur les épaules d’Alexis, pour l’encourager à pivoter entièrement vers lui. Et elle le fit. C’était cela ou tomber à genoux. La perspective était plaisante, délicieuse mais il préférait qu’elle garda encore ses efforts pour lui faire face encore. Plus que de le craindre, elle le réclamait et il n’était pas dupe.
Sa main gauche dans son dos, sa main droite vint effleurer lentement la joue rosée de la libraire, un frisson d’orgueil l’agitant à son contact brûlant.

- « Donnez-moi ça... »

Sa main droite récupéra le verre dans sa main, craignant qu’il ne finisse brisé pour le déposer derrière elle avant de reprendre sa position initiale. Sa main gauche n’avait pas quitté sa joue et du bout des doigts, d’un geste délicat et vaporeux, il obligea les contours de son menton à se soulever vers lui :

- « Maintenant, regardez-moi ! » C’était un ordre sans appel, lascif, cependant s’agaçant avec merveille de sa propension à baisser les yeux, fuir « vous avez suffisamment fuit mon regard. »

Qu’importait s’il la mortifiait, il voulait qu’elle le regarde. Qu’elle plonge, s’enfonce, s’enlise dans les méandres de son introspection. Les lampes de la chambre projetaient des lueurs, des mouvances de lumière sur son visage, l’éclairant, partiellement, mélangeant l’ombre et la lumière, dans une illustration parfaite.
Le brasier doré de ses yeux s’immisça dans ceux aussi flous que les vagues, provoquant son émerveillement et sa chute. Il la sentait succomber et sa main vint se perdre dans sa chevelure châtaine ondulée avant de venir l’enlacer son visage. Leurs corps se touchaient presque et il sentait la rougeur gagner la peau pale et délicate de sa proie. Alexis, l’impertinence de ses traits, la rougeur de ses lèvres.

- « Vous le savez, n'est-ce pas?... » proféra-t-il sans dévier le regard « c’est grâce aux autres non pareils qui tout au fond du ciel flamboient que mes yeux consumés ne voient que des souvenirs de soleil »

Un mensonge, un beau mensonge. Mais pour elle une vérité. Une vérité puissante qui montait en elle, jusqu’à l’étouffement, jusqu’à la chute. Elle était tombée amoureuse du Soleil. Et le Soleil voulait comme offrande son être tout entier
Alors, lentement, doucement, il se pencha vers ses lèvres pour y distiller un délicieux venin, une morsure cruelle mais superbe.

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2020-09-18, 22:46 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Paris, je m'ennuie de toi, mon vieux.
On se retrouvera tous les deux,
Mon grand Paris.


J'avais tourné la tête brusquement vers lui lorsqu’il avait commandé la même chose que moi. C’était généralement le choix dangereux que je détestais, surtout sur un choix aussi particulier. Il y avait un pourcentage énorme qu’il n’eût jusqu’alors jamais goûté et qu’il se laissait tenter par ma proposition. Cette supposition me semblait d’autant plus juste du ton qu’il avait employé à sa commande. Oui, j’avais horreur de ça. Ça me gênait au plus haut point même si je me contentais généralement de sourire poliment, voire de façon complice comme pour appuyer cette connivence que l’autre essayait d’instaurer avec moi. Cette fois n’échappa pas à la règle et je targuai Erwin du même sourire. Pourtant, au fond de moi, j’étais au plus mal. Je savais que lorsqu’il était question de goûts et de couleurs, les avis étaient bien souvent plus que partagé et j’avais toujours cette peur atroce de décevoir quelqu’un, de l’avoir poussé à la consommation de quelque chose qu’il n’aimerait pas et qu’il payerait pourtant. Ce n'était pas vraiment applicable à notre situation mais il n’en restait pas moins que cette pensée était toujours présente en moi. Ça m’avait d’autant plus surpris que j’avais imaginé le notaire avec quelque chose de plus classique comme un bourbon ou un cognac mais il m’avait suffi de poser mon regard sur sa tenue pour me rappeler qu’il était sans doute plus excentrique que l’idée que je m’en faisais. Le souvenir de la violette m’était aussi revenu en mémoire en voyant le barman récupérer la bouteille de sirop tandis que je me détournais pour aller aux ascenseurs. Il était vrai que nous avions un point commun sur le goût de cette petite fleur, il me l’avait spécifié lorsque j’étais allée à son office.

Il m’avait d’ailleurs rassuré malgré lui quelques minutes plus tard lorsqu’il apprécia à voix haute le goût du liquide étrange que je lui avais présenté. Au moins n’avait-il pas perdu son temps. J’avais souris d’un air entendu en buvant une gorgée du mien. Si le sucre de la violette et la fraicheur du romarin avaient éveillés mes sens, c’était bien le gin et le pétillant du tonic qui m’avait permis de ne pas flancher face au bouquet vers lequel je me tournais alors. C’était comme si en un instant, je m’étais perdue à travers l’espace et le temps en un regard vers ces fleurs d’une blancheur éclatante. Aspirée, hypnotisée et vulnérable. Si vulnérable que je lui livrais cette information dérisoire dans un souffle. Je n’avais pas répondu à sa question. Il voulait savoir si elles me plaisaient, tout mon être ne répondait déjà pas à cette question de façon si évidente ? Les yeux posés sur le bouquet, l’index effleurant un pétale. Il avait parlé d’intuition. Se pouvait-il qui lisait en moi comme dans un livre ouvert ? Se pouvait-ils que nos regards que je craignais tant nous permettait tant à l’un qu’à l’autre de percevoir l’âme derrière le mouvement ? Je n’y voyais qu’ombre pourtant et la situation était donc loin d’être rassurante. Je l’avais remerciée, presque malgré moi, ne parvenant pas à comprendre à quel moment il avait pu commander un tel bouquet. C’était absurde de se poser cette question dans un moment pareil, comme si elle était la dernière raison qui me restait avant de basculer dans l’irréel. Je ne l’avais pourtant pas posée, sachant qu’elle était inutile. Je l’avais laissé seul bien des fois depuis nos retrouvailles à Paris, il aurait pu le faire à n’importe lequel de ces moments...

J’étais restée si bloquée sur la beauté des fleurs que je ne l’avais pas senti s’approcher autant de moi. Lentement, le souffle court, la gorge sèche, j’avais alors relevé mes yeux jusqu’aux siens, à travers le reflet du miroir... Il venait de parler d’hommage et j’avais dégluti. Mon corps s’était raidit instantanément lorsque j’avais senti sa main passer à côté de mon flanc. Mes yeux n’avaient pas quitté les siens et mon verre s’était posé sur mes lèvres comme par automatisme. J'avais pris une nouvelle gorgée de courage tandis que ses paroles raisonnaient dans ma tête. Un “hommage”... un hommage à quoi ? Le son de son verre m’avait brusquement ramené à la réalité et j’avais jeté un rapide coup d’œil au secrétaire pour confirmer mon soupçon. Son verre était vide. Il l’avait bu à une vitesse si impressionnante que mon cœur s’était mis à battre plus vite. Il n’y avait pas une multitude de raison qui expliquaient une telle célérité. Il n’y en avait que cinq et tandis que je l’observais toujours, je m’étais mise à les lister pour tenter d’oublier que sa main était désormais posée sur mon flanc, le tissu de soie de ma robe comme dernier rempart. Il y avait l’ennui, l’envie d’en finir au plus vite sur une soirée décevante et qui ne s’appliquait qu’à un verre pris chez quelqu’un, dans un bar ou dans tout endroit qu’une personne voulait quitter, ce qui n’était forcément pas le cas de cette chambre. Il y avait la peur. Boire donnait l’impression dérisoire de se gonfler de hardiesse. Il semblait si confiant en cet instant qu’il ne semblait pas avoir besoin d’une quelconque dose de courage. Il y avait l’alcoolisme bien sûr mais il me semblait évident que je pouvais écarter ce choix. Le désespoir et la tristesse mais je l’avais refusé avec une égale célérité et enfin... le plus probable de tous. L’empressement. Cette envie de passer à autre chose. Autre chose de plus sérieux ou de plus... engageant.

La liste était déjà finie et je ne pouvais plus ignorer cette main qui s’insinuait encore plus sur mon corps. J’étais électrisée par le contact tant qu’il m’avait fallu me concentrer sur autre chose, effrayée à l’idée de reproduire ce qu’il s’était passé au Louvre. Effrayée de faire du mal. Terrorisée en revanche de ce qui m’arrivait. Je pouvais presque voir mon visage blême, mes yeux écarquillés, toujours rivés sur l’homme dans mon dos. J’avais voulu poser la question mais elle était restée bloquée en moi. Mes yeux cependant la traduisaient si bien qu’il n’était pas difficile de la lire “mais qu’est-ce que vous faîtes ?”. Mais qu’est-ce qu’ON faisait ? C’était comme si la vérité m’éclatait enfin au visage, comme si elle n’avait été qu’un liquide glacé qui me recouvrait désormais des pieds à la tête. Peut-être était-ce la raison de mes frissons ? Il n’y avait plus de jeu. Il n’y en avait jamais vraiment eu. Ou plutôt non. Il y avait eu un jeu sous le jeu que nous devions jouer, une couche plus maligne sous le vernis. Je l’avais bien perçue et peut-être aurais-je pu m’en sentir triomphante si je n’avais pas aussi peur de ce qui était en train de m’arriver. Mais étais-ce, seulement la peur ? J’avais posé vivement ma main sur la sienne, celle qui gagnait du terrain sur mon corps afin de le conquérir tout entier. J’avais envoyé mes propres forces pour repousser l’ennemi mais il avait semblé qu’à mi-chemin, au milieu du no man’s land, mes soldats avaient reconnus les siens et qu’ils avaient eu le droit à un laisser-passer malgré moi. Bien de mes doigts s’étaient violemment cramponnés aux siens dans le but de le faire lâcher prise, ma force s’était muée en caresse soumise, vaincue par l’offensive à la seconde où j’avais senti son souffle effleurer mon cou. J’avais détourné le regard à l’opposé de son visage lui laissant encore plus percevoir ma peau tandis que j’exhalais un soupir de surprise et d’impuissance. Ma main accompagnait désormais presque la sienne, embrassant son mouvement.

Il me décrivait alors comme une femme de goût et je ne voyais pas vraiment où il voulait en venir. C’était les fleurs qui lui avaient fait cet effet ? Ou la violette ? Je n’avais pas eu l’impression que nous avions tant parlé de... et puis est-ce que je m’en foutais ? Présentement, oui, totalement. Et tenter de m’émanciper par la pensée de tout cela ne menait à rien. C’était une bataille à mener de front. Il fallait que je le stoppe. Il fallait qu’il arrête... qu’ON arrête...

- Hhh

J’avais inspiré brusquement, de façon si saccadée sous le coup de son baiser. J’avais espéré que ce soupir n’avait pas été trop bruyant mais je ne pouvais plus en être certaine. Cette fois, il avait été allé bien plus loin dans l’offensive, ses lèvres n’avaient pas fait que m’effleurer, elles avaient pris pleinement la peau de ma gorge et mon souffle s’était coupé instantanément. Je sentais sa bouche maudite remonter lentement le long de mon cou. Sous l’impulsion, j’avais mordu ma lèvre inférieure, refreinant de justesse un gémissement. J’avais alors brusquement tiré ma tête vers la gauche, tentant de le fuir plus férocement. Prenant appui sur sa main avec la mienne pour me dégager de son emprise, je manquais de perdre l’équilibre au moment où il la retira brusquement de mon flanc, la remontant pour la poser sur mon épaule droite. La pression qu’il mit dans son geste me poussa à lui faire face. Avais-je réellement une autre option ? J’avais un secrétaire qui m’empêchait la fuite en avant et maintenant en arrière et il était bien trop proche de moi pour que je ne puisse qu’espérer esquisser un véritable départ. Et pourtant, j’avais cet horrible sentiment au fond de moi car malgré ce que mon cœur espérait et mon corps suppliait, ma tête me raisonnait : je ne devais pas. C’était dangereux, bien trop dangereux et douloureux pour oser s’avancer sur cette voie.

- On ne...
- Donnez-moi ça...

J’avais tenté de stopper la situation, la gorge sèche mais son ordre, de sa voix claire et puissante comparée à la mienne, m’avait coupé dans ma volonté. Je n’arrivais même plus véritablement à comprendre de quoi il me parlait quand soudain ma main gauche reçu un choc à laquelle elle tenta de résister malgré moi. Je baissais les yeux pour m’apercevoir que tandis que ma main libre avait tenté maladroitement et sans réelle conviction de le stopper, la gauche s’était agrippée au verre que je tenais toujours comme un noyé à une bouée. Les jointures de mes doigts étaient si blanches qu’il menaçait d’exploser dans ma main à tout moment. J’avais alors lâché prise, le laissant récupérer mon verre pour le poser à côté du sien. Je ressentais tout au centuple. Sa main dans mon dos, celle sur ma joue. J’avais dégluti, roulant des yeux vers la porte de la chambre, il n’était pas encore trop tard pour tout arrêter radicalement, pour le fuir. Lui. Ses yeux. Ses mains. Ses lèvres.

- Maintenant, regardez-moi !

L’ordre avait été si puissant, si lascif en même temps de par son ton et le geste si doux que le choc de toutes ces actions contradictoires m’avait fait obéir sans broncher. Je n’avais pas l’habitude d’être si docile. J’étais bien plus dans le refus, le questionnement, l’alternative. Mais en cet instant précis, je n’étais rien d’autre que subjuguée et j’eût presque l’impression que j’allais mourir là, lorsque le bleu de mes yeux croisa de nouveau l’ambroisie des siens. Mourir et renaître en même temps. Je percevais toujours les ténèbres au fond des prunelles mais j’observais également le feu à présent. Le feu qui ne l’avait jusqu’alors pas réellement animé et qui maintenant brûlait de façon impitoyable. Il s’amusait du fait que je fuyais son regard tout en ayant une sorte d’agacement que je comprenais. Il était temps d’assumer. Il était temps d’aller de l’avant. Dans un sens comme dans l’autre. Il était temps de tout arrêter. Ou de tout empirer.

Oui, c’était comme si en un instant, je m’étais perdue à travers l’espace et le temps en un regard vers ces yeux aussi plaisants que démoniaques. J'avais voulu fermer les miens en sentant sa main se glisser dans mes cheveux. Ses iris avaient vrillé sur l’effet de la baisse de tension qu’avaient subi les lumières de la chambre. Je ne l’avais même pas remarqué, ne croyais qu’à un sortilège, à un effet de ses yeux, plus que de mon propre chef. Cela avait été furtif et pourtant visible, les lumières avaient manqué de s’éteindre avant de reprendre leur puissance. Le bout de ma langue était passé sur mes lèvres, rapidement, comme pour les humidifier, tenter de retrouver un souffle que je n’avais plus, une prestance disparue.

- Ce n’est pas bien, il faut arrêter ça...

Ça n’avait pas été plus grand qu’un murmure. Une timidité, évidente, un manque de conviction. Une volonté de ma tête de faire entendre la raison, mais bien trop étouffée par mon corps et mon cœur pour avoir une véritable voix.

- Vous le savez, n'est-ce pas ?... C’est grâce aux astres non pareils qui tout au fond du ciel flamboient que mes yeux consumés ne voient que des souvenirs de soleil.

Bien sûr que je le savais. Je le savais désormais depuis plusieurs heures. Et il citait Baudelaire. Un prélude au malheur qui m’attendait. Y avait-il amoureux de la chair et de l’amour plus déprimé que l’était Baudelaire ? Il en avait connu toute la douleur, tous les supplices avant d’espérer une part de bonheur, même infime. C’était ce qui m’attendait. A n’en pas douter. Mais je l’ignorais. J'avais toujours été fascinée par la vision de Baudelaire, connaissant et reconnaissant ses poèmes parmi tant d’autres. J'avais été fascinée par cette douleur que je connaissais à chaque fois que j’offrais mon cœur et contre laquelle je tentais constamment de me protéger en refusant. Et pourtant, au fond de moi je savais que jamais encore je n’avais goûté à la profondeur abyssale des maux qu’il décrivait. J'ignorais encore en cet instant précis que l'ambroisie en face de moi saurait me les faire découvrir. Comme Icare volant trop prêt du Soleil. Il m’avait touché une nouvelle fois en plein cœur, j’avais presque entendu le bruit écœurant de la flèche pénétrer la chair. Comme pouvait-il connaître tout de mes goûts sans que jamais je ne lui laisse la possibilité d’entrouvrir la porte de ce jardin secret ? C’était comme si à chaque instant, il me prouvait un peu plus qu’il me comprenait. Qu’il était comme moi. Que je n’étais pas seule. Et chaque seconde un peu plus, je m’éloignais de la terrible vérité qui se reflétait dans le miroir que j’avais dos à moi : jamais je ne serai aussi seule.

En vain j'ai voulu de l'espace
Trouver la fin et le milieu ;
Sous je ne sais quel oeil de feu
Je sens mon aile qui se casse ;

C’était comme si j’étais sortie de mon corps à cet instant. J’avais vu la fin inexorable et je l’avais observer s’approcher de moi, tétanisée, mes yeux se remplissant de larmes que je ne savais expliquer. Nos lèvres s’étaient alors effleurées et touchées franchement et c’est à cet instant que j’avais fermé les yeux et...

BAM !

J’avais étouffé la douleur fulgurante qui m’avait frappé dans le bas du dos en gardant les lèvres closes, la mâchoire serrée, les dents soudées les unes aux autres prête à les faire exploser sous la pression. C’était si douloureux, que les larmes qui étaient montés en moi avaient coulées. Juste deux larmes, rien de plus, que j’avais écrasé d’un revers de main. Les yeux rivés sur le lit, je tentais de me concentrer pour éviter d’hurler tous les jurons qui me venait en tête. C’était fou comme ça faisait mal. Comme à chaque fois, j’avais paniqué. La pression était devenue trop forte, la vague de désir qui était monté en moi avait manqué d’exploser et je m’étais reculé si brusquement qu’il n’avait pas pu me retenir. Mon corps était venu s’écraser violemment contre le secrétaire et le vase avait manqué de tomber sous le coup. Je l’avais rattrapé de justesse d’une main dans la centième de seconde où la douleur n’avait pas encore explosé en moi. Me reprenant, je m’étais redressée en déglutissant, ne lui accordant aucun regard, posant mes yeux haineux sur le bouquet.

Poule mouillée.

Je l’avais presque entendu distinctement dans ma tête tandis que je reposais le vase d’un air rageur sur le bureau. Pas maintenant. Il n’avait pas le droit.

Et pourtant il avait raison. Je n’avais été qu’une poule mouillée depuis que j’étais en âge de tomber amoureuse. Paris. C’était une promesse. C’était nous. Et ce bouquet me rappelait exactement tout ce qu’il n’était pas. Il m’avait aimé profondément. Avec toute la simplicité que j’avais. Une rose de glace. C’était constamment cela. Une rose de glace. Pas un bouquet. Une fleur unique. Il avait été là à un moment de ma vie pour me montrer que je pouvais exister, que lui me voyait, telle que j’étais. Parfaite à ses yeux. Et je le voyais. Tel qu’il était. Parfait aux miens. C’était l’époque de la jeunesse, du début de ma vingtaine, l’âge adulte encore teinté d’adolescence. Ce moment où on avait besoin de se sentir vivant. Et puis il était parti. Et j’avais regretté. J’avais regretté de l’avoir autant repoussé, d’avoir refusé mon bonheur autant de temps. Si j’avais été moins stupide j’aurais eu plus d’un an...

- On arrête.

Mon ton avait été aussi tranchant qu’une lame. C’était bien la première fois que j’étais aussi déterminée depuis que nous nous connaissions. Il n’y avait pas de doute possible, pas d’hésitation. J'avais pris la décision brusquement, comme on attrape de justesse une ultime bouée en se sachant perdu, au milieu de la tempête. La bouée nous permettait alors de rester à flot, de reprendre son souffle, mais pas longtemps. Elle nous permettait juste de voir la mort, inéluctable, nous fondre dessus. Que pouvait faire une bouée face à la tempête ? J’avais tiré mes cheveux en arrière de mes deux mains, me rendant compte que je tremblais de colère et de frustration. D’un geste vif du pied, j’avais enlevé ma première chaussure, puis la seconde avant d’amorcer un départ vers la salle de bain.

Poule mouillée.

Je m’étais stoppée net, m’observant dans le miroir, les joues rosies, l’air bouleversé. Il avait raison. Une fois de plus je fuyais. Je n’avais plus eu de véritable relation depuis Jack. Pas depuis 2 ans. Deux ans de célibat digne d’un véritable retrait au couvent où je m’étais fermée tant à l’amour qu’à la sexualité. J’avais eu une ou deux occasions, j’avais cru pouvoir jouer avant que mon cœur, mon corps et ma tête me rappelait que je n’étais pas intéressée. C’était bien la première fois depuis tout cela que mon cœur et mon corps s’était scindé de la partie et ma pauvre tête, cette rabat-joie, avait été mise en sourdine. Et comme une poule mouillée, je fuyais. J’aurais eu plus d’un an si je n’avais pas été si stupide à courir avec Jack. Combien aurais-je de plus ce soir si j’arrêtais de me voiler la face ? J’avais dégluti avant de couler un regard vers lui, tournant légèrement la tête. J’en avais envie. Oui. Je me l’avouais pleinement. Mais en avait-il autant envie ? Et si ce n’était qu’un jeu ? C’était pourtant lui qui l’avait amorcé. Et même si c’était qu’un jeu, était-ce si dramatique ? Il n’y avait aucune honte dans un consentement. Mon regard avait continué sa course jusqu’au bouquet.


J’avais grandi. Ce n’était plus une seule rose. Je n’avais plus besoin de me trouver, de me voir comme une unicité dans ce monde. Le Temps avait eu raison de moi. Et j’avais mûrit. C’était une autre façon de me voir qu’on m’offrait aujourd’hui où l’unicité de mon être restait le bouquet mais où la multitude de fleurs appelait à différentes facettes d’un même tout. La puissance de ce bouquet. L’élégance. Je n’étais plus une jeune fille. J'étais une femme et ce soir, il était celui que le destin avait choisi de placer sur ma route pour me le faire comprendre.

Lentement, je m’étais tournée vers lui, le cœur battant, le jaugeant du regard, ne cherchant plus à baisser les yeux. Et comme pour répondre à ce qu’il avait amorcé, j’avais repris d’une voix douce, avec bien moins de fatalité dans l’esprit :

- En vain j'ai voulu de l'espace, trouver la fin et le milieu...

Je m’étais avancé vers lui, lentement, prenant pleinement conscience de ce que je faisais, de ce que je décidais. L’épaisse moquette s’affaissait sous mes pas tandis que je lui faisais face, l’observant toujours. Je m’étais stoppé à quelques centimètres de lui, nos corps se touchant presque, tandis que je relevais la tête pour observer ses yeux. Il n’avait plus besoin de me forcer à le regarder, mon cœur et mon corps avaient menotté mon esprit et désormais, je ne voulais plus fuir.

- Sous je ne sais quel œil de feu...

Je l’avais presque chuchoté, levant ma main droite vers son visage, posant mon index et mon majeur à la commissure de son œil, cet œil doré et enflammé. D’un geste vaporeux, le frôlant plus que le touchant, j’avais glissé mes doigts vers sa tempe, descendant ensuite lentement mon geste sur l’os de sa mâchoire inférieure, carrée et si bien dessinée. Mon autre main était remontée le long de son dos, tandis que je m’approchais encore de lui, nos corps se touchant enfin. Je constatais que s’il m’avait électrisé je n’avais pas à rougir de ne pas lui faire le même effet. Il semblait aussi enclin que moi à ce qui nous arrivait, tandis que mon index glissait avec douceur sur ses lèvres. Mon autre main était désormais sur sa nuque que je caressais du bout des doigts. Mes lèvres s’étaient à son tour posées sur son cou, de façon beaucoup plus frontale et j’y déposais un baiser tout en chuchotant suavement :

- Je sens...

Mes lèvres avaient glissé sur sa peau, remontant sur sa mâchoire. Mes doigts étaient passés de sa nuque lentement à la racine de ses cheveux d’un noir de jais, bouclés. Comme une brise légère, j’avais fait glisser mes doigts vers le milieu de son crâne.

- … mon aile...

Ma seconde main avait quitté ses lèvres pour rejoindre la première dans ses cheveux, mes yeux étaient de nouveau à présent plongés dans les siens tandis que je me relevais légèrement sur la pointe des pieds, nos lèvres à quelques centimètres les unes des autres. Mon cœur battait désormais si fort que j’eus l’impression qu’il pouvait exploser. Mais c’était trop tard, j’étais prise au piège, déterminée par mon propre esprit dans ce jeu qui pourrait causer ma perte. C’était inévitable, inéluctable, j’avais lâché le dernier mot dans un souffle presque plaintif tant le désir se faisait attendre :

- … qui...

… se brise.
Je ne terminais jamais ma phrase, mes lèvres s’étaient posées sur les siennes avec une fougue nouvelle, plus puissante que la douceur dont il avait fait preuve. Fini de jouer, mes mains se perdaient dans ses cheveux tandis que mes baisers s’intensifiait à mesure que la passion... me consumait.


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Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »

Erwin Dorian

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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)

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________________________________________ 2020-09-22, 23:03 « If the crown should fit, then how can I refuse? »





Il fait gronder sur eux son tonnerre éclatant


Erwin Dorian & Alexis Child



Il est vrai qu’il avait commandé sa boisson comme à l’emporte-pièce, du ton désintéressé qu’il avait habituellement lorsque la question ne l’intéressait que peu. A vrai dire, il encourageait surtout ce que cachait la commande aux yeux de sa partenaire du soir et cela se trouvait être bien suffisant à ses yeux. Un gin tonic aromatisé à la violette et au romarin, effectivement, il n’y avait jamais goûté mais c’était bien mal le connaître que de s’étonner qu’il s’y tente.
Maître Dorian, professionnellement paraissait un homme des plus classiques mais Preminger était suffisamment fantasque pour se jeter sur tous les mélanges curieux qui pouvaient être proposés dans le seul but de faire original et raffiné, dans le même temps. Et la proposition réelle comme métaphorique servie par Alexis le tentait donc.
Il savourait ses gorgées, rapides, remplies de violette dont il raffolait tant, mué par une soif autre dont sa vanité était maître.
Si vite, néanmoins, qu’il vint rapidement à reposer le verre, vide, sur le secrétaire, pour vaquer à une autre préoccupation, regrettant néanmoins de ne pas s’être fait livrer une bouteille entière. Il ne possédait pas une consommation excessive d’alcool mais appréciait les liqueurs surtout lorsque la situation s’y prêtait. Cela aiderait sûrement la jeune femme à se désinhiber de ses effrois.
Sa main gagnait du terrain, bien que parfaitement respectueuse et il sentit subitement ses doigts, à elle, s’y superposer. Pour l’en déloger sûrement. Mais, il l’avait pris de vitesse, glissant sa bouche dans les creux de son cou. Tant et si bien que l’étau de ses doigts se mua en caresse, en invitation même.
Une invitation qui la perdrait.
Un rictus parsema les baisers qu’il déposait dans son cou, un sentiment de conquête, d’évidence même gagnant son enthousiasme. Sa proie était facile. Aisée. Mais cela n’enlevait rien au réel délice de la séduction et au plaisir de sentir, de ressentir l’ensemble de ses émotions virevoltant autour de lui comme des mirages évanescents, cristallisés comme chacun des souhaits et détresses. Des appels au secours. Les flashs d’un phare dans un brouillard épais dont seule la nuit était spectatrice. Sans réellement se débattre. Il s’agissait bien plus d’un éveil à une vérité aveuglante qu’elle avait refusé, se gardant bien de la regarder en face. Mais au grand dam de l’esprit de sa victime, Preminger avait toujours parfaitement su et savait encore manier, manipuler les émotions humaines à son unique profit. Plus encore, pour sa propre satisfaction. Ses lèvres se pressèrent encore, et il la sentit contre lui, trembler dans un long soupir concupiscent qui sonnait sa défaite. Elle avait tenté de l’étouffer, s’agrippant à sa main, dans un geste désespéré mais il l’avait perçu bien plus qu’il ne l’avait entendu et son orgueil s’en était repu, le poussant à prolonger avidement son contact.
Elle tenta pourtant de s’extirper, comme si son abandon à peine contrôlé l’avait subitement effrayée, le forçant à la faire vivement pivoter vers lui, menottant ses issues, brisant ses échappatoires. Il la tenait. Il la voulait et il l’aurait.

S’emparant de son verre, il bloqua toute supplication inutile de sa part, se gardant bien de relever l’absurde : « On ». Aucun « On » ne tenait. Il n’y avait et n’y aurait toujours que lui. Mais naïvement s’incluait-elle dans cette faute, dans ce stratagème qu’il avait orchestré. Parfait. Il voulait qu’elle le croie. Qu’elle pense même que tout arrivait par sa faute à elle. Parce sa supposée séduction d’abord puis parce qu’elle cédait, parce qu’elle admettait. Au final, seule elle tombait, lui ne faisait que ramasser, prendre, obtenir ce qu’on lui tendait, ce qu’on lui offrait avec pleurs et espoirs. Il s’en saisirait comme il s’était saisit de bien d’autres choses puis aviserait ensuite. Sa paume caressait, lui caressait la joue, tandis que son autre main s’emparait de son verre, faisant fi de sa résistance. Bientôt…

Sa main leva son menton, encourageant ses yeux à croiser les siens. Oh, il ne pouvait que savoir à quel point le contact de ses derniers pouvait brûler, écorcher, séduire et porter au supplice ceux qui s’y perdaient. Sûrement était-ce comme flamber dans la providence, un plaisir qui lui serait pour toujours qu’atténué, ne se voyant qu’au travers d’une vitre de glace. Mais ô combien son corps entier, taillé pour l’admiration et l’envie, résonnait de puissance lorsqu’il s’agissait de contempler son pouvoir. Parce qu’il était un piège, un superbe trompe l’oeil. Fascinant, obsédant, mortel parfois. Ses exigences et désirs ne souffraient les refus, inexistants d’ailleurs, et il se gargarisait de voir ses ordres exécutés.
Tout comme elle se gardait bien de le contredire.
Il lui avait intimé de le regarder et la voir s’exécuter si docilement faisait croître en lui un satisfaisant sentiment de domination, une envie qui le poussait à hâter, à s’emparer plus vite de tout ce qu’il pouvait avoir. D’autant qu’il lisait sans peine, dans le fond de ses yeux, comme un filtre clair sur elle-même, son désarroi, sa peur, sa perte de contrôle aussi.

La lumière vacilla soudain et il ne cilla même pas devant l’émanation du propre pouvoir de la jeune femme, s’en estimant flatté. Elle avait déjà perdu le contrôle et il n’y avait rien de plus grisant que de considérer qu’il rendait la rendait folle au point de la rendre instable. C’était parfait. Ses longs doigts bagués se frayèrent un chemin dans les mèches souples et brunes. ; Peut-être ferait-elle disjoncter l’hôtel ? Quelle merveille ! Quelle merveille que de pouvoir mesurer l’étendue d’une magie en en étant la cause… Nullement, il s’imaginait victime, N’était-il pas un être doré, un phœnix, une divinité sans emprise sur la vie ou la mort ? D’ordinaire, il craignait la mort. Pas en cet instant précis où son orgueil atteignait des sommets. Presque aurait-il précipité les choses, pour le simple plaisir de la voir encore s’enfoncer dans cette infinité de lumière qui bordait les abysses.
Il avait suivi le mouvement de sa langue, écouté sa voix, à peine plus haute qu’un murmure plaider, demander grâce, sans réel inspiration lorsque tout en elle n’aspirait qu’à se rendre. Alors pourquoi lutter ?

- « Oh...voyons...Ma très chère...Pourquoi serait-ce mal ? » interrogea-t-il doucereusement, les mains toujours dans ses cheveux. « Quelque chose vous retient-il ? Ou quelqu’un ? »

A vrai dire, il savait tout d’elle et si peu. Il ne savait que ce qui l’intéressait et cela se résumait au mystère de son affiliation biologique, son adoption par Regina, sa possession d’un animal mythique domestique et ses liens privilégiés avec le divin… Pour le reste…détails.
Peut-être possédait-elle à Storybrooke quelque petit ami sans intérêt que son esprit refusait d’occulter complètement. Il ne savait pas. S’en fichait à vrai dire. Au plus s’en serait-il plus amusé encore. Personne n’avait de chance face à lui et l’éclat flamboyant de sa prestance terrassait les environs sans peine. Qu’importait les atermoiements, il ne lui laisserait aucune chance. Preuve en était l’endroit où elle se trouvait actuellement. Qu’il l’embrasse seulement et elle serait vaincue. Car elle volait ne lui en déplaise aveuglée par sa lueur, indifférente aux ombres trompeuses que cachaient ses contours solaires.

Icare se trouvait dans ses bras, prête. Il n’y avait qu’à sceller le reste.

BAM

Preminger avait cligné des yeux, décontenancé, rivé sur le secrétaire, puis sur Alexis, dont le corps et les lèvres se trouvaient subitement hors d’atteinte. Sur les deux larmes qui coulaient sur ses joues rouges. L’impact avait causé la douleur. Ou plutôt ses sentiments.
Pauvre enfant… En voulant se soustraire à son étreinte, en rompant le baiser dont il n’avait qu’à peine pu goûter les premières saveurs, elle s’était doublement blessée. Comme le Sort était cruel, n’est-ce pas, très chère ?
A l’avenir, cela la décourageait sûrement de toute tentative hasardeuse de repli. Presque en aurait-il secoué la tête, moqueusement.

- « Mais que faites-vous, donc ? »

Cela sonnait comme une sorte de gronderie bénigne, plus amusée que surprise. La frustration qu’il avait ressenti lorsque son corps s’était soustrait au sien s’estompait déjà.
Ce n’était que différé. Différer l’inexorable le rendait parfois plus trépidant… Alors si elle désirait prolonger sa résistance, soit. Cela lui donnait après tout, un air de renarde effarouchée, particulièrement attractif, songea-t-il en glissant son regard sur sa silhouette, le ramenant sur son visage, sur ses larmes. Elles étaient son œuvre, il en était persuadé. Une matérialisation parfaite de ce qu’il pouvait représenter pour autrui. Tout. Beauté. Douleur. Passion. Souffrance. Abnégation. Ses yeux flambèrent et il s’apprêtait en un pas à reprendre ce qu’il avait initié, lorsqu’elle ouvrit la bouche, après un regard pour le bouquet, plus sèche qu’auparavant, comme changée en un seul instant de lucidité.

- « On arrête »

L’affirmation dans un autre contexte aurait prêté à sourire, mais là, proclamée à cet instant, sur ce ton, elle n’arracha qu’une grimace haineuse à l’ancien conseiller. Sans y croire encore pourtant, tant tout ceci lui semblait...improbable.
Etait-elle sérieuse ? Pour qui se prenait-elle ? Pensait-elle décider ce qu’il adviendrait ou non ? Fort heureusement, elle était bien trop occupée pour prendre attention à l’expression qui naquit sur son visage et qu’il aperçu se refléter dans le miroir… Se dominer lui demanda une concentration optimale pour faire disparaître de son visage la colère sourde qui montait en lui, éclipsant son désir, le changeant en frustration. Ses oreilles bourdonnaient. Pardon ? Comment ? Hors de question. N’était pas née et ne naîtrait jamais la personne qui pourrait lui refuser quoique ce soit. Encore moins ça. Encore moins ce soir. Comment pouvait-elle oser ? Sous couvert de quel raisonnement ridicule ?

- « Que diable croyez-vous donc faire ?  »

Ce n’était qu’un murmure intransigeant, sans méchanceté, le seul son encore « aimable » qu’il parvint à proférer de ses lèvres livides.
Son esprit ressassait néanmoins. Non, non… C’était impossible. Cela n’avait aucun sens. Une seconde auparavant, elle se tenait encore là, entre ses bras, presque suffoquant dans son étreinte, et à présent... Et, il était impossible de feindre ça. Ses propres sens ne pouvaient pas l’avoir abusé. Il connaissait l’effet qu’il faisait. Plus encore celui qu’il avait causé là. Cela avait été d’un tel degré…
Quelque chose s’était passé en elle, entre l’instant de son recul et le regard pour le bouquet, comme introspection stupide… Quoi ? A vrai dire, il s’en moquait royalement… Peu importe ses...ridicules émois. Cela ne pouvait être réel. Personne ne pouvait lui résister et encore moins le refuser lorsqu’il faisait le privilège d’accepter d’accorder ses faveurs. Faveurs intéressées, oui, mais tout de même. Elle aurait du être là, au sol, en train de le supplier de continuer, non de s’éloigner…comme si rien ne s’était produit. Et pas avec cette maîtrise d’elle-même. Impossible. Impossible.
Mais c’était pour autant bien ce qui se passait.
Sa fierté hurlait intérieurement en lui. NON. Non, il ne laisserait pas cette chose impensable se produire. Peu importait… Il ne laisserait pas cette chose se produire.

- « Revenez ici. »

Ses yeux vrillèrent les siens à travers le miroir, tandis que sa voix s’élevait lentement. Ce n’était pas un appel, ni une supplication ou encore un ordre. Mais une sentence. Sentence chargée de différentes nuances d’une tension sourde. Et cela sembla l’appeler. La faire recouvrer ses esprits, comme un songe éveillé.
Il la regarda observer son propre reflet, comme son ombre tapie au loin, attendant son heure.
Puis, comme attirée par sa présence, elle avait coulé un regard vers lui et il n’avait pas bronché. Il attendait.
Fulminant encore mais plus encore...aux aguets. C’était comme contempler autrui tenter s’extirper de sables mouvants. Les grains l’enlisaient mais elle hésitait encore à se débattre. Ou à sombrer… Pour le contenter lui, elle devait accepter se laisser couler.
De nouveau, son regard avait quitté le sien pour contempler une nouvelle fois le bouquet, effaçant progressivement une partie de la tension qui avait chargé son aura. Comme cause de son recul, la brassée de fleurs semblait à l’inverse lui guider le chemin jusqu’à lui… Si bien que rassérénée, elle pivota complètement pour lui faire face, soudainement.

- « En vain j'ai voulu de l'espace, trouver la fin et le milieu... »

Il inspira doucement, se forçant à l’exercice pour demeurer aussi neutre que possible, indifférent aux émotions contradictoires qui s’agitèrent en lui, se heurtant avec fracas... Colère. Mépris. Satisfaction. Toutes dirigées par son orgueil mais si différentes dans leur finalité… Comme trois chemins envisageables, trois voies… Trois fins. Pour lui. Comme pour elle.
Il ne décidait pas… tanguant entre le champ des possibles, le sang belliqueux, l’esprit dédaigneux, les yeux satisfaits cependant. Elle avait poursuivi sa venue pour s’arrêter à quelques centimètres de son corps, le regard tentant de plonger dans le sien. Elle avait finalement décidé. S’avouait vaincue. Elle venait pour ça, elle venait pour lui. Et cela, sa vanité ne pouvait manquer de le voir, de l’apprécier même. Après tous ses soubresauts incertains, elle venait là, comme une ambassadrice sonner la reddition de son être. Elle venait s’offrir…
La colère d’Erwin demeurait encore et l’envie de la planter, là, dans son moment de fragilité s’insinua en lui. Y aurait-il plus délectable que la souffrance qui se générerait de son refus ? De l’envie inassouvie qui hanterait ses jours et qui au fur et à mesure deviendrait amertume ?

- « Sous je ne sais quel œil de feu... »

Elle l’avait touché et il avait manqué de se reculer vivement. A la place avait accueilli la caresse dans un soupir d’aise. Lorsqu'il avait cité Baudelaire, quelques instants auparavant qui préfiguraient sa conquête, les vers du poème lui étaient venus aux lèvres comme un aimable avertissement, une prophétie inexorable de son futur qu’il feignait de s’attribuer et qui n’étaient qu’exclusivement destinés à sa victime. Alors l’entendre l’ânonner à son tour, pour mieux se couler dans ses bras, revenait à sceller son Sort. Il aurait pu l’en extraire, s’arracher à son toucher, à ses caresses avides et émerveillées qu’elle lui destinait… Mais il trouvait là, la réponse à son interrogation ultérieure.
« Y aurait-il plus délectable que la souffrance qui se générerait de son refus ? »
Oh oui. Il y avait plus délectable. Le plaisir qu’il tirerait de cette nuit et l’essence même de son être dont il se gorgerait, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus rien...rien d’autre qu’à lui. En attendant, qu’elle récite donc son poème, qu’elle savoure les mots, dont elle ne mesurerait que l’exactitude plus tard, lorsque son âme entière brûlerait de son absence.
Il avait posé la main sur son dos sans pression ni force.
Elle ne s’enfuirait plus. Il avait gagné et il gagnerait davantage….
Ne restait qu’à...savourer.
Un léger sourire lointain, hautain colora son visage lorsque la main d’Alexis parcourut le long de son visage pour frôler sa mâchoire délicatement ; comme par crainte de briser son éclat. Fadaises. Nul ne le briserait jamais. Mais sa respiration se gonflait à présent, petit à petit plus intensément que jusqu’alors, grisé par l’exploration initiée par la libraire et toute la saveur qu’elle y trouvait. Elle parcourait son visage des doigts et des yeux comme on admirait une œuvre d’art et il se goinfrait de l’expression émerveillée, presque douloureuse qu’elle prenait tour à tour, les iris brillants, les lèvres entrouvertes. Sa main gauche se posa à son tour sur sa mâchoire féminine, mécaniquement, attirant son visage vers le sien, lentement. Leurs corps s’étaient entrechoqués soudainement, électriques.
Il aurait pu initier le baiser, et il en avait envie mais il appréciait tout autant l’ode qu’elle lui dédiait soudain, penchant la tête pour lui offrir son cou, l’encourageant à y poser les lèvres, savourant le contact inédit mais grisant de ses baisers un peu gauches mais entreprenants et suffisamment passionnés pour le bercer aussi dans cette voie, fusionnant avec sa colère, puis avec son mépris. Il sentait sa respiration, le rythme fou de ses battements de cœur…

- « Je sens... »

- « il mio delizioso tesoro » exhala-t-il dans un souffle en levant le menton, tandis que ses lèvres rouges prenaient possession de sa mâchoire, le forçant à s’agripper au tissu soyeuse de sa robe, la tête bourdonnante d’orgueil.

Pourtant, il voulait tenir jusqu’à la fin de son énonciation. Il voulait qu’elle se livre jusqu’au dernier instant, jusqu’au dernier mot, refusant de rompre le pacte qu’elle déclamait innocemment au gré de son envie… « Téméraire vestale de l’ardent Soleil, pourquoi vous êtes-vous égarée sur mon chemin ? » Elle parcourait chaque centimètre de son visage, l’embrassant dans des étreintes courtes mais avides, de plus en plus rapprochées, la tension grondant entre eux. Ses yeux menottés aux siens, flambaient, dérivant, voguant, attisant son envie sûrement, transmettant la sienne, aussi.

- « … mon aile… »

Il paraissait de plus en plus difficile à la libraire de conserver son contrôle et son dernier geste ramena leurs lèvres plus proches qu’elles n’avaient jamais été. Leur vision superposa à l’esprit du notaire les quelques secondes où elles s’étaient heurtées, avant qu’elle ne se jette hors de sa portée, se blessant au passage… Les deux larmes qui avaient alors coulées luisaient encore. Il lui aurait été facile de l’en déloger mais il n’en fit rien. Il l’attendait.

- "Qui se... »

Il ne sut pas réellement la suite, juste que sa voix s’était faite plainte et qu’il s’était mordu les lèvres par la vision de l’effet qu’il créait..puis leurs bouches s’étaient rencontrées. Il sentait dans ses cheveux les mains de la jeune femme, ses baisers se pressaient dans plus de passion qu’il n’avait mis jusqu’à alors. Il n’avait qu’à suivre et il en aurait déjà fortement contenté si ce n’est un instinct, qui le poussa à s’emparer de ses épaules pour la repousser brusquement.
Non loin de son visage mais hors de ses lèvres. Nul doute que l’incompréhension la gagna un bref instant. Et il aurait pu mettre fin à tout. Mais.. Il ne le désirait pas. Il ne voulait pas se priver de sa mine si merveilleusement séduite, du désir qui avait pris possession de ses iris bleus, de son visage fin, de son sourire mutin qui dérivait encore… Alexis Enora Child était attirante. Et elle l’était encore plus et essentiellement lorsque la totalité de son être vibrait pour lui. Pour autant, il refusait de lui laisser le privilège de la suite des événements… Il ne voulait pas être… l’équivalent d’un client pour son ancienne profession qu’il occultait à dessein . Non. Il n’était pas un homme que l’on séduisait, que l’on pouvait affrioler avec un bête numéro de charme minable dans un cabaret vulgaire. Il était exigeant. Difficile même. Et … au demeurant, il voulait l’obtenir entière.
Bien qu’ayant reculé ses lèvres, il ne l’avait pas repoussé, si bien que leurs visages se trouvaient encore à quelques centimètres l’un de l’autre, leurs mains mutuelles encadrant leurs deux visages, les yeux plongés dans ceux de l’autre.
Il sentait ses inspirations, son impatience et sa frustration flotter entre eux ; ses mains plaquées sur son visage, comme le suppliant de ne pas y mettre fin. Lui-même n’en n’avait pas envie…
Il suspendait juste le temps quelques secondes. La faisant souffrir de ce néant, de ce temps d’attente où elle n’attendait qu’un geste, une réaction de sa part. Les yeux dévorants, il attendait….
Puis. Subitement. Il étreignit son visage, jusqu’à ses cheveux, pour joindre à nouveau leurs lèvres. Cela n’était ni l’embrassade enflammé qu’elle lui avait donné ni le subtil poison qu’il avait tenté de lui inoculer avant qu’elle ne s’en échappe. …Son baiser était plus furieusement flamboyant, à son image, mêlant le venin et la fureur, la froideur et la passion qui progressivement montait au fur et à mesure qu’il prenait possession de ses lèvres, parcourant les traits de sa peau, son visage, de sa main droite. Il lui avait érigé un brasier, un bûcher, dont chaque pression dévorait sa bouche, comme le feu détruisait, consumait sa victime, se rassasiant davantage… Son bras gauche descendit le long de son dos dans un geste qui n’avait plus rien de délicat et il la plaqua davantage contre son propre corps, l’appuyant pleinement lascivement contre lui, ressentant à nouveau, comme s’ils battaient dans sa poitrine vide, les assauts effrénés du cœur de la jeune femme. Sa propre satisfaction, ses propres sensations le grisaient et les soupirs de sa conquête raffermissaient son envie.

Leurs pas viraient au hasard, seul conduits par l’impulsion qu’il donnait au baiser et ils se retrouvèrent plaqués contre le secrétaire, une fois encore, involontairement mais dans les errements de leurs sens. Ses mains se posèrent sur le bois, s’y appuyant encore comme pour étreindre les contours de leur réalité puis revint à elle, vers sa taille fine, son parfum, son souffle, son corps. Il posa ses paumes sur sa taille, puis la pressa pour soulever son corps, légèrement. Craignant la tâche mais elle était légère, légère suffisamment pour ne pas risquer de le faire tomber en arrière sous son poids, suffisamment pour qu’il puisse la déposer en équilibre sur le meuble de bois, non loin du vase, le dos d’Alexis collé au grand miroir. Le geste avait descellé leurs bouches et il en profita, pour reprendre un peu son souffle et se jeter un long regard satisfait,. Ô admirable lui. Splendide et cruel tentateur… Il y avait longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé sans autour une nuée de rage et colère, mais animé par une simple excitation sans haine, un empressement plus charnel.
Il avait déjà embrassé maintes femmes mais pas depuis son mariage avec Georgia. Une erreur. Une faible erreur qu’il ne reproduirait plus.. Là c’était comme défier ses années trompeuses où il s’était faussement dévoué corps et âme… Comme envoyer dans les nuées les trop grandes précautions prises pour rien… Ce sentiment de pure revanche jouait sûrement dans son appréciation de la chose, si on ajoutait à cela le plaisir fou de se sentir...irrésistible. De sa position nouvelle, il s’observait à nouveau, du coin de l’oeil par instants fugaces qui loin de le déconcentrer le ramenait au coeur même de sa contentement.

- « Dites-moi... »

Il l’avait soufflé dans une presque plainte, tout en embrassant ses joues, effleurant sa peau, dévastant la trace de ses précédentes larmes pour n’en garder que la fraîcheur humide sur les lèvres. Son parfum, le goût de sa peau et plus encore le goût de l’Interdit se révélait savoureux. Comme un plaisir lointain qu’il redécouvrait en en mesurant les vices avec plus de délice qu’auparavant. Le contexte, les promesses, les rancœurs le maintenaient en tentation si fortement qu’il y plongeait encore, plus en avant, son égo bercé par le souffle haletant de sa conquête, par sa manière de se cramponner à lui, de se tendre, de se rendre sous ses touchers.

- « Ma chère... »

Sa main gauche glissait la fermeture de sa robe incandescente, la faisant frissonner encore, tandis que ses yeux incandescents quittaient le bleu fiévreux de ses iris, pour se poser sur ses lèvres,

- «  que….voulez-vous…. »

Il n’avait pas résisté et avait fondu sur le rouge vermeil pour l’embrasser à pleine bouche, longuement, goulûment tandis que ses mains dévalaient à présent la longueur de ses hanches, moulées dans son écrin rouge. Elle était à lui. Elle était un caprice. Son caprice. Promptement, ses doigts se saisir du tissu, pour remonter le satin, jusqu’à sentir sa peau nue, le contact de sa peau sur sa main gauche jusqu’à sa cuisse, tandis que main droite quittait précipitamment sa taille pour glisser son index entre ses lèvres, empêchant tout son.

- « Chut….mon petit trésor » ordonna-t-il sans pour autant ôter son contact qui avait causé son début de réaction «  Prenez le temps de la réflexion voyons... »

Bien évidement, il ne doutait pas de la réponse. Il n’y en avait qu’une seule possible. Une seule envisageable et même acceptable à ses yeux. Mais il se devait de l’entendre par sa bouche même si son poème en témoignait déjà. Il pencha la tête, un sourire féroce inscrit sur l’entièreté de son visage
Puis libérant la bouche de la jeune femme, il utilisa sa main droite libre pour ôter d’un mouvement dédaigneux mais orchestré sa veste de costume, avant de la jeter négligemment en bout de lit. Oh oui, il avait le sens de l’artistique, n’est-ce pas ? Le tout sans trop la froisser, tout de même, elle avait son cachet….
Puis sans la quitter des yeux, un sourire fourbe éclairant son superbe visage, il déboutonna lentement les premiers boutons de sa chemise à jabots, lentement, détaillant les expressions de son petit visage fiévreux. Puis en mordant la lèvre il se saisit de ses poignets, dirigeant ses mains vers son début de travail, l’invitant à continuer, à poursuivre, tout en s’approchant encore, le dos de sa main gauche remontant le long de sa jambe, l’autre attirant une nouvelle fois son visage avant de proférer d’une voix rauque :

- « Que voulez-vous le plus….au monde ?  »

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


Alexis E. Child

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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2020-09-24, 22:54 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Paris, je m'ennuie de toi, mon vieux.
On se retrouvera tous les deux,
Mon grand Paris.


« Revenez ici. »

Et j’étais revenue. Pas parce qu’il me l’avait demandé, parce que je l’avais décidé. Me l’avait-il seulement demandé ? Avec le recul et les années qui me séparent de cette nuit, je peux désormais le voir très clairement. Ça n’avait pas rien d’une demande. Le ton n’avait rien d’équivoque, c’était puissant, violent. Ce n’était pas un ordre. Ça transcendait tout cela, comme une sentence irrévocable, l’annonce d’un châtiment par le roi au châtié sans que personne ne puisse venir m’y soustraire. Il y avait sans doute autant de puissance dans cette demande qui tenait en deux petits mots que dans ma résolution à me sceller à lui, à ce destin si sombre, si destructeur. J’étais incapable de voir en cette instant tout ce que ses mots signifiaient depuis le moment où je m’étais cogné contre ce secrétaire. Mon introspection avait été bien trop profonde, la voix de Jack était venue se soustraire au visage d’Erwin et pendant quelques longues minutes, il n’était plus resté que moi et ce maudit fantôme d’un amour trop vite consommé et disparu. Peut-être le soleil lui-même s’était brûler les ailes à trop vouloir s’approcher d’une autre source de lumière, assurément semblable à la sienne. Il avait voulu jouer au-delà les limites et tandis que je doutais déjà de ce que nous faisions il avait malgré lui accentué mon doute. Pourquoi serait-ce mal ? Je n’en avais aucune idée, juste une certitude. Quelque chose me retenait-il ? Rien que tout mon être. Quelqu’un ? Une image du passé plus proche de ma propre imagination que d’une personne tangible. Mais tout cela, je n’avais pas pu l’énoncer, je n’avais pu qu’en réagir violemment, traduisant dans ce choc la douleur physique qui rongeait mon être.

La suite, je n’en avais rien entendu. Ni sa question amusée sur ce qui m’avait obligé à faire cela, ni le regard glacial et la grimace haineuse qui m’avait jeté lorsque ma propre sentence était tombée. Si mon introspection n’avait pas été aussi forte, peut-être aurais-je vu à cet instant les prémices de ce conte décousu et inversée que nous étions en train de vivre. Là où la Belle avait vu voir le bon en la Bête, je ne voyais que la Beauté de l’Homme cachant derrière ses trains fins le monstre malin et démoniaque. Et pourtant, je pouvais l’apercevoir par des moments fugaces à travers l’ambroisie de ses yeux, avant que celle-ci ne me brûle et me consume tout entière. Mais pas en cet instant, où mon esprit était bien plus en proie à la glace de mes souvenirs qu’au feu qu’il créait en moi.

« Que diable croyez-vous donc faire ? »

Excellente question à laquelle je n’avais aucune réponse. Une fois de plus, sa voix m’était parvenue de si loin qu’elle n’avait sonné que comme un écho dans mon propre questionnement. J’étais d’ores et déjà à me demander ce que je pensais faire, cette fuite en avant absurde qui me gâchait de tous les plaisirs et de toutes les aventures. La peur n’aurait de toute façon jamais raison du risque. J’avais peur d’aller plus loin, j’ignorais simplement que le mal était déjà fait, depuis cette nuit dans les bois, où mes yeux s’étaient posés sur l’intérieur d’un hangar à travers la vitre d’une fenêtre crasseuse. J’avais beau fuir, ça me rattraperait, sous toute forme que ce soit. On n’échappait jamais à la souffrance alors autant choisir la main du bourreau et de toute évidence, celle-ci me semblait pourtant la meilleure option. D’autant qu’une fois de plus, je n’avais pas perçu l’intransigeance de sa question, ni son effort incroyable d’ailleurs de me rester agréable malgré la haine et la colère qui bouillonnait en lui.

« Revenez ici. »
Retournes-y.

Et j’y étais alors allée. Comme automate de mes propres pensées, de mes propres décisions, mêlées aux siennes. Il m’observait. Il ne parlait pas. Il attendait, aux aguets, comme un lion prêt à plonger sur sa proie, attendant sans aucun doute le bon moment. Comme un serpent prêt à frapper. Je sentais l’épaisse moquette sur la plante de mes pieds, elle s’affaissait sous mon poids comme les sables mouvants pouvaient m’enliser. C’était trop tard. Je ne reculerai plus. Ce soir j’étais femme. Et ce soir, je décidai.

Mes doigts avaient redessiné ses traits avec douceur, comme pour m’imprégner de sa beauté, comme pour m’encrer dans cette réalité. C’était si incroyable, si inattendu. Notre rencontre n’avait rien eu d’une rencontre fortuite, d’un coup de foudre. Cette aventure n’avait qu’accentué cette improbabilité des corps et des esprits et pourtant, nous étions là, nos corps si proches l’un de l’autres, une main dans ses cheveux, mes doigts sur sa tempe, sa pommette, sa mâchoire, ses lèvres... Les miennes avaient fini par se loger dans son cou, sur toute parcelle de peau qu’il m’avait été permise d’atteindre et le sentant accepter avec ferveur cette assaut, je n’en avais été que plus assidue, me galvanisant de son ressenti, me gavant de son odeur, cette odeur si entêtante qui me prendrait bientôt toute mon âme, jusqu’à m’en donner la nausée.

Son italien m’avait fait sourire, m’énergisant encore plus dans mon acte, me poussant à remonter toujours plus sur son cou jusqu’à atteindre sa mâchoire et bientôt ses lèvres. Ses lèvres que je finissais par prendre entières avec une fougue et une avidité non dissimulée et pourtant, rien ne semblait destiné à nous laisser le savourer... J’avais senti ses mains sur mes épaules en un instant, j’avais brusquement été arrachée à leurs étreintes. Le cœur battant, le regard surpris et le souffle court, je l’observais droit dans les yeux, mes pupilles ne pouvant cesser un quelconque mouvement, cherchant à déceler ce subit arrêt dans les yeux du notaire. Mais la réponse n’y était pas, je n’y voyais que le même désir. Je tentais pourtant de m’interroger, avait-il à son tour un instant de lucidité ? Pouvais-je seulement lui en vouloir ? Bien sûr que non. Peut-être que tout s’arrêterai juste là et j’attendais, patiente, terrorisée et dévorée par l’envie. Nous étions encore si proche, je sentais encore son souffle caresser mes lèvres et pourtant je n’avais osé aucun mouvement en avant, respectant son choix, attendant son verdict. Ses mains avaient quitté mes épaules pour retrouver mon visage et nous étions désormais dans la même position, tous les deux dans l’expectative, le mince espace entre nous remplit de toute la tension de nos êtres. Embrasse-moi. Je mourrai d’envie de le dire. Et pourtant je restai silencieuse, me contentant de le hurler au fond de mon être.

Et soudain, la vague m’avait submergé. J’avais laissé mourir au creux de mes lèvres un petit cri plaintif lorsque sa bouche avait touché la mienne. Je sentais ses mains dans mes cheveux, englobant avec tant de force mon visage qu’il m’aurait été impossible de me reculer si tant est que je puisse encore en avoir envie. Si mon baiser avait toute la fougue de ma jeunesse, le sien le surpassait dans sa passion, sa hargne. C’était bestial, animal. Ça me consumait toute entière. Je senti son bras descendre le long de mon dos avec une rudesse nouvelle et j’avais encerclé un peu plus mes bras autour de son cou lorsque je m’étais sentie projetée en avant, contre son corps autant consommé par l’envie de que le mien. J’en voulais plus, j’avais l’impression que jamais nous ne pourrions être assez proche, comme si mon désir en cet instant n’était plus que de ne former qu’un seul être. Je pouvais presque ressentir la force des impulsions de mon cœur raisonner au fond de sa poitrine, ce n‘était donc pas une image insensée que d’en vouloir plus. J’en avais perdu l’équilibre, tentant de me retenir en amorçant un pas en arrière, un pas qu’il avait suivi, m’obligeant à en faire un second, puis un troisième. Nos pas nous avaient alors portés jusqu’au secrétaire dans une danse effrénée et incongrue.

J’avais senti mon corps se cogner une nouvelle fois au meuble violemment, j’en avais échappé un petit cri de surprise entre deux baisers, sans pouvoir pour autant entièrement délier mes lèvres des siennes. La passion de notre étreinte me grisait tant qu’elle me prémunissait de tout éventuelle douleur, sauf peut-être de celle de mon cœur lorsque tout ceci cesserait. Sous l’effet du coup, j’avais raffermi la prise de mes mains sur lui, lui donnant ainsi toute ma confiance et tout mon être pour nous rattraper tous les deux. J’avais senti ses mains quitter mon corps pour trouver un appui, brièvement, avant de retrouver mes hanches. Poussant avec mes pieds, je l’avais aidé à me hisser sur le secrétaire, l’esprit complétement embrumé par ce qui était en train de nous arriver. A contre-cœur, cela m’avait aussi forcé à me retirer de ses lèvres pourtant si douces et agressives. Le dos collé contre le miroir, je l’observais, le souffle court. Une pause... il en avait peut-être autant besoin que moi. C’était comme si j’avais senti que mon cœur était capable d’imploser sous la pression et l’effort mais que mon cerveau n’était plus assez irrigué pour m’obliger à m’arrêter avant la mort. Maintenant que la réalité avait repris le dessus, je me rendais compte à quel point j’avais besoin d’air, à quel point mes muscules étaient meurtris par leur raideur, à quel point la passion avait provoqué en moins des tremblements incontrôlables. Ses yeux verdorés avaient coulé un regard vers le miroir et cette observation avait fait naître en moi un sourire en coin. Une coquetterie que je commençais à déceler en lui. Sa préparation dans la salle de bain, ce besoin de revenir à son propre regard. Cela m’amusait pour le moment, j’avais l’impression de voir en lui un fantasme qu’il partageait avec certains et certaines, ce besoin de se voir durant l’acte, dans toute sa puissance.

J’avais fermé les yeux lorsque je l’avais vu s’approcher une nouvelle fois. La sensation de ses lèvres sur mes joues était d’autant plus délicieuse lorsqu’elle était décuplée par mon imagination. J’avais expiré un long souffle plaintif, laissant la bouche légèrement entrouverte avec avoir dégluti avec difficulté. Sa main s’était faufilée dans mon dos et je m’étais cambrée sous l’impulsion, sachant pertinemment ce qu’il venait y cherchait, lui laissant le champ libre pour m’offrir entièrement à lui. En entendant la fermeture éclair glisser, en sentant les vibrations qu’elle avait provoqué sur le tissu environnant, en percevant que le satin se faisait plus léger au niveau de mes épaules, de ma poitrine, j’avais serré les mâchoires, repoussant ma tête qui vint se cogner brutalement contre le reflet du miroir. Mon souffle s’était de nouveau accéléré, comme les battements de mon cœur, j’avais ouvert les yeux, croisant de nouveau son regard si particulier, si magnifique. Le contact ne dura qu’un instant, déjà je voyais ses prunelles glisser jusqu’à mes lèvres. J'étais prête, j’attendais... je n’attendais que ça à dire vrai.

Mes mains s’étaient de nouveau agrippées à son visage tandis qu’il me dévorait des lèvres. C’était si grisant, si explosif, si destructeur. Je n’avais qu’une envie, qu’il me détruise, qu’il me consume sous ses lèvres, sous ses mains que je sentais sur mes hanches. Qu’il me brise du moment que ce soit dans cet instant si incroyable. Si Icare avait eu l’affront de voler trop près du Soleil, c’est que la morsure de sa chaleur lui avait semblé si profitable qu’il la préférait au néant. Un choix réfléchi, insensé et qui pourtant prenait tout son sens en cet instant pour moi : mieux valait mourir plus jeune dans l’explosion d’une sensation grisante, que vieux et sage sans n’avoir jamais rien connu de tel. “J’ai toujours préféré la folie des passions, à la sagesse de l’indifférence”. J’avais découvert cette citation d’Anatole France au début de mon adolescence, cette période de la vie pleine de fougue où on était certains de tout connaître en ayant pourtant besoin de tout apprendre. Je l’avais senti vibrer au creux de moi, je m’étais trouvé en ces mots et pourtant, ce n’était qu’en cet instant précis, dans cette chambre d’hôtel que j’en comprenais tout le sens. Son envie, sa folie, ses désirs. Tout plutôt que le vide et l’absence.

« que….voulez-vous…. »

Il avait remonté l’étoffe de ma robe et j’avais senti le contact de sa peau sur ma cuisse. Sa peau me semblait encore plus douce, posée à cet endroit de mon corps. J’avais eu un mouvement vers l’avant, vers lui, ouvrant la bouche tant sous la surprise de ce contact que pour répondre à sa question. C’était irréfléchi, complétement impulsif. Ce que je voulais ? Ce n’était pas évident ? J’étais prête à tout dire, tout avouer, sans aucune volonté propre. Ça ne me ressemblait pourtant pas, j’étais bien plus pudique quand il s’agissait de parler de ce genre de chose mais mon corps avait agi avant ma tête. Pourtant je n’avais rien dit, laissant mourir ma voix douloureusement au fond de ma gorge tandis que son index s’était posé sur mes lèvres entrouvertes. Mes yeux avaient plongé sur la vision de son doigt, mes lèvres s’étaient faites plus charnues sous son contact et mon regard s’était nouveau rivé sur le sien, le souffle court, la tête bouillonnante d’envie et d’idées. Réflexion ? Quelle réflexion ? C’était quoi ? Ça se mangeait ? J’étais complétement abrutie sous la semonce de ses mains, soumise à sa volonté. Une fois de plus, j’avais dégluti, serrant les mâchoires pour éteindre la douleur de cette frustration qui montait en moi. J’avais posé les paumes contre le plat du secrétaire, afin de m’encrer un peu plus dans la réalité et dans une patience nouvelle que je ne parvenais pas à maîtriser. Je tentais de concentrer mon esprit sur la fraîcheur que le contact faisait naître sur mes paumes plutôt que celle de la chaleur de mes joues, mes lèvres, mon cou, ma poitrine... ma cuisse.

Il se pencha alors vers moi et mes yeux vrillèrent sur ses lèvres finement dessinées. J’en voulais un autre. Un baiser. Et pourtant, son sourire en cet instant me fit un tel effet que j’eus presque l’impression de pouvoir m’évanouir sur le coup. C’était le pire des ascenseurs émotionnel, comme si j’avais été lâché d’une hauteur de 200 m dans un gouffre sans fond. J’avais senti ma poitrine m’oppresser à la vision de son sourire féroce. Il n’y avait rien de beau, rien de mutin. Juste de la férocité qui traduisait une part bien plus sombre de lui, une part que j’entrapercevais entre les rayonnements du soleil. C’avait été fugace pourtant. J’avais senti son doigt quitter mes lèvres et ma peur avait disparu avec, comme happée par sa main qui entreprenait à présent de retirer sa veste. Comme si nos deux êtres agissaient à l’unisson, j’avais senti le tissu de mes manches tomber un peu plus sur mes bras, dénudant mes épaules, me rappelant qu’il avait déjà ouvert ma robe. Je l’observais faire, le cœur battant, le souffle court. Mes yeux avaient suivi du mouvement le lancer de la veste qui était retombée parfaitement sur le lit.

Le bleu de mes yeux avait rivé une nouvelle fois sur l’ambroisie des siens. Il me souriait, un de ses sourires que je ne lui connaissais pas encore, moins effrayant que le précédent, juste fourbe, se délectant sans aucun doute de son petit effet. Cela avait eu le don de faire naître sur mon visage un sourire mutin, complice dans l’attention qu’il semblait vouloir donner, ce jeu qu’il me livrait. Ses gestes avaient ralenti le mouvement général de l’action, bien qu’ils n’eussent aucun effet sur les battements de mon cœur. A mesure qu’il déboutonnait sa chemise, j’avais inconsciemment humidifié mes lèvres, mes yeux passant des siens à ses mains, la curiosité grandissante de voir enfin ce qu’il y avait ces élégants apparats. J’avais eu en revanche un mouvement de recul lorsque j’avais vu ses mains s’approcher de mes poignets, mon visage passant de l’amusement à la surprise. Il me proposait quelque chose qu’on ne m’avait jusqu’alors j’avais proposé et je m’étais senti rougir lorsqu’il plaça ses mains sur le travail qu’il venait de commencer. Il voulait que je continue. Il me demandait de continuer. Je ne savais pas faire ça. Enfin si, déboutonner une chemise, jusque-là rien de sorcier. Mais je ne savais pas jouer au jeu qu’il me demandait de jouer. Jusqu’alors soit ils s’étaient déshabillés avec empressement, soit je l’avais fait avec la même célérité, un moment dont on se débarrassait au plus vite. Ici pourtant, c’était presque vu comme une cérémonie, un moment sacré qu’on pactisait l’un avec l’autre. J’avais dégluti et les mains tremblantes, j’avais déboutonné le suivant docilement, avec minutie, sans le regarder.

Mais c’était sans compter sa main cruelle qui m’avait fait relever le regard vers lui, m’empêchant de fuir une nouvelle fois. Rien que le son de sa voix avait fait monter en moi une bouffée de chaleur... d’envie... et de gêne. Je pense que je n’aurai pas pu plus rougir qu’en cet instant. Entre sa main, logée sur ma cuisse, insinuant encore plus la suite des événements, faisant monter le désir et ses paroles. Ce que je voulais le plus au monde ? En cet instant précis ? Même en pensée je n’osais pas aller au bout de mes idées, de mes fantasmes. C’était bien trop cru de le penser comme je le pensais et j’avais encore moins la force de lui dire, droit dans les yeux. Pour toute réponse, le souffle court, j’avais déboutonné un autre bouton de sa chemise, découvrant son torse. Mon index qui venait de le délivrer de cette petite entrave glissa alors lentement, s’insinuant sous le tissu blanc, jusqu’à toucher sa poitrine. Sa peau était toujours aussi douce, échaudée par les derniers efforts, les dernières sensations qu’il avait ressenties. Je ne disais toujours rien, réfléchissant à la question, y répondant silencieusement. Mes doigts étaient revenus vers le bouton suivant.

- Je...

D’un geste habile j’en avais de nouveau déboutonné un, ne le quittant plus des yeux, hormis peut-être pour observer ses lèvres un court instant. C’était si difficile à dire, à avouer. J’avais l’impression de revenir plusieurs semaines auparavant, dans son bureau, lorsqu’il m’avait demandé s’il n’aurait pas pu faire un parfait Dorian Gray. Mais hors de question de s’en sortir avec une pirouette cette fois-ci. Il ne me le permettait pas, je le voyais dans ses yeux cruels. Tentant pourtant de me soustraire à la parole, j’avais une fois de plus fait une incursion à l’intérieur de sa chemise. Il ne restait plus que trois boutons, mes mains s’y engouffrèrent pleinement, sentant la chaleur de son torse, la puissance de cette musculature que je n’avais pas soupçonnée jusqu’alors. J’avais tenté de détourner le regard, de descendre mon visage vers cette ouverture béante mais il avait retenu ma mâchoire fermement, avant de stopper le mouvement de mes mains, le regard sans équivoque. Il me demander de le dire, pas de le faire. Je commençais presque à paniquer, le souffle court, ses mains sur mes poignets, mes yeux dans les siens. Et pourtant, il était peut-être temps de ne plus avoir peur des mots.

- Vous.

Je l’avais dit dans un souffle plaintif, du bout des lèvres, comme s’il m’avait presque échappé malgré moi. Le temps sembla se suspendre un moment, comme si j’étais délestée de ma propre âme. C’était si étrange. Ce n’était pas salvateur, pas douloureux non plus, j’avais juste l’impression de ne plus être vraiment là, comme lorsqu’on parvenait dans un rêve étrange à prévoir le moment où il allait passer d’une étrangeté simple à la pire des horreurs. Ce silence doucereux, juste avant la tempête. J’avais cédé malgré moi, sous la pression de son regard, de ses gestes. Pour la première fois depuis longtemps, j’avais l’impression de ne plus m’appartenir, de me vendre malgré moi. Les lèvres tremblantes, j’avais dégluti, avant de m’enfoncer un peu plus dans l’horreur de ce moment, comme pour me forcer à l’assumer, à me réveiller de cet état de transe des plus angoissants.

- C’est... vous... que je veux le plus au monde. Maintenant. Tout de suite.

Ma voix si hésitante au début de ma phrase l’était devenue de moins en moins, plus pressante, plus fébrile à mesure que mes mots entraient dans mon crane, caressaient ses oreilles. Puisqu’il ne me laissait pas mes mains, alors il me fallait utiliser mes jambes. Je les avais écartées, remontant un peu plus le tissu sur le haut de mes cuisses, afin de l’encercler tout entier de celle-ci. D'un geste brusque je les avais resserrés autour de sa taille donnant un geste sec mais sans douleur à l’arrière de ses jambes, le faisant perdre l’équilibre et se pencher sur moi. Nous étions restés si proches que j’avais pu capturer ses lèvres à l’instant précis où il avait basculé, délivrant mes mains par la même occasion pour lui enlever les derniers boutons restant. Sans quitter ses lèvres, avec la même hargne dont il avait fait preuve quelques minutes auparavant, j’avais fait remonter mes mains sur son torse, sa poitrine, jusqu’à ses épaules. Mes mains avaient alors glissé à l’arrière de celles-ci, sur ses omoplates, prenant appui avec mes cuisses pour me relever un peu plus. D’un geste habile, j’avais tiré sur le tissu en détachant mes paumes de sa peau brûlante. Instinctivement, il avait alors poussé ses bras en arrière, me permettant de faire glisser sa chemise hors de son corps. D’un geste habile, je l’avais récupéré de ma main droite avant de la lancer avec le même effort sur le lit, par-dessus la veste. Après un dernier moment de fougue, mes lèvres s’étaient détachées des siennes, lentement. J'avais alors ouvert mes yeux, que j’avais fermé sous l’impulsion des baisers pour l’observer. Ma main droite s’était posée avec délicatesse à la naissance de ses cheveux, sur sa nuque et les caressais avec douceur. Ma main gauche était venue toucher sa poitrine, la caresser, glissant lentement sur la peau pour en sentir toute ses perfections, son grain de peau, ses éventuelles marques. Nos lèvres se frôlaient à peine, il pouvait sentir mon souffle saccadé sur sa bouche, je sentais le sien sur la mienne. Mes cuisses le tenaient fermement contre moi, et dans une supplique pas plus haute qu’un murmure, je lui demandais alors, faisant écho au Louvre, au moment où tout ce jeu avait commencé :

- Ne me lâchez pas.

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________________________________________ 2020-10-02, 23:15 « If the crown should fit, then how can I refuse? »





Il fait gronder sur eux son tonnerre éclatant


Erwin Dorian & Alexis Child



Céder à l’incarnation pure de ses envies avait eu le bénéfice, en plus de la satisfaction qu’il avait pu en tirer, de rappeler afin qu’elle ne l’oublie jamais, qui était le véritable Maître de toute cette situation présente. Il imprégnait sa suprématie jusqu’à la fougue qu’il mettait aux embrassades, jusqu’à le dirigisme évident qui s’épanouissait dans la moindre de ses caresses. Et au-delà de l’ensemble des circonstances de fait qui causaient le jeu flamboyant qui s’était créé entre eux, l’indépendance et pourtant la facile vénération dans laquelle elle semblait plonger un peu plus à chaque contact mutuel de leurs peaux plaisait au notaire. S’il voulait, il n’en ferait qu’une bouchée. Et il en avait envie. Il voulait se laisser glisser dans cette sensation de toute puissance, presque impérieuse et ultime qui s’extirpait de sa condition. Chaque fois que ses lèvres voraces volaient encore la douceur de celles d’Alexis, transformant son appétit en fureur embrasée, chaque fois, qu’elle cédait du terrain, reculant encore, déroutée, son orgueil croissait, s’enflammait encore, réclamant encore, plus encore. Pour ce superbe instant de sa fragile, délicate mais quelconque vie, elle représentait sans le savoir la quintessence de son désir, l’incarnation au travers elle de ce qu’il était, de ce qu’il incarnait pour autrui. Il se révélait, savourant son emprise, sa puissance, semblant au travers de ses baisers dévorer jusqu’à son âme. Pas encore. Mais viendrait le moment où il poserait ses lèvres aussi tranchantes que le venin de sa beauté sur l’ébauche de son coeur, là où palpitaient ses émois.

En attendant, il la jucha sans peine, sur le secrétaire, ses mains sur le bas de sa taille, encore non loin de l’écho froid du miroir. Son corps brûlait et sa belle réplique lui renvoya son impatiente fureur au visage, le laissant se gorger de ses traits délicats contrastant avec la lueur intransigeante de ses iris. Dans un souffle long, il finit par river à nouveau le regard jusqu’à elle. Elle, dont le corps reposait plaqué collé au sien, dans la hargne de leur appétit, elle et ses lèvres rouges de leurs baisers, elle et son souffle court, qui caressait le bas de son menton, le tentant, l’aguichant. Il avait glissé ses lèvres le long de l’ovale qui formait le visage de la jeune femme, jusqu’à teinter ses lèvres de ses larmes tandis que ses mains parcouraient sa taille, avec plus de ferveur encore. Elle avait exhalé un long soupir remplit de plaisir et il s’était penché davantage vers elle, écrasant leurs poitrines ensemble. Leurs corps se rencontraient avec une facilité obsédante, si bien que sa main gauche avait fait voyage aisément jusqu’à la fermeture éclair de sa robe.

- « Dites-moi »

Il l’interrogeait doucement, se faisant douce violence de ne rien précipiter jusqu’à ce qu’il obtienne exaucement, tandis que la robe s’ouvrait dans une facile défaite. Il s’aperçut alors, entre les reflets du miroir et par le frémissement de son corps contre le sien, qu’elle tremblait. Dans un frémissement doux et incontrôlable de ses membres qui témoignaient du désordre interne que provoquaient ses caresses. Et pendant qu’elle s’arquait sous l’impulsion, encore vers lui, ployant vers lui, son index glissa le long de sa colonne vertébrale, plongeant sous le tissu rougeoyant, accompagnant son geste d’un frisson nouveau. Sa tête avait cogné contre le miroir, le choc assourdit par ses cheveux châtains, et la vision en avait été si belle qu’il en avait presque regretté qu’un millier de morceaux de verre ne vienne pas parachever l’ensemble. Au moins la note financière n’augmenterait pas considérablement. N’en déplaise, elle avait ouvert les yeux à nouveau, pour chercher les siens, dans cette sorte d’errement désireux et il l’avait observé en silence avant que son propre instinct ne l’enjoigne à baisser les yeux, à baiser à nouveau sa bouche dans un plongeon cruel au coeur de ses désirs, de leurs désirs, du sien qu’il injectait en elle. Sa poitrine se gonflait contre la sienne, attendant.Il descendait encore, voguant sur ses lèvres tel un rapace insatiable sentant qu’elle tentait d’encadrer son visage de ses mains, pour loin de l’en extraire, l’encourager à y demeurer, encore. Oh mais qu’elle compte donc là-dessus…

« que….voulez-vous…. »

Penchant encore, les lèvres scellaient aux siennes, sa main droite remontait le long de sa jambe nue pour venir se loger sur sa cuisse. Il n’alla guère plus loin, attendant, le souffle suspendu, sa réaction, la regardant avec délectation se lancer vers lui...pour finalement la stopper d’un seul geste, d’un seul doigt impérieux pressé sur ses lèvres. Pour lui intimer le simple silence et la maitrise d’elle-même dont elle disposait si peu pourtant, surtout à présent. Oh, il savait bien à quel point cela pouvait être sûrement frustrant...et délicieux dans le même temps, non ? Après tout, il n’avait en rien cessé ses caresses…

Pauvre d’elle-même. Jusqu’à quand pouvait-elle se réduire au supplice par le simple refus de poser un mot sur le sentiment qui la prenait entière entre ses griffes ? Il suffisait qu’elle parle. Il suffisait qu’elle consente à chanter sa gloire. Il suffisait d’un seul...d’un seul mot soupiré à l’envie et… Il savait lui-même qu’il ne se maîtriserait pas davantage… Il détenait les brides de sa propre suffisance et celle-ci gorgée par l’adoration ne demandait qu’à exploser encore… Alors, il attendait. Le doigt sur ses lèvres charnues dont il découvrait les agréables contours, résistant à l’envie d’en appuyer le contact pour le transformer en réel frôlement. Pourtant autant… Son regard vrillait de ses yeux à ses lèvres, lentement, dans un ballet incessant.
Il avait ôté sa veste puis dirigé ses mains inexpérimentées sur les boutons de sa chemise, faisant fi de sa surprise. Il avait fait le premier pas, qu’elle fasse l’autre ! Même si ce n’était que pour combler son envie d’expérimenter son effet jusqu’au moindre geste insignifiant de l’ensemble de cette parade...et quoi de mieux que la placer dans cette situation inédite. Cela restait une faveur, un cadeau inestimable dont elle saurait apprécier le caractère exceptionnel, non ?
En attendant, il se focalisait bien plus sur ses expressions presque gauches, ses mains embarrassées sur le tissu, la manière dont elle le regardait parfois, à la dérobée par dessous ses cils, sans oser à nouveau croiser son regard mais le visage rempli d’émotion, de timidité, d’envie aussi. Ce qui rendait l’instant particulièrement appréciable pour l’ancien ministre, se délectant du sentiment d’intimidation maladroite qu’il provoquait si aisément jumelée avec la tension qui régnait.
Un bouton. Puis deux.
Malgré l’état de nervosité, elle s’en sortait bien, semblait-elle penser. Mais elle s’offrait entière à l’exercice, ou plutôt faisait mine de s’y plonger pour occulter l’autour, sa main sur sa cuisse, son charme, l’interrogation qui restait encore suspendue….
Profitant de l’ouverture, ses mains douces et fines glissèrent bientôt sur son torse comme pour en mesurer la puissance. Un autre que Preminger s’y serait peut-être laissé prendre et se serait abandonné aux envies de son corps au seul ressenti de son contact doux et tendre. Pas lui. Presque sa peau brûlante n’y sentit qu’un léger effleurement, un attouchement agréable qu’il souhaitait certes se voir prolonger et améliorer mais rien qui le fit dévier de son envie principale, là où se concentraient toutes ses attentes. Dans le son de sa voix.
Elle le dirait.
Il ne la laisserait guère y échapper. Rien ne lui serait accordé sans ce pur moment d’assujettissement. Ni déni ni dérobade aussi délicieuse puisse-t-elle être, si bien que sa main menottait son menton, ramenant son regard vers le point d’orgue de son attention. Certes, peut-être que lui exiger de lui ôter sa chemise, tout aussi plaisant qu’était l’exercice, restait perturbant pour elle au regard la vue complémentaire que cela lui offrait sur sa totale perfection mais…. Il ne désirait rien d’autre, à cet instant précis, que la réponse à sa question. Et pourtant…. Il la connaissait déjà. Depuis l’exact moment où il avait ouvert les yeux sur l’étendue de sa beauté, il y a des années de cela, sous un sol et une vie différente, il avait compris les ravages que sa séduction dirigée et exquise pouvaient causer. Il devinait son état et toutes les réponses avouables ou fantasmées que son interrogation faisait naître pour ne prendre qu’une seule issue évidente et limpide pour quiconque savait lire son visage.
Mais il voulait l’entendre. L’entendre chez elle pour l’entendre sur autrui, sur le monde… Plus que le vivre sans l’admettre, il attendait sa reddition complète et sans demi-mesure, voulait mesurer l’ampleur dans son impact, de son désir, de son envie, de sa beauté.
Il comprendrait si elle s’évanouissait tout à fait, serait... un peu frustré peut-être néanmoins...mais satisfait par ailleurs.
Alors, il stoppa le mouvement de son menton déjà prêt à fondre vers sa poitrine pour l’encadrer de ses deux mains exigeantes. Il lui semblait presque entendre, voir vibrer toutes les fibres de son joli petit minois, rayonner vers lui dans un seul mouvement de transfiguration totale.
Malgré tout, elle se dérobait encore, tentant encore de descendre, de s’échapper, si bien qu’il lui fallu sévir, stopper ses mains et maintenir avec une ferme attention sa mâchoire vers la sienne. Sûrement était-ce la vouer au martyre au milieu d’un moment des plus agréables mais pour sa part, son souffle s’était accéléré, fasciné. La fraîcheur qui aurait pu lui provoquer un frisson à l’ouverture de sa chemise ne s’était pas produite. Au contraire. Il attendait brûlant, dans l’expectative, le corps et l’esprit au diapason rivés sur ses lèvres, patientant pour la réponse qui achèverait de le stimuler. C’était son moment, sa première victoire entre eux, l’aveu et la flatterie qu’il devait entendre. Son égo exigeait qu’on le berce de déclarations glorieuses, qu’on le titille de somptueuses oraisons sincères avant de s’ensevelir de suppliques. Qu’on lui mette sa vie, son corps entre ses mains, qu’il en dispose comme il disposait de tout, dans l’absolu le plus total…
Il suffisait qu’elle parle. Et elle parla soudain. Entrouvrant à peine les lèvres dans une supplique sensuelle involontaire qui vrilla son attention encore, faisant flamboyer une chaleur infuse dans tout son être. Aussi se pencha-t-il les lèvres proches des siennes… prêt à recueillir son aveu, les yeux gloutons brillants de concupiscence.
« Parlez ».
Il n’avait plus besoin de le lui dire, toute sa personne le lui intimait dans une tension nouvelle, exquise, brûlante si bien qu’il lui semblait presqu’il n’y avait plus rien autour, que leurs corps collés soudés, que ses mains sur elle, que ses lèvres écarquillées moites et tremblantes...

- «  Vous »

Plus qu’un confession volontaire, cela semblait avoir éclaté en elle, comme tiré du fin fond de ses entrailles, dans un long accent plaintif et sourd, à peine murmuré, son involontaire d’abandon issu de son corps au mépris de toute concentration ou maîtrise de soi, comme un aveu .
Et cela explosa en lui, brutalement, enchantant son esprit dans un torrent de délices d’orgueil. Ses mains refermées sur son visage s’étaient crispées davantage comme pour s’emparer de toute la moelle, figer le temps pour que cet instant ne s’arrête jamais, et qu’il puisse à jamais rester ainsi, voguant sur les rivages lointains de son arrogance sans limite. Le désir qu’elle ressentait se fit sien, plus bestial et plus cruel tandis que chaleur qui transparaissait dans son être se transformait en un ravage de fusion plus les mots raisonnaient en lui, se superposaient à sa toute puissance, sa séduction. Alors qu’elle perdait pied, vendant sa vérité pour mieux se soumettre, il s’élevait jusqu'aux nues, affamé mais non rassasié. Il le serait. Il se porterait aux nues par son intermédiaire, il la soumettrait, la lierait à lui jusqu’à la lie pour orchestrer son triomphe.

Tandis qu’il exultait, vorace et terrible, lui montait en tête une citation de Fabre d’Eglantine, illustrative et instructive. «  Ton coeur m’est tout : mon bien, ma loi, te plaire est mon envie. Enfin, en toi, par toi, pour toi, je respire et je tiens à la vie » Et aussitôt, il pensait « Voilà mon exquise, ce qui deviendra votre crédo prochain, votre ligne et votre voie. Sachez n’en dévier et vous profiterez de plus qu’il ne fut possible à maintes autres, à défaut que errerez dans le néant qui était le vôtre sans jamais que le repos ne vienne. » Voilà qui scellait le destin de son intrépide amie.
Et comme si l’acceptation de son sort lui venait en tête, elle continua soudain, comme libérée de sa gêne, embrasant sa destinée avec grandeur, elle proféra, d’abord plus à elle même puis à lui seul :

-  «C’est... vous... que je veux le plus au monde. Maintenant. Tout de suite. »

Son aveu de faiblesse se faisait aveu charnel, fébrile et suppliant, et les lèvres de l’ancien ministre s’en étaient ourlées d’un triomphe nouveau, tandis que que sa propre fébrilité rencontrait son écho factice. Il se sentait subitement révélé, comme invulnérable, splendide, terrible. Il l’était. Déjà. Il l’avait toujours été. Mais se l’attendre dire, s’entendre désirer jusqu’au supplice tout en constatant la vérité revenait à se pâmer dans un tourbillon de félicité sourde, renforçant, dynamisant et causant même l’intégralité de son envie.
Dans d’autres circonstances, il aurait pu y voir un ordre, un commandement dont il se serait vite dégagé méprisant, mais pas ce soir. Pas là. Là, l’intonation exigeante, geignarde de sa voix n’avait rien d’un ordre, c’était une demande, une imploration de délivrance. Une prière que l’on faisait au Divin.

- « Je sais…. »

Il allait répondre davantage lorsque joignant le geste à la parole, elle plaqua ses cuisses contre son bassin, encerclant sa taille, dans un mouvement impulsif qui eut tôt fait de le déséquilibrer, si bien que sa réponse mourut sur ses lèvres, remplacées par un léger rire triomphal tandis qu’il basculait un peu sur elle. Ses paumes rencontrèrent le bois du meuble sous l’impulsion, plaquant le corps d’Alexis encore plus profondément entre le secrétaire et le sien. C’était elle qui s’était emparée de sa bouche, laissant son rire se répandre en elle, pour tenter de l’ensevelir sous un long baiser passionné. Mais elle omettait son aveu qui avait galvanisé le notaire suffisamment pour que sa propre bouche n’y réponde en coeur, dans une danse brûlante et endiablée, la tête entêtée par ses flots de paroles qui dansaient dans son esprit. « Je vous aurais » Les jambes fines de la jeune femme se ligotaient à sa taille, dans une étreinte serrée et rapprochée et détachant ses propres mains du secrétaire, alors il impulsa son redressement, libérant ses mains pour mieux les faire contact, toucher, frôlement, il semblait que son corps n’avait qu’un horizon et qu’il lui appartenait seul d’y voguer.. Elle. Alors il s’abandonnait à ses excès avec la fougue nouvelle, galvanisée qui l’habitait désormais. Les doigts enroulés dans la masse conséquente de ses boucles châtaines, il pressait son crâne pour maintenir son contact la sentant davantage plus sienne, de secondes en secondes. Lui, extatique de sa propre séduction, maître de son pouvoir, rapace vorace picorait toujours avec plus de vigueur ce qu’elle lui offrait. Naturellement, sa main droite avait glissé le long de son bras, pour mieux accompagner son mouvement, la laissant poursuivre, lui ôter, avec une volonté marquée et toute nouvelle, les derniers boutons qui retenaient sa chemise. Cette dernière glissa bientôt le long de ses épaules, comme un doux froissement soyeux, le long de ses bras et de son dos, pour finir dans un bref lancer pour venir reposer sur la veste rouge. Ses lèvres occupées n’avaient pas eu le cœur à se retirer mais son regard avait surveillé du coin de l’oeil que ce coûteux achat ne termina pas à côtoyer le sol et la moquette. Cela n’avait concédé qu’une brève seconde d’inattention à son plaisir actuel mais tout de même.
A vrai dire, débarrassé de ses habits d’apparats et de prestige, il n’en restait pas moins superbe, d’une envergure aussi somptueuse que ne le laissait présager sa sublime physionomie.
Une fois, déshabillé, ses mains de nouveau libérées réinvestissaient sa taille, pressant son corps, plaquant le sien contre elle, ainsi, ils formaient presque un seul. Et peut-être, le sentait-elle... Ses yeux clos s’étaient rouverts, révélant deux iris bleus rêveurs et brûlants, tandis que sa bouche s’éloignait à regret de la sienne. La « révélation » les galvanisait différemment, réalisa-t-il et il aurait pu pouffer d’aise en relevant la satisfaction gênée de la jeune femme. Mais son propre égo était bien trop occupé à se nourrir de sa langueur, de la manière dont son regard hagard dévorait le sien, comme brûlé par l’intensité.
Son souffle se faisait plus long, plaintif à son tour, dans l’attente et la convoitise de ce qui adviendrait après et qu’il vivait presque par anticipation. Il savait qu’elle ressentait la même chose, avec une force différente, plus émotive que l’envie de possession qui semblait l’animer tout entier. Alors, il laissa ses paupières se fendre, comme un reptile flamboyant, lorsqu’elle vint à parcourir l’ensemble de son torse, lentement, de ses mains. Le toucher délicat, appréciateur, satisfaisait ses pulsions, faisant vibrer son être d’un trouble électrique, il se retint de ne pas réagir violemment, dans un baiser subit, préférant laisser un soupir rythmer chaque passage de ses paumes et chacun de ses souffles caresser ses lèvres vermeils. Elle était là, devant lui, enroulée autour de lui, n’attendant que son bon vouloir. Et il lui semblait presque pouvoir percevoir sa tension environnante, flotter dans l’air, comme une sollicitation abasourdie. Tout avait déjà commencé mais c’était le début de tout, comme si un pas la séparait encore du précipice. Il lui tendait la main et elle la saisissait, le suppliant de la faire chavirer.

- «  Ne me lâchez pas »

Ironie que cette prière, tandis que tout son être tentait de l’étreindre, que ses cuisses maintenaient les siennes collées à son corps, comme pour le retenir à jamais. Il semblait qu’elle entrevoyait le risque, les ténèbres environnantes, le danger qui frôlait son corps sans le reconnaître seulement. « Gardez votre visage dans le soleil, vous ne verrez pas les ombres ». Aussi s’aveuglait-elle muettement, se consumant pourtant. Ne brûlait-elle pas, maintenant, se réchauffant à sa source, éclairée par sa lumière ? Ne se plaquait-elle pas, incandescente contre lui, ne s’offrait-elle pas entière à la folie de ses envies ? Parce qu’elle était toute à lui. Et venait le moment de l’en enseigner. « Quand cela est demandé si joliment… comment refuser ? »aurait-il pu dire, mais ce n’est pas ce qui franchit ses lèvres, pourtant :

- « Accrochez-vous, plutôt… je sens que vous chavirez »

Ce n’était qu’un soupir, presque murmuré à même ses lèvres, mais cela n’empêcha pas les siennes d’opérer un tournant ironique, tandis que son visage s’éclairait de brume. Puis...après un instant de silence, il amorça sa possession, l’embrassant une nouvelle fois à pleine bouche, tandis que ses mains s’affairaient ailleurs. L’ouverture de la fermeture éclair faisait retomber ses bretelles libérant ses épaules, l’étau de ses cuisses avaient fait remonter sa robe presque jusqu’à son vente. Si bien que gardant sa main gauche plaquée sur son dos, pour la soutenir, il laissa la droite effleurer ses jambes pour en saisir le tissu. Il suffisait de peu, il pouvait aisément, alors sans lui laisser le temps d’y réagir, la bouche toujours sondée à la sienne, il fit glisser la soie rouge lentement vers le haut, effleurant son flanc. Puis, d’un geste rapide, rompant son baiser de force, il souleva la robe, jusqu’à les bras, l’incitant à les lever, pour l’en délester. Cela ne prit qu’une seconde et le lui ôta. Sans un regard pour ledit vêtement, il le jeta, plus par repère que par vérification, vers le lit. A quoi bon s’en préoccuper à présent ? D’autant que ce n’était pas le sien. L’éclat rubis avait quitté Alexis, la livrant plus entièrement que jamais et ses bras s’étaient automatiquement refermés sur elle, sur sa peau d’opale comme un piège superbe tandis que loin de regagner ses lèvres, sa bouche avait de nouveau glissé avide. Elle s’engageait dévorante, dans son cou, vers des zones à présent révélées et non encore explorées. Il pouvait, presque tout obtenir là et cela aurait eu un cadre parfait pour sa silhouette d’opale…et son reflet chatoyant en ligne de mire… Mais il fallait croire qu’il désirait plus confortable. Aussi, non loin de la pousser plus loin sur la commode, sa main droite prenant appui sur son dos, la releva pour permettre à ses jambes d’esquisser un pas de retrait .

- « Prenez-gare.  »

Sa main, flattant le bas de son dos, empêchait tout mouvement, obligeant ses cuisses à maintenir leur position. Aussi restait-elle ainsi, juchée contre son corps, agrippée à lui, et leur proximité le fit déposer de brèves morsures jusqu'au dessus de son cœur, dégustant son émoi, la douceur grisante de sa peau. Un coeur battait sous ses baisers tressaillant en désordre plus fortement à chaque contact, s’emballant encore et encore. « Je vous aurais ». Leurs respirations devenaient saccadées, leurs gestes convulsifs, et les pas et la direction qu’il prenait faisaient maints détours imprévus pour l’endroit qu’il lui destinait, l’empressement se faisait plus vif, plus intense, insatiable. Et chaque baiser, chaque toucher supplémentaire lui brûlait la peau, l’impatientait davantage.
Puis, il sentit plus qu’il ne vit l’ombre de la couche se profiler avec un profond soulagement.
Enfin. La fébrilité se densifiait encore, sous leurs corps tendus de leur expectative commune. Alors, dans un long soupir, il ramena son visage vers le sien, quittant l’ombre de sa gorge chaude, délaissant le jeu de ses doigts sur son dos, pour l’observer un bref instant, intense dans la lumière. Qu’il la consume, que le feu de son désir la brûle, la calcine qu’importe mais qu’il puisse goûter à elle, pour goûter à cette toute puissance qu’il ressentait dans chaque pore de son être, qu’il sentait se distiller en elle jusqu’à ce que sa voix ne produise plus rien que des chants d’allégresse à son seul hommage, jusqu’à ce que sa bouche n’exhale plus que voluptés, par lui, provoquées.
Sa main frôla sa joue en un toucher brûlant, ses lèvres baisèrent les siennes dans un échange langoureux, puissant, mais infiniment plus fourbe qu’auparavant. puis, lentement, sans mot dire, ses doigts trompeurs esquissèrent une descente discrète, pour s’enrouler autour de ses bras.
Et. Dans un seul geste, vif mais sans appel, il impulsa son corps, le détachant de lui, dans une poussée légère. Un petit rire absolu avait accompagné son geste, les yeux flamboyants et guetteurs s’arquant sur sa descente imprévue, dans ceux de sa victime qui s’écarquillèrent subitement.
Sa silhouette chuta, un bref instant, sans violence, comme un dépôt dramatique, avant de se réceptionner sans douleur, juste avec surprise sur le matelas, rebondissant à peine, pour mieux prendre corps sur le lit.
Aussi, sans la quitter des yeux, il entreprit d’enlever ses chaussures, prenant peine d’observer âprement ce qui avait été soustrait à sa vue entière jusqu’à alors.
Elle n’avait pas esquissé un geste, sur le moment, et encore à présent, elle reposait sur le lit voluptueusement, ses cheveux épars et bouclés tels un oreiller sombre autour de son visage exalté tourné vers lui, légèrement vêtue de dentelles et il avait laissé son regard inquisiteur couler sur ses sous-vêtements, tout en dégrafant la boucle de sa ceinture. Il s’était humecté les lèvres lentement, sans dévier son regard du sien, dans un échange muet non équivoque mesquin.
Alors, elle s’était redressée, un peu, se hissant sur les coudes, pour mieux le regarder, l’admirer, pour mieux l’appeler sûrement. Ainsi déshabillée, il devinait du soulèvement de sa poitrine blanche, son cœur qui s’ébrouait encore, dans l’attente, et sa propre envie prenait possession de son être. Il semblait qu’il n’y avait plus un bruit, hormis le son de leurs respirations, encore étouffées pourtant courtes et nulle lumière hormis celle qui semblait irradier de son propre corps pour se répercuter sur l’autre. Son pantalon glissa le long de ses jambes et il ne se baissa pas pour le ramasser, se contentant de soulever une jambes puis l’autre pour s’en défaire définitivement. Son corps brûlait et pourtant, il prit un temps léger, pour chasser une mèche invisible de son front, avant de poser un genou sur le bord du matelas, par pure vanité et mise en scène présomptueuse.

- « Rassurez-vous , même si je vous lâche...» déclama-t-il en posant le second sur le lit.

Encore droit et fier, la dominant de sa prestance, plus grand qu’il ne l’était, tel un géant contemplant le monde. Et il la contemplait elle, de la hauteur de son envie, elle : son plaisir, son caprice.
Avant de fondre sur elle, tel un oiseau de proie, la faisant basculer impétueusement sur le dos. Il avait saisi sa taille avec brusquerie, dans un léger spasme, fermant les yeux sous le choc pour mieux sentir, apprécier le confort du matelas et l’onctuosité de ses courbes, plus encore. Si elle avait voulu se débattre, elle ne l’aurait pu et il l’allongea complètement, la couchant éperdue sur le plissé des draps, se coulant langoureusement sur le sien, peau contre peau, cuisses contre cuisses, désir contre désir. Elle s’était abandonnée au moment même où ses doigts avaient effleuré sa peau et ses yeux dorés s’étaient rouverts pour contempler son pouvoir. Leurs corps se touchaient, se trouvaient, s’appareillaient, tandis que leurs souffles plaintifs se confondaient encore, entre chaque baisers échangés .

- « De vous, je ne serais jamais loin… » proclama-il dans un rire cruel, étouffé néanmoins par la saveur de son corps sur ses lèvres charnues, le goût de cette peau qui devenait sienne, dont il se faisait étole, plainte après plainte.

Aussi, plus que de l’allonger, il attrapa l’une de ses mains, l’arrachant à un début de caresse prodiguée pour la plaquer contre le tissu du lit, l’enfonçant davantage vers ses rivages, son front collé à celui d’Alexis, leurs yeux si proches qu’il n’en voyait plus les contours, n’en distinguait plus rien, rien que l’étendue bleue et sombre de la mer qui découlait de son regard, et c’était comme se fondre en elle, se glisser jusqu’à son âme pour en éblouir l’essence. Sa seconde main vainquait l’autre et il demeura là, la dominant complètement, brisant toute résistance, la maintenant sous lui, l’englobant de sa splendeur avant de baiser sa chair pour ponctuer chaque mot d’une appropriation complémentaire de son être :

- « vous ne pourrez….ne pouvez…...ne voudrez…...et….le plus important, mon petit trésor » compléta-t-il en relevant la tête d’un sourire narquois, rejetant la tête en arrière pour chasser quelques boucles de son champ de vision «  vous ne voulez pas m’échapper »

Sa main gauche libéra son poignet pour venir longer lentement son flanc, l’incitant à s’arquer contre lui de tous ses efforts, malgré son poids, inspirant profondément pour se gorger de son soupirs, de son regard exalté, de l’excitation totale de ses membres et des siens. « Vous êtes à moi ». Et il la voulait entière là, maintenant. Et tout ce que désirait Preminger… Il sentait dans son esprit monter l’enivrement tandis qu’elle aiguisait un soupir le long de ses joues. Ses mains frondeuses, s’enchantaient, s’enivraient à posséder, à créer des langueurs et une attente. C’était comme un ballet sensuel, encore. Et lui même se donnait entier, à la savoir tremblante de passion. L’ivresse moite tant promise, prenait corps faisant naître une bouffée d’envie dans l’ensemble de son âme… Si bien qu’il se sentait se dissoudre comme l’or, liquide et brûlant, prêt à l’exploit de faire flamboyer le monde… A goûter sa ferveur à elle, neuve, parfaite aussi brûlante que la sensualité de son corps, qu’il découvrait sous ses mains, sentait se crisper, s’émouvoir sous son toucher. Il la voulait. Maintenant. Maintenant, et l’intensité de son impérieux désir lui donna le vertige, lui tourna la tête, grisée par son égo, lui causant souffrance et promesse de félicité. Réprimant un long soupir, agrippant, son fin minois au creux de ses mains, refermant ses cuisses sur les siennes, murmura-t-il crûment pour le simple plaisir de son émoi:

- «Je vous veux. Maintenant. Tout de suite" C'était une exigence immédiate et intransigeante qui monta de tout son être caractéristique de son âme capricieuse, une exigeance qu'il rendrait réelle et que chaque frisson qu'il provoquait rendait proche... Aussi ajouta-t-il la voix infiniment plus caressante " Alors, ma mie, « partons dans un baiser pour un monde inconnu » car de votre propre choix, pour vous, ma chère, je ne serais peut-être pas le seul mais je serais l’Unique. »

Et là, alors, la ferait-il sienne.

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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière.
C'est au détour d'une Ombre
que nous attends le Mal. »


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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...


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________________________________________ 2020-10-05, 21:49 « Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »




Paris, je m'ennuie de toi, mon vieux.
On se retrouvera tous les deux,
Mon grand Paris.


Le monde n’existait plus. Plus rien n’avait de sens ou n’avait d’intérêt. Il n’y avait que nous, lui et moi. Je me découvrais cette vanité nouvelle, la frôlant entre deux baisers que je lui procurais, sans vraiment me rendre compte de ce que je pensais. Le monde aurait bien pu s’écrouler ce soir-là que cela m’aurait semblé parfaitement égal, du moment qu’on nous laisse le Temps. Le Temps de commencer, de finir, de savourer. Je n’existais même plus vraiment moi-même. Il n’y avait que mon envie, mon corps, mon cœur. Cette volonté insatiable d’aller plus loin dans la destruction, de me consumer entièrement à mon désir, à sa volonté. C’est comme si Alexis avait disparu, comme si je n’étais plus moi-même, je ne parvenais même pas à me reconnaître tandis que je lui demandais de ne pas me lâcher, sentant son souffle sur mes lèvres, toute la puissance de son corps et de sa vigueur nouvelle entre mes cuisses.

Accrochez-vous, plutôt… je sens que vous chavirez.

Était-ce vraiment une pique moqueuse ? Je l’avais regardé surprise, mes yeux coulant sur la commissure de ses lèvres qui s’étaient retroussées en un sourire ironique. Comme en réaction à l’étirement de sa bouche, j’avais d’autant plus enfoncé mes doigts sur sa poitrine, mes ongles s’y plantant un peu plus profondément en veillant à ce que ce ne soit pas douloureux pour autant. Ma main qui tenait sa nuque la tenait aussi désormais plus fermement tandis que mes cuisses resserraient l’étau de leur emprise au même moment où naissait sur mes lèvres un sourire mutin. D’une voix doucereuse, à peine plus haute qu’un murmure, je lui avais précisé :

- Mais je m’accroche...

Je n’avais rien pu dire d’autre, sa bouche avait de nouveau capturé la mienne et je lui avais rendu son baiser avec la même fougue, la même brutalité. J’avais alors l’impression de ne jamais en avoir assez, comme si chacun de ses baisers était un moment nouveau, délicieux et inédit, début d’une drogue insidieuse qui se distillaient sur mes lèvres, me poussant à en vouloir toujours plus, à ne jamais ressentir l’ennui de ses baisers mais à en ressentir le manque terrible et inévitable en cas d’arrêt. Mon cœur battait plus fort à chaque assaut. Il souffrait à chaque retrait. Il s’était emballé au point de me faire étouffer au moment où j’avais senti sa main remonter encore plus le tissu sur ma cuisse, jusqu’à mon bas ventre. C’était la plus atroce des sensations, la plus douloureuse des douceurs que celle de l’attente, de cette envie qui faisait battre mon cœur si fort qu’il menaçait d’exploser, me laissant mourir dans la pire des agonies. Mais en un instant, tout s’était accéléré. D'un geste presque expert, il m’avait forcé à lever mes bras avant que je ne pusse réagir et avant même que je ne comprenne ce qu’il venait de m’arriver, je m’étais retrouvée en sous-vêtement, la robe volant dans un dernier éclat pour rejoindre le reste des vêtements. Il n’était pas rare que je sois à découvert, surtout quand on connaissait mon métier passé. Mais jamais cela ne devenait pour autant une simple habitude, un passage obligé. C’était bien plus pour moi, l’un des moments le plus intime, celui qui me livrait presque tout entière à la suite des évènements et je le vivais toujours avec une certaine appréhension. Plus aucun endroit pour me cacher, juste mon corps blanc soumis au regard inquisiteur de l’imprudent qui espérait le posséder.

Mais cet imprudent là l’était peut-être moins que les autres. Plus téméraire aussi. J’avais senti ses lèvres plonger une nouvelle fois dans mon cou et la main qui maintenait sa nuque s’était enfoncée un peu plus profondément sur son cuir chevelu, s’étalant autant qu’elle le pouvait pour une apprécier un maximum de surface sans pour autant donner une quelconque force dans le mouvement. Je le laissais naviguer à vue, laissant ma main découvrir ses mouvements en même temps que je percevais ses lèvres sur ma peau. J’avais fermé les yeux, pincer la bouche pour éviter de ne produire un autre gémissement, amplifiant le sens du toucher à défaut d’avoir désormais celui de la vue.

Il avait alors amorcé un mouvement de recul et j’avais ressenti un instant de déséquilibre duquel je m’étais rattrapé en posant mes deux mains sur ses épaules. J’avais hoché la tête d’un air entendu à son avertissement, comprenant à présent ce qu’il avait tenté de faire. Je m’étais d’autant plus glissé vers lui, mes jambes s’enroulant autrement autour de lui afin de prendre appui et de lui permettre de me soulever et de marcher sans nous déséquilibrer l’un et l’autre. Je m’étais redressée d’autant plus sur lui, lui laissant le loisir d’avoir ma poitrine à hauteur de son visage, tandis que je sentais de nouveau ses baisers s’écraser sur la fine peau qui recouvrait mon cœur... Si fine... je me demandais s’il pouvait percevoir mes battements cardiaques, affolés et désordonnés à chaque assaut de ses lèvres sur mes courbes. Mes deux mains avaient de nouveau encerclé son visage tandis que mes lèvres et mon nez s’étaient enfoncé dans sa chevelure, au sommet de son crâne. J’ignorais comme il était capable de cela, à croire qu’il se parfumait même les cheveux, mais son parfum était présent de partout et à chacune de ses embrassades, à chacun de mes soupirs réactionnaires, je me gavais de ce parfum, embrassant le haut de sa tête avec ferveur.

Je sentis alors son visage se relever et je m’étais faite plus petite, afin de replacer mes yeux à sa hauteur, contemplant chacun de ses traits, voyant le désir s’insinuer plus profondément dans ses prunelles qui brillaient plus intensément qu’elles ne l’avaient jamais encore fait jusqu’alors. Un léger sourire avait flotté sur mes lèvres, me rendant compte de cette nouveauté, m’en galvanisant au point que je n’avais pas senti ses bras glisser sur les miens. Je m’étais contenté de goûter à son nouveau baiser avec le même plaisir et la même envie, mes mains glissant de ses épaules jusqu’à son torse. L’impulsion qui vint ensuite me coupa le souffle, écarquillant mes yeux de surprise. Sous le choc, j’avais stupidement relâché la prise de mes jambes plutôt que de la maintenir et je m’étais sentie chuter pendant une courte seconde avant de me réceptionner sans aucun mal sur le lit. Le matelas était si épais, si moelleux, que mon corps n’avait presque pas rebondit, comme s’il s’était fait engloutir tout entier par la couche, rappelant symboliquement à quel point j’étais désormais noyée dans la coupe du notaire. Pendant un instant, je n’avais plus bougé, reprenant mon souffle, me calmant mentalement de la surprise à laquelle j’avais dut faire face, les yeux rivés sur le plafond, les bras en croix. Il ne m’avait pas juste “lâché”, malgré sa promesse. Il m’avait jeté sciemment. Encore un signe funeste que j’aurai dû voir mais que je n’avais même pas entraperçu, complétement abrutie à cet instant par le feu qui me rongeait. Sans bouger, j’avais alors juste baissé mes yeux vers le bord du lit, constatant qu’il retirait ses chaussures tout en glissant ses yeux sur toutes les parties de mon corps. Je m’étais senti rougir instantanément. Encore une fois, le sentiment de vulnérabilité avait pris le dessus et je n’avais pas osé bouger, comme une proie face à un prédateur bien trop puissant, de peur d’initier le “geste de trop”, celui qui serait à l’origine de son destin funeste.

Mes yeux étaient ensuite passés de ses lèvres qu’il venait d’humecter à la boucle de sa ceinture qu’il dégrafait et j’avais tenté de cacher mon nouveau soupir plaintif en me redressant légèrement sur mes avant-bras pour mieux l’observer faire. La rougeur de mes joues ne m’avait pas quitté mais c’était la chaleur de cette sensation nouvelle qui avait désormais prit la place de la gêne. Chacun de ses gestes avait été minutieux, appréciateur et pendant un instant fugace, je m’étais demandé si le maître d’Art qu’il était, n’avait pas l’habitude d’épancher un air expert et minutieux sur tout ce qu’il allait finir par acquérir. Cette pensée m’arracha un petit sourire amusé tandis que je déglutissais en le voyant enfin poser un genou sur le bord du lit. J’attendais la suite, avidement, impatiemment. Je voulais qu’il s’approche, tout de suite, maintenant. J’avais montré un premier geste d’impatience lorsqu’il avait relevé la première jambe hors de son pantalon et je venais de lui en manifester un autre en le voyant enfin poser le second genou sur ce foutu lit. Je n’avais pas bougé, relevant juste les yeux tandis que sa silhouette se faisait plus grande. J’avais l’impression de voir devant moi un rapace près à fondre sur une petite proie en contrebas mais je n’étais pas si innocente que cela. J’avais étouffé un petit cri de surprise et de plaisir en le voyant enfin fondre sur moi, le laissant me basculer sur le dos. J’avais eu alors un sursaut en le sentant saisir mes hanches de ses mains puissantes et le spasme qu’il avait ressenti alors s’était mélangé au mien, dans un instant si grisant que j’en avais mordu ma lèvre inférieure si fortement que je n’aurai pas été surprise de me faire saigner.

Il s’était allongé de tout son poids, toute sa puissance contre moi. Ce n’était pas douloureux. Pas même étouffant. Moi qui étais pourtant peu appréciatrice des espaces clos, je n’avais pour une fois ressenti aucune panique. Juste le plaisir de sentir sa peau brûlante contre la mienne, réchauffant chaque parcelle de mon corps jusqu’à la brûlure, la calcination de ma chair. Je n’avais plus besoin de respirer, je me nourrissais uniquement de ses baisers, de son air, en apnée quand sa bouche quittait la mienne, en synchronisation dès qu’il me permettait de les retrouver enfin. Ma main droite s’était hasardée à remonter le long de sa cuisse tandis que je le sentais prendre pleinement possession de ma peau, les yeux fermés. Mais tandis que je me rapprochais de son aine, j’avais senti sa main se fermer sur mon poignet, le relevant au-dessus de ma tête. Docilement, je m’étais laissée faire, abandonnant toute tentative de contrôle sur ce que je ne pouvais apparemment clairement pas contrôler. Je commençais à le comprendre petit à petit et même si ma tête m’intimait au débat, mon corps se disait “pourquoi pas ?”. Cette sensation nouvelle et inédite de ne pas voguer à travers mes envies, passant uniquement par les siennes, me laissant faire à son bon plaisir. C’était frustrant. Mais aussi intriguant. Si intriguant de la douleur de la frustration se muait en plaisir tandis que je sentais sa seconde main emprisonner la mienne, la ramenant à son tour au-dessus de ma tête.

C’était comme de me noyer dans de la lave : impossible. J’ignorais pourquoi cette information me venait à cet instant précis en tête. Je me souvenais d’avoir lu un jour que le corps humain ne pouvait se dissoudre dans la lave, que celle-ci était bien trop compacte, presque comme un macadam incandescent. Le corps se contentait d’y rester piégé, se calcinant et fondant presque instantanément à la surface. C’était peut-être de le sentir alors de tout son long contre moi, la couleur de ses iris ardentes, si dorées qu’elles rappelaient la puissance des coulées volcaniques. Je le sentais. J'étais piégée. Brûlant malgré moi. Je ne pouvais presque plus respirer, presque plus penser. Ses paroles raisonnaient en moi et venaient se graver dans mon cerveau comme une parole d’évangile. J’y reviendrait des mois plus tard, comprenant petit à petit avec horreur la portée de ses mots, de cette presque promesse qui ne faisait que de me subjuguer en cet instant. La mort. Je me sentais mourir sous son corps et je me figurais qu’il n’existait alors pas de plus belle aventure, tandis que je sentais son front brûlant contre le mien, la couleur de ses yeux se faisant bien trop profonde pour que je puisse encore y voir un quelconque contour. C’était hypnotisant, comme nager au centre du Soleil. Dans un dernier geste de survie, j’avais pourtant tenté de retirer mes poignets de sa prise mais nos positions respectives m’empêchaient d’avoir une pleine possession de mes forces. Il me dominait entièrement et dans un mouvement saccadé, j’avais fini par renoncer à l’idée. Il avait raison, là sous ses baisers, je ne voulais plus m’échapper. Est-ce que je ne le voudrai plus ? C’était une question pour laquelle il semblait bien plus sûr de la réponse que moi, mais pour le moment, je me rendais complétement à sa bouche sur mon corps, me pinçant une fois de plus les lèvres pour résister à cette envie de me servir de mes mains qui me dévorait toute entière, me poussant une fois de plus au soupir plaintif.

Mon corps s’était soulevé de lui-même dans un effort surhumain et sous l’impulsion de l’envie qu’il avait fait naître en moi lorsque j’avais senti ma main sur mon flanc. Avec une certaine violence, mon corps tout entier s’était arqué sous l’impulsion, mon dos se cabrant, collant un peu plus le bas de mon corps contre lui. La main qu’il avait lâchée vint alors se poser sur son dos dans un claquement sec, tandis que mes ongles prenaient possession de sa peau alors que je laissais échapper un gémissement, les yeux fermés. Je les avais rouverts en sentant ses mains encercler mon visage et comme dans un geste de défense, j’avais posé mes mains sur ses poignets, comme pour le forcer à lâcher prise même si je n’en avais rien fait.

- Je vous veux. Maintenant. Tout de suite.

Alors prenez moi...

C’est que ce que j’aurai voulu répondre sous l’impulsion de son murmure cru, d’une voix plaintive, croulant sous mon propre désir. Mais comme à chaque fois, mes mots étaient restés coincés dans ma gorge. Mes yeux avaient sans doute parlé pour mes lèvres, tout comme mes cuisses qui avaient resserré leur emprise sur son bassin, le poussant à m’écraser de plus belle. Nos corps ne formeraient qu’un. Je le savais, je le sentais, je le voulais.

- Alors, ma mie, « partons dans un baiser pour un monde inconnu » car de votre propre choix, pour vous, ma chère, je ne serais peut-être pas le seul mais je serais l’Unique.
- Je n’attends que ça...

Sans lui laisser une seconde de plus, mes mains avaient lâché ses poignets, pour venir s’agripper à sa nuque, le poussant une nouvelle fois contre mes lèvres. Il avait proposé, quelque seconde auparavant, il avait pourtant semblé presque intransigeant. Peu m’importait, du moment que nous étions sur la même longueur d’onde. S’il voulait décider, il n’en restait pas moins qu’il me laissait ouvrir les hostilités et dans un baiser langoureux et puissant, je ne me fis pas prier une seconde de plus...

*****

Allongée sur le flanc gauche, les jambes repliées vers mon ventre en position fœtale, j’avais senti le sommeil me quitter lentement. Petit à petit, j’avais repris possession de mon être, de mes pensées et le souvenir de cette nuit enflammée me revint en mémoire. Mon dieu... mais qu’est-ce que j’avais fait ? J’avais ouvert les yeux brusquement sous le coup de cette constatation. Pas de doute possible, la pénombre ambiante me permettait de dessiner les contours de la pièce : j’étais à Paris, je voyais en face de moi les lourds rideaux qui permettait d’obstruer les fenêtres, ne laissant filtrer que de fins rayons d’un Soleil naissant. Baissant un peu le regard, je voyais presque le secrétaire, mon verre de Gin que je n’avais jamais fini et le miroir... Tout me revenait en mémoire. Cette nuit de pure folie, mêlée au désir que j’avais pur ressentir et au plaisir certain qui avait envahi tout mon être. Regrettai-je ? Non. J’aurai peut-être dû. J’étais du genre à regretter dans les premières secondes ce genre d’action réalisé sur un coup de tête mais pour la première fois, je n’avais ressenti aucune once de remord. De la gêne, sans aucun doute, mais du remord, absolument pas. J’étais restée maître de ma décision, nul de m’avait forcé et plus que tout, j’en avais eu terriblement envie. Tellement envie que je ne savais plus vraiment quand nous nous étions stoppés. Sans doute sans avoir de commun accord, juste épuisés l’un et l’autre par tous les ébats, l’assoupissement imprévu ayant sonné le glas de nos entremêlements.

Je ressentais encore au creux de mon être, de mon corps, toute la puissance de notre amour, mon corps meurtri de nos différentes embrassades, aussi somptueuses que douloureuses. Avec lenteur et douceur, j’avais alors tenté de me retourner. Là, dans mon dos, j’avais pu sentir sa présence. Il me fallait pourtant en être sûre. J’avais alors tourné la tête, presque jusqu’à m’en déplacer un nerf pour l’observer. Il me tournait le dos. Je pouvais voir ses boucles brunes, presque noires, son dos musculeux et bien dessiné. Mon dieu... C’était vraiment arrivé. Avec un petit sourire et un pouffement de surprise, je l’avais encore observé quelques secondes en me mordant la lèvre inférieure, n’en revenant toujours pas. C’était vraiment arrivé. C’était digne d’un film. Un film où l’espionnage rencontrait Woody Allen. Un de ces films sans queue ni tête que des frustrées comme moi avaient tendance à moquer en précisant que ce genre de situation n’arriverait jamais. Et pourtant...

MERDE !

Je m’étais tourné vivement vers ma table de chevet lorsqu’une sonnerie avait retentit dans la pièce. J'avais grimacé en me précipitant sur mon téléphone, tentant de décrocher le plus rapidement possible pour éviter de le réveiller mais également qu’il entende cette sonnerie des plus honteuse. J’avais l’habitude de choisir les sonneries de mon portable en fonction des gens... c’était pas de ma faute si Hadès ne méritait pas d’autre musique dans la mesure où il l’avait choisi lui-même. J’avais senti Erwin bouger à côté de moi... c’était foutu, je l’avais sans doute réveillé. Décrochant, j’avais chuchoté :

- Allôôô ?
- Tu fais quoi ?

La question avait été posé si brusquement que j’avais répondu avec la même violence :

- Je suis à Paris.
- Ah. Et à part ça ?
- Tu viens de me réveiller, je peux pas parler là, qu’est-ce qui se passe ?
- A cette heure-ci ?!
- Il est 8h30 ici, décalage horaire. Tu veux QUOI ?

Il pouvait sentir à mon ton que je commençais à perdre patience. Cela faisait presque un an que je n’avais plus vraiment de nouvelles de lui. On s’était croisé juste avant mon départ à Titania mais il fallait bien avouer que sa dernière visite avant que ma colocation n’explose nous avait quelque peu éloigné. Et pourtant, malgré tous ces mois (voire années ?) de silence, il avait toujours le chic pour redébarquer dans ma vie PILE quand il ne fallait pas. A croire qu’il le sentait. Malgré mon stress et mon envie de raccrocher pour ne pas réveiller Erwin, entendre sa voix et son appel me faisait plaisir, comme si j’avais l’impression que le passé retrouvait le présent. Je ne doutais absolument pas du fait qu’Hadès n’en avait pour le coup pas conscience du tout. Il poursuit tout aussi calmement :

- Je suis assis sur un banc.
- 5 minutes avec toi à regarder les gens tant qu’y en a ??

Je commençais vraiment à perdre patience.

- On est jeudi.
- Hadèèèès pitié, j’ai pas le temps-là, je peux te rappeler plus tard ?
- J’ai plus personne le jeudi... tu fais quoi ?
- Je vais bientôt prendre mon petit déjeuner...

J’avais hésité un instant passant ma main dans mes cheveux en m’allongeant sur le dos, les yeux rivés sur le plafond. J’hésitais. Il me faisait mal au cœur. Pourtant, entre le dieu et moi, rien n’avait jamais été vraiment normal. Notre relation relevait plus d’un chaos sans nom que d’une véritable amitié. Il n’avait plus personne alors il m’appelait. Et en bon bouche-trou, je répondais. Il avait sans aucun doute aussi dû faire le numéro par hasard ou par erreur. Mais même si ces pensées me faisaient mal au cœur, je ne pouvais m’empêcher de vouloir répondre présente, parce que je tenais quand même à lui, malgré tout... Après une ultime hésitation, j’avais soupiré et précisé :

- Je reviens aujourd’hui, si tu veux on peut se voir ce soir...
- Ah ben je viens te chercher...

Il avait semblé tout ravi, sans aucun doute prêt à demander à quelqu’un de le téléporter. Mon cœur avait loupé un battement, j’avais tourné la tête vers la silhouette du notaire avant de lui préciser, paniquée :

- Euuuh non ça va, j’ai mon billet d’avion, je gère...
- J’ai jamais pris l’avion, ce serait une bonne occasion... Je viens, avec Norbert, on prend l’avion avec toi et on rentre...

C’était le problème avec Hadès. Il ne lâchait jamais l’affaire.

- Euuuh... Non... Non non ça va, dis-moi juste où je te retrouve ce soir et ce sera bon. Reste où tu es, je suis pas seule de toute façon...
- Oooh attends j’ai une idée...

J’attendis... mais rien. Perplexe, je retirai mon téléphone de mon oreille pour observer l’écran. Il venait de raccrocher. Une fois de plus mon cœur avait loupé un battement. Comment ça “une idée ?”. Les yeux grands ouverts sous la peur de le voir apparaître brusquement, j’avais remonté le drap sur ma poitrine pour cacher le maximum de peau. Punaise... punaise punaise punaise...

Mon téléphone m’avait glissé des mains lorsqu’il avait retenti une nouvelle fois, m’effrayant tellement que j’avais manqué un hurlement en me pinçant les lèvres. C’était un sktech... Complétement affolée, j’avais recherché fébrilement mon téléphone dans les draps avant d’appuyer sur le bouton vert après avoir vu “Elliot” s’inscrire sur mon téléphone. Décidément, ils s’étaient passé le mot ou quoi ?? Sans même un bonjour, j’avais embrayé directement, toujours en chuchotant, la panique palpable dans ma voix :

Oui ?? Ça va ?! Qu’est-ce qui se passe ?
Alex ? Ça va ?
Oui, ça va merci, ton père me fait flipper mais ça va, il se passe quoi, Elliot ?
Je l’ai !!!

Je savais exactement de quoi il parlait. On en discutait depuis des mois. Oubliant totalement Erwin et Hadès, je m’étais brusquement redressé en position assise sur le lit, la couette glissant de ma poitrine pour se loger au niveau de mon ventre. Assise en tailleur, je lui avais répondu d’un air surexcitée :

- Non sérieux ??? Oooh mon dieu elle est comment ??
- Elle est tellement belle, tu peux pas imaginer ! Mais... Mais SIII je t’ai envoyé des tas de photos, t’as pas vu ?
- Euuuh... Non...

Tout me revenait brusquement en mémoire. Mon cœur s’était accéléré en me souvenant que la veille, plusieurs sonneries de mon téléphone avait rythmé mon moment avec Erwin. Cela avait peut-être duré 10 minutes et j’avais été bien trop occupée pour me soucier de ce que ça pouvait être. Décrochant une fois de plus mon téléphone de mon oreille, j’étais entrée dans ma messagerie pour constater que mon meilleur ami m’avait effectivement envoyé 76 photos de la PS5 qu’il venait de recevoir, dans des angles tellement improbables pour certaines que je n’arrivais même pas à voir à quoi cela faisait référence. Reprenant mon téléphone à l’oreille, je précisais :

- Aaah oui je viens de voir... J’ai... je regarde après j’ai pas trop le temps mais c’est trop bien !! Je veux qu’on JOUE dès que je rentre !
- Euuuh il se peut que j’ai commencé à jouer un peu... mais un tout petit peu...Mais tu rentres quand au fait ?
- Pauvre patate, c’est pas grave je m’en doutais, mais garde moi une manette au chaud que je t’écrase. Euh... je rentre ce soir...

C’était comme ça que tout avait commencé entre nous. Par des jeux en ligne. Il était un de mes plus puissants adversaires et à force de parler, on s’était rendu compte que nous étions tous les deux à Storybrooke. Après quelques parties supplémentaires, on s’était proposé de se rencontrer au café du coin. Elliot avait voulu voir QUI était ce GARS qui semblait le seul capable de le vaincre. J’avais tellement paniqué que je n’avais pas jugé utile de lui préciser à ce moment que j’étais une fille... Quelle n’avait pas été sa surprise le lendemain au Granny’s... Après avoir ravalé sa fierté, il m’avait proposé d’aller jouer chez lui et depuis on ne s’était plus quitté. Je l’avais sauvé de sa dépression, il m’avait consolé de la découverte et la perte de mes parents, j’avais été témoin de son mariage, j’aurai pu être la marraine de sa fille... bref, une véritable amitié. Et bien sûr, comme le fruit ne tombait jamais bien loin de l’arbre, il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour me formuler la même proposition que son père :

- Heeeey mais attends, si tu veux je passe te chercher maintenant comme ça on joue tout de suite. De toute façon t’as fini ton affaire, non ?
- Eeuuuh... Pas tout à fait... Non, je préfère prendre l’avion, ça va aller... Tu peux allez voir ton père, je crois qu’il prévoit de venir me chercher direct mais je préfère pas...
- Ben... pourquoi tu veux pas qu’on vienne ?

Il avait la voix attristée, blessée, comme si je l’avais repoussé. Me massant le front, je grommelais :

- J’t’expliquerai...
- Ok... donc je viens pas... C’est sûr ?
- Euh... Tu te souviens que je suis pas seule?
- Ben ouais... mais t’es avec le vieux, nan ?

J’avais manqué d’éclater de rire à la réflexion. Je lui avais forcément expliqué mon petit séjour à Paris et le fait que le notaire qui m’avait tiré d’affaire devait m’y rejoindre. Je priais juste pour qu’Erwin ne puisse pas entendre le contenu des conversations, je savais que parfois les téléphones laissaient filtrer les informations aux oreilles indiscrètes. Je n’avais pas répondu, me contentant de fermer les yeux en me mordant la lèvre inférieure, toujours concentrée pour ne pas rire. Après un silence, j’entendis Elliot prendre une voix surexcitée et intéressée :

- Oooh tu t’es trouvé un mec à Paris ?? Un french boy ?? Oooh profite bien, je te dérange pas plus longtemps... A chic a chic a chic aïe aïe aïe !! Tu me raconteras, A+ !

Sans un mot de plus il avait raccroché et j’en avais profité pour mettre directement mon téléphone en mode avion avant que quelqu’un d’autre ne se mette à appeler. Tentant de me calmer de tout ce moment de stress, j’avais posé mes mains sur mon visage, le bout de mes doigts appuyant un peu sur mes paupières closes. En ouvrant de nouveau les yeux, j’avais eu la surprise de constater qu’Erwin avait les yeux ouverts. Instantanément, j’avais rougi. C’était le premier contact que nous avions depuis... ça. Et en plus, je ne pouvais pas dire que c’était le réveil le plus soft qui existait. Passant une main dans mes cheveux bruns d’un air gêné, je grimaçais :

- Bonjour... Je... Je suis désolée... J’ai une vie sociale assez active et je ne contrôle pas vraiment certains d’entre eux...

Me souvenant brusquement d’Hadès, j’avais tourné la tête dans le reste de la pièce. J’avais constaté avec soulagement qu’il n’était toujours pas là... Très bon signe... enfin... pour l’instant... les idées d’Hadès n’étaient jamais les meilleures... Un peu gênée par la situation, mon regard s’était posé sur le canapé et j’avais choisi l’humour pour me donner contenance :

- Vous aviez pourtant dit que vous prendriez le canapé...

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Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »

Erwin Dorian

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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)

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________________________________________ 2020-10-09, 22:58 « If the crown should fit, then how can I refuse? »





Il fait gronder sur eux son tonnerre éclatant


Erwin Dorian & Alexis Child



« Les désirs de l’Homme sont infinis, orientés, sans le savoir, vers l’absolu ».
Des capacités naissaient les ambitions, des ambitions l’insatiabilité. Et vers l’insatiabilité, l’absolu ne possédait nul contour, ni ne souffrait aucune excuse, plus que de se rêver, il se vivait.
Erwin Preminger, pour cela, possédait un mental qui épousait l’essence même de ses désirs, il incarnait ses envies, ses objectifs avec une passionnante hargne que lui dictait sa mentalité despotique. Il prenait tout, épuisait jusqu’à la lie, la sève même de ce qu’il voulait, jusqu’à ce que l’envie lui passe et qu’il n’éprouve plus nul attrait à sa possession. Alors, jetait-il avec dédain, l’ombre de ce qui avait su le captiver, pour que celle-ci rejoignisse le sol rempli de ces fantaisies fugaces.
Cette nuit, une soif charnelle, avait éveillé ses sens. Concrétisation de son attraction naturelle, réceptacle à ses désirs et frustrations, sacrifice à ses conquêtes et surtout promesse de volupté. Alors, l’avait-il désirée. Par inadvertance, par un hasardeux jeu. Jusqu’à l’entraîner là . Sur son sentier trompeur, parcheminé de ronces aux allures de roses caressantes , aux parfums enjôleurs dont l’enveloppe se faisait sortilège.
Et lorsque la nuit occultait l’aurore, remplaçant la lueur divine d’impurs chatoiements, tout son corps avait crié après lui, réclamant son étreinte, et tout le sien avait plongé en elle, terrassant les barrières de la vertu.
Dans la moite langueur du soir, emportés dans un délice ardant, leurs corps s’étaient connus, unis, pour fusionner lascivement assouvissant la pulsion dévorante qu’il avait créée, orchestrée puis savourée et qui n’avait eu de cesse de s’accroître au fur et à mesure de leurs ébats.

L’aube glissante et tendre avait réveillé le Roi de son sommeil confortable, alors qu’il se prélassait encore niché au creux des draps, clignant délicatement et lentement de ses yeux ambrés pour encourager son corps las à sortir de sa torpeur.
Lui revenait alors en mémoire...L’absolu. Le début et la fin. L’ivresse des corps, l’envie puis...la morsure du plaisir. La première puis les autres.
Son esprit perdait encore le compte du déroulé de ses derniers batifolage mais l’empreinte de la nuit restait encore bien présente en lui, pour que le doute ne soit possible. Montaient en tête de ses souvenirs, des images, les sons, qui avaient rythmé leur ardant vertige aux contours encore sinueux mais à l’intensité inoubliable…

Sans bouger d’un iota, son corps se allongea davantage sous l’agréable chaleur des draps tandis qu’il divaguait encore, encore distrait par la mémoire brûlante de son dernier saut avant l’abysse. Sûrement avait-il sombré de fatigue, harassé de leur frénésie fougueuse. Il savait seulement qu’elle avait du s’y abandonner la première, juste vaincue de concupiscence, lorsque l’écho de ses soupirs extatiques s’étaient adoucis, juste avant qu’il ne cède aussi, en fermant à son tour les yeux, à regret. Et pourtant, le Temps s’était prolongé, indistinct, lors de cette nuit.
A présent, il voyait plus distinctement les conséquences et causes qui avaient précipité Alexis Child dans ses bras et s’interrogea sur la pertinence de l’acte. Regrettait-il ? Charnellement, non. Son amour-propre s’était enorgueillit davantage. Partager une nuit avec elle consistait en un parfait exutoire de frustration et de perfection de manière magistralement efficace. Son corps ressentait encore les stigmates de ses propres assauts, éreinté mais pourtant euphorique. Il l’avait possédée avec une vigueur cruelle et insatiable, se délectant de sa propre séduction… N’importe quelle femme aurait plongé comme elle, mais elle possédait suffisamment d’attraits pour faire office de calice, de bel ornement de sa propre magnificence. Et sa manière à elle, de se donner, si profondément à lui comblait ses attentes. Oh, non il n’aurait pas pu regretter la sensation de toute jouissance et puissance qu’il avait tiré de là. En plongeant au coeur d’Alexis, il avait renié la fidélité supposée qu’il témoignait à son épouse avec tout le dédain qu’il aurait toujours du lui consacrer. Pourquoi après tout y faire grand cas ? Cela envoyait aux gémonies ceux qui le déclaraient sottement épris de sa blonde femme ! Pitoyable. Pitoyable. Avait-elle seulement effleuré ses pensées autrement que pour attiser sa trahison ? Alors, il rejeta la pensée de son regard accusateur et blessé avec un agacement orgueilleux. Non. Pour cela, pourquoi donc devrait-il seulement éprouver une once de remords, lui qui n’en n’éprouvait jamais ? Qu’elle aille au Diable. Il ne devait plus rien. Ils lui devaient TOUT.

Mais pouvait-il balayer pour autant les conséquences autres que physiques qui avaient été causées par leur acte ?
Devait-il se morfondre ou au contraire se satisfaire d’avoir fait sienne cette femme ? Lui, un homme de son calibre, de sa distinction. Hier, cela ne lui avait fait aucun doute, tout à son analyse de son allure vestimentaire, de sa distinction, de la réelle attraction de ses traits aussi...et de l’état d’adoration passionnée dans lequel il la plongeait. Maintenant que la foudre était tombée, son ancien métier revenait le hanter, nourrissant ses craintes. Nul, autrefois, ne pouvait se gausser de dire que Preminger prenait plaisir auprès des femmes de petite vertu. Diantre, non, quelle horreur ! Son désir d’accession au trône par le mariage princier l’en avait détourné s’il y avait raison de le craindre, au regard du peu d’estime dégoûté qu’il adressait à ces femmes et ceux qui tombaient dans leurs filets. Pour une distinction racée comme la sienne, seul le haut rang restait estimable. Et cela l’avait suivi jusqu’ici encore. Si bien que son coeur avait tressaillit de frissons en songeant que ses lèvres s’étaient posées -et plus encore – sur….

IL ferma les yeux, pour pondérer ses réflexions acerbes et horrifiées. Certes, effectivement autrefois avait-elle mené cette...vie de...débauche parfaitement outrageuse et certes pas glorieuse mais.. cela constituait un étrange contraste à la prestation qu’elle lui avait fourni que cela soit en public ou dans l’intimité la plus entière. Elle n’agissait pas comme une prostituée, là où nul doute d’autres qu’elle, pourtant dénuées d’un tel passé s’y seraient jetées au seul regard de leur vulgarité… Et il pouvait ainsi affirmer qu’il n’avait pas lacéré son propre prestige en lui permettant de partager sa couche.
Que fallait-il en faire à présent maintenant que le plaisir avait été obtenu ? Sûrement pourrait-il en obtenir plus. Ce n’était pas une simple aventure mais une aventure savamment profitable. Des informations, des pistes, des contacts. Utile, tant dans la vie de tous les jours que sensuellement.
Un caprice. Le terme lui était venu hier, tandis qu’elle se coulait sous ses caresses et il était parfait. Parfaiiit.

Il eut un mouvement dans son dos, et il se stoppa, aux aguets. Il ignorait à vrai dire si elle dormait, ayant eu l’impression de percevoir au bout d’un temps conséquent le froissement d’un tissu léger dans son dos mais bientôt une sonnerie étrange et vite masquée se fit entendre. Vite étouffée par une voix basse, et inquiète.

- - Allôôô ?
- Tu fais quoi ?

Un gêneur impromptu et insistant au regard de la conversation qu’il aurait qualifiée d’insignifiante rapidement si un mot prononcé à la va-vite mais avec suffisamment d’agacement par sa charmante victime n’avait éveiller son attention subitement.

- Hadèèèès pitié, j’ai pas le temps-là, je peux te rappeler plus tard ?

Hadès. Une tension plus sournoise traversa le corps du notaire, faisant pondre un petit sourire malveillant sur ses lèvres, dissimulées à la vue de la jeune femme. Rien que « Monsieur le Maire » en personne… N’était-ce pas un merveilleux coup du sort que de recevoir à l’aube, cette incitation du Destin ? Plus que le plaisir charnel, voilà tout l’intérêt de cette nouvelle affiliation… Il le savait, l’avait su aussi. Par elle, il obtiendrait beaucoup. De la plus insignifiante confidence au secret d’État dissimulé au reste de la population… C’’était le trou de souris idéal, l’amie fidèle qu’on ne soupçonnait pas et par qui viendrait l’opportunité…

En attendant, il s’amusait, malicieusement, de la hâte manifeste avec laquelle Alexis le congédiait sans que ce dernier ne saisisse la raison pertinente dissimulée derrière ses actions. Elle ne voulait que raccrocher pour mieux se rattacher à ce moment… Et comment lui en vouloir ? Cela avait sûrement consisté pour elle en l’apothéose de son existence ordinaire. Elle rejeta les propositions du « divin », allant jusqu’à refuser son arrivée. Il n’osait imaginait la vision impromptue à laquelle Monsieur le Maire ne s’attendait pas à être confronté. Il n’empêche… il notait la pseudo affection que l’individu semblait ressentir pour elle. Jusqu’où allaient leurs liens ? Une bête amitié où ce lien côtoyait l’amour filial ? La dernière option, plus inattendue, l’arrangerait presque plus à l’avenir. Plus les liens seraient forts et plus ils seraient abusés et faibles face au danger. Ils ne le verraient même pas, focalisés sur leurs acquis…Et le diable se cachait dans les détails.

Elle raccrocha enfin et il prévoyait de faire volte-face, feignant le réveil lorsqu’une seconde sonnerie retentit. Il semblait qu’elle choisissait ces dernières en fonction des interlocuteurs et visiblement ce dernier autant que le premier ne valait guère grand-chose, même s’il avait au moins le mérite de ne pas être aussi pitoyable. Mais c’était une sorte de « pseudo » musique classique ridicule et curieuse qui ne lui évoquait rien, aucun nom de compositeur connu ni la moindre émotion musicale comme pouvait l’emballer le grand Vivaldi à titre d’exemple ou de ses contemporains dans son propre monde.

Alexis décrocha tout de même son téléphone, livrant par là, deux informations essentielles en moins d’une minute…
« Ton père » ; « Eliott ». Chronos. Le Ragnarok. Les deux lunes noires avaient du s’élever encore hier, alors qu’ils éteignaient le zénith de leur nuit. Elles reposaient accrochées dans le ciel, attendant leur Temps. Et leur futur instigateur se trouvait au bout du fil. Le sourire malfaisant du notaire n’avait cessé de croître, contre l’oreiller. Il avait décidé fait une excellente pêche.
Même s’ils ne donnaient plus leur nom, ils suffiraient qu’ils appellent pour qu’ils soient potentiellement identifiés à présent… Elliott… Devait-il réellement être surpris de découvrir qu’elle le connaissait également ? Son lien avec lui semblait différent. Fort. Il le devinait à sa manière de s’exprimer, plus naturelle, non forcée, comme un retour à l’enfance et aux caprices d’adolescents capricieux et inconscients des réels enjeux…. Gamine plus que femme à cet instant précis et visiblement la source de son appel lui arrachait des cris de collégienne. Au détriment de son éventuel sommeil, ce qui arracha une grimace agacée au notaire.
D’autant qu’il était certain que la justification des piaillements ne valait pas le quart de l’intérêt qu’elle semblait y mettre. Bien mieux aurait-il valu qu’elle jase comme une jeunette pour sa beauté et l’incroyable sort qu’il lui avait réservé. CA c’était inespéré et inouï… A la différence de l’autre… Au moins avec lui, possédait-elle un souvenir à chérir, impérissable, miraculeux toute sa vie durant.
Visiblement, la conversation visait un jeu vu que l’individu lui proposa de venir la chercher immédiatement. Ce qui supposait donc une sorte de capacité automatique de se téléporter jusqu’à eux, tout comme Hadès.
Mais elle déclinerait. Et l’entendre le faire le conforta dans son estime personnelle. Bien évidement. Tout aussi surexcitant que pouvait être l’objet et la perspective en question, cela n’occulterait jamais la merveilleuse situation présente. Aussi bien évidemment qu’elle ne viendrait pas…
Il avait tiqué lorsque de la voix assourdie de son correspondant avait mentionné « l’affaire » qu’avait pu terminer Alexis mais un froncement de sourcil froissa son superbe visage à l’interrogation innocente d’Elliot.
« - Ben ouais... mais t’es avec le vieux, nan ? »
Ainsi… Il avait été un second choix. Cela ne l’étonnait qu’à moitié, bien évidement que les prises de contact ayant été pour le moins récente, il restait logique que l’organisation secrète ait cherché à couvrir ses arrières en sélectionnant plusieurs potentiels accompagnateurs. Il avait, en revanche, supposé qu’Alexis avait appris sa sélection bien plus en amont que lui. Visiblement non. Cependant cela expliquait complémentairement l’état de nervosité extrême dans lequel il l’avait trouvée et qu’il avait en partie mis sur le compte de sa grande beauté. L’une n’empêchait pas l’autre. Cela avait du être bien déroutant et un soulagement intimidant pour elle. Malgré tout, quelle idée ridicule d’avoir sélectionné un individu plus âgé…
Elle ne détrompa pas « Elliot » lorsqu’il lui prêta une liaison avec un français et se complu dans un silence avec une sorte de soulagement qu’il ressentit clairement avant de raccrocher à nouveau.

Il pouvait encore feindre le sommeil mais cela l’aurait rendu hypocrite ou profondément paresseux de prime abord. De toute manière, pourquoi donc aurait-il fait autrement ? Si encore, il pouvait de l’endroit où il se trouvait s’observer dans le miroir mais elle se trouvait mal agencée et plus encore il n’avait pas pu déposer son miroir de poche sur la table basse hier soir, son égo ayant été pris par d’autres priorités…
Donc, il profita du fait qu’elle reposait visiblement le portable sur sa propre table de chevet pour faire pivoter son corps vers elle et le centre du lit, passant son bras droit au dessus des couvertures.

Elle ne s’en rendit pas compte sur le moment, ses yeux clos et les mains passants douloureusement sur son visage comme pour en chasser l’épuisement. Puis, ses paupières s’ouvrirent sur ses yeux, idéalement placés dans son champ de vision. Depuis hier. Elle y pensait, il le savait, il le faisait aussi, mais sûrement d’une manière différente. Sûrement se perturbait-elle de leur nouvelle intimité, là où lui n’avait vu qu’un moment intense de plaisir, pas réellement constitutif d’un échange d’âme. La sienne, noire et sombre, restait intacte, cachée aux yeux de tous, encore. Et ce n’était certainement pas une coucherie qui offrirait à quiconque un pouvoir quelconque sur lui. Que nenni ! Mais l’inverse était vraie en revanche. Et la preuve s’en trouvait incrustée sur les marques de fatigue de l’entièreté de sa peau.

En signe de jour, il avait laissé son début de sourire, doux et lent comme un sortir de sommeil, remonter délicatement le haut de ses pommettes :

- « Nul besoin de s’excuser. Les songes sont charmants mais la beauté de la réalité est bien meilleure. » commenta-t-il avant de reprendre « Je me doute. Une chance que j’ai pensé à couper ma ligne professionnelle, j’avoue que discourir sur la pertinence d’un testament ne me tente pas. » il avait glissé un regard sur les draps les séparant et ajouté « Particulièrement actuellement. »

A vrai dire, il évitait de porter le moindre geste vers son propre téléphone sachant très bien ce qu’il y trouverait. Des messages de Midas discourant sur la pimbêche, des appels au secours de Nack pour l’énième bêtise de son benêt de frère et surtout Georgia. Évidemment qu’elle n’avait pu s’empêcher de lui envoyer un message pour s’excuser, le complimenter ou que sais-je… Il le ferait….plus tard sûrement. A vrai dire, il s’en moquait. Donc pourquoi donc prêter attention à ce genre de choses à cette heure si prometteuse ? L’avenir de cette seule matinée pouvait être si intéressant.
Avec une pointe mutine, masquant mal sa gêne, elle avait évoqué le canapé et les yeux verts dorés du notaire firent la navette jusqu’à ce dernier avant de se poser à nouveau sur le visage d’Alexis :

- « Oh. Oui. Mais, je n’avais pas envie du canapé » déclama-t-il dans un sourire en coin.

Elle paraissait frêle enveloppée ainsi dans le lit, frêle et pure. Pureté ironique au regard de son passé mais tout de même, il y avait en elle, une candeur sincère, une franchise nette et spontanée qui ne trompait pas. Elle parvenait à la déguiser, suffisamment efficacement pour entrer dans la peau de Marie Smith mais lorsqu'il la soumettait à son regard, alors devenait-elle limpide, transparente à son jugement. Nue sous ses yeux.
D’ailleurs, chose amusante pour les mœurs de l’époque, mais qui ne rebuteraient pas le courtisan du XVIIIème qu’il était, elle avait conservé le vouvoiement comme une marque de déférence. Plus peut-être par hésitation mais pour lui où cela se trouvait être naturel et particulièrement seyant à son oreille, il ne fit aucune réflexion sur le sujet, poursuivit-il de même.

- « Je pensais commander un petit déjeuner, qu’en pensez-vous ? » Déjà décrochait-il le téléphone fixe de la chambre et ordonnait sa commande, avec une hâte élégante et maîtrisée.

Cela la dérangerait peut-être mais il souhaitait conserver l’instant ainsi de peur que l’opportunité lui échappe pour un instant de trop. Alexis était une femme comme ça, entière, passionnée mais effrayée, nerveuse dans les sentiments et un sentiment de trop insistance comme un total désintérêt pouvait la paralyser jusqu’à lui donner le réflexe de fuite. Il ne le permettrait pas. Dès que la roue de la vie quotidienne s’enclencherait, elle s’y soumettrait par automatisme, satisfaite de pouvoir s’y engouffrer pour quitter cette situation nouvelle. Et lui devrait persister encore pour mieux placer son pion. Alors en attendant… Il se tourna à nouveau pour la dévisager

- « Avez-vous bien dormi ? »

Il sondait ses yeux bleus, en connaissant déjà la réponse. Ses doigts passèrent sur son front, pour le dégager de quelques mèches entremêlées qui témoignaient de leur brûlant égarement puis glissèrent sur sa joue, tendrement :

-  « En ce qui me concerne, à merveille. Il faut dire que vous m’avez fait tomber de fatigue, mon trésor. »

Il l’avait dit, droit dans les yeux pour ajouter à leur intimité. Un climat de confiance et de fausse vulnérabilité, voilà ce qu’il convenait d’arriver à instaurer. Qu’elle pense que l’émoi qui meurtrissait agréablement son coeur se reflétait dans le sien, semblablement et qu’il était soumis à la même torpeur délicieuse qui faisait rosir ses joues par un sentiment différent du seul désir.

- « Regrettez-vous ? Moi, non. Comment le pourrais-je seulement ? »

On sonna à la porte, et il leva un index pour la faire patienter, puis soulevant la couette, pour mieux se glisser prestement hors du lit. Dommage, il n’avait pas pensé à sortir le moindre peignoir à proximité de son lit mais cependant, l’armoire se trouvait à un pas et cela permettrait à Alexis de l’observer sous la lumière du jour encore, pour mieux encore chanter ses louanges morphologiques. Aussi posa-t-il ses pieds nus sur la moquette moelleuse, pour ouvrir tranquillement la porte de l’armoire. Avant même d’esquisser le moindre geste, il se retourna observant la jeune femme pelotonnée dans le lit avec une sévérité exagérée. Puis, sans hésitation aucune, il se saisit d’un ravissant peignoir de soie d’un violet sombre aux reflets bleutés pour l’enfiler et ouvrir la porte au plateau somptueux qu’on lui présentait, avant de claquer sèchement la porte au nez du domestique, tout en claironnant un remerciement superflu. De toute manière, le petit couloir empêchait toute visibilité à Alexis, et il eut tôt fait de rapporter le plateau jusqu’à sur le lit, l’odeur des petits pains chauds embaumant la pièce, se mélangeant à celles du thé qui chatoyait ses papilles. L’homme parfait assurément.. Qu’elle profite donc, il ne le ferait que le temps de s’assurer sur elle une emprise parfaite… Une fois cela fait, comme elle se plairait et se complairait à lui apporter pour enthousiasmer son réveil. Il s’assit sur le lit, le peignoir entrouvert, sous les draps à nouveau, rejoignant Alexis puis désigna le plateau avec un excessif entrain

- « Là, mon trésor, n’est-ce pas des plus jolis ? Servez-vous donc. Faites donc honneur à cette ville, ne la trouvez-vous pas flamboyante ? Et fascinante ! »

Joignant le geste à la porte, il saisit entre le pouce et l’index la cuillère à disposition, étala de la confiture sur le croissant dont la chaleur se diffusait jusqu’à sa main. Puis, dans un enthousiasme exagéré, le porta à ses lèvres pour en croquer un bout  avec délice

- « Divin, assurément. Même si cela ne vaut guère les petits fours dont se goinfrait l’ambassadeur hier avant sa déconvenue. Votre mission vous amènera à le revoir n’est-ce pas ? » il eut un reniflement hautain, non guère pour cette perspective mais bien pour l’homme, avant de hausser les épaules avec indifférence « Tout de même, VOUS, vous avez été brillante, hier. » flatta-t-il en posant un bras négligeant sur l’oreiller non loin de son visage « Je comprends pourquoi cette association vous accorde sa confiance. Tout comme je suis flatté d’avoir été élu, mon simple novice, pour être intégré à ce plan, qui j’avoue me dépasse… Et j’ignore s’il faut en être admiratif ou si au contraire je dois me morfondre de mes actes. Faites-vous souvent cela ? Une diversion pour orchestrer un vol ? Le mot est si vilain… mais pourtant vrai. Viendrai-je malgré moi d’entrer dans une sorte de marché noir ?

Il inscrivit, hypocritement, une mimique inquiète sur son beau profil, puis fit un « effort » pour l’en faire disparaître, pour mieux se saisir de sa tasse de thé, souffler sur le liquide chaud:

- « N’empêche...Qu’espèrent-ils faire de tout ceci ?  »

Peut-être le savait-elle. Peut-être l’ignorait-elle. Peut-être ne pouvait-elle pas en parler. Mais il aurait été assez idiot d’éviter ce sujet à présent qu’il faisait partie entière d’un événement qui les avait « liés ». Et le savoureux passe-temps de la nuit n’effaçait pas les interrogations intéressées du notaire. Là où se cachait un secret, il voulait faire clarté pour que les seuls recoins d’ombre acceptés par sa lumière soient les siens. Les remords de certains, les cachotteries d’autrui, les méfaits d’un tel, tous il voulait les connaître, pour garder en mémoire le grand échiquier duquel il déplaçait ses pions. Aujourd’hui, il venait de faire l’acquisition d’une très belle pièce. Sagesse serait d’en user aussi utilement que possible tout en s’offrant le plaisir de la distraction.

Après une gorgée chaude, il reposa la tasse sur le plateau, pour l’observer, laissant son index remonter le long de son bras, jusqu’au sommet de son épaule. Elle n’était pas dénuée de charme, oui, sinon ne l’aurait-il même pas regardée, ce petit oisillon robuste, trop faible pour voler jusqu’au firmament. Il lui plairait de le lui faire comprendre ou de l’élever. La finalité importait mais l’issue, positive comme négative ne témoignait que de son pouvoir.
Sur son épaule, la totalité de ses doigts venait à présent se cramponner.
Il l’appelait non d’une manière formelle mais comme une délicate demande d’attention à son égard, pour la forcer à détourner son regard de son en-cas pour le dévisager. Et lorsqu’elle le fit, il lâcha le haut de son bras, pour venir poser son menton sur son épaule, l’entourant de son bras droit,

- « Malheureusement, je suis un homme des plus occupés«  ajouta-t-il sur un ton important, avec hauteur « douloureuse » « Et pourtant y a-t-il plus agréable ? Etre là, à Paris… . Les parenthèses enchantées sont toujours agréables.En toute "sincérité", je pense que je pourrais m’habituer si vous me teniez compagnie.  »

Par dessus son épaule, il huma son propre parfum dans les boucles brunes mélangée à l’odeur appétissante des pâtisseries fraîches et il resta un instant ainsi avant de se reculer, lentement tout en déclarant :

- « Bien. Si vous voulez bien m’excuser, je vais faire ma toilette. »

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