« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver.
Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
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 Human

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Axel Oswald
Alec Sacabeu
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Human - Page 4 _



________________________________________ 2021-05-26, 21:09



Human

J
ouait-elle un rôle constamment ? Iris ne savait plus, en vérité, qui elle était vraiment. Était-elle Sara ? Était-elle Iris ? N’était-elle aucune des deux ou un mélange des deux ? Quelque chose de plus qu’il restait encore à déterminer ? Elle n’en avait pas la moindre idée, alors que lui, il en semblait persuadé. Qu’y avait-il, chez elle, pour lui donner une réponse si nette à toutes ces questions ? Comment pouvait-il, sans la connaître, jurer qu’elle était bridée et jamais elle-même ? Là non plus, elle n’en avais pas la moindre idée. Cette ignorance la perturbait. Elle ne voulait pas se pencher davantage sur la question, consciente qu’elle n’obtiendrait, jamais, une réponse aussi claire et rapide que lui.

Qu’adviendrait-il, si elle cessait d’être l’une ou l’autre pour n’être qu’elle ? Une nouvelle question qui évinça toutes les autres et fit passer, pour une poignée de secondes, des ombres dans son regard. Iris s’était persuadée qu’elle périrait dans ce combat, que c’était la raison pour laquelle ses parents ne voulaient pas d’elle qu’elle le mène, la raison, justement, pour laquelle elle le ferait tout de même. Elle était la seule à pouvoir se sacrifier pour le bien commun, pour que tout le monde soit, enfin, débarrassé du grand méchant de l’histoire. Iris n’était pas l’héroïne d’un happy end. Elle pousserait son dernier souffle en même temps que Gordon. Elle ne voyait pas comment il pourrait en être autrement. Peut-être que ce souffle serait le sien, ni celui d’Iris, ni celui de Sara. Juste le sien. Enfin débarrassée des personnages pour s’incliner sur scène, saluer le public et attendre que le rideau tombe sur elle.

À nouveau, elle puisa dans ses meilleures défenses pour se débarrasser de cette question et revenir au présent, à cet abruti de pompier qui voulait l’enfermer, plutôt que de lui laisser sa liberté. S’il pensait ses mots, elle le lui ferait regretter, sans le moindre doute. Iris n’était pas femme à se laisser emprisonner. Étonnamment, Sara la rejoignait sur ça. Elles avaient, toutes les deux, besoin de liberté, de voler où elles le voulaient, où elles le devaient pour réussir leur quête, sans éveiller les soupçons de l’ennemi. Aucune main, aucune laisse, rien ne pourrait jamais les priver de leur liberté. Tout comme ses papillons, Iris savait qu’elle fanerait aussitôt qu’elle serait enfermée. C’était, peut-être, pour cette raison que ses parents ne disaient rien sur ses nombreuses sorties, à peine inquiétés par les rumeurs à son sujet.

– Je te couperais les deux bras, pour être certaine que tu ne le fasses pas, répondit-elle, un sourcil haussé, comme un défi lancé entre eux.

Elle n’était pas tout à fait sérieuse, Iris, mais elle sut donner tout le sérieux nécessaire à son visage, au ton sec de sa voix. Il était hors de question qu’un homme se tatoue son prénom sur le corps, comme un fan transi, un amoureux éperdu. Elle ne voulait pas laisser ce genre de marques derrière elle, à devoir parier, dans quelques années, sur le motif qu’il choisirait pour recouvrir ce crush impossible et vite laissé tomber. L’ironie voudrait qu’il choisisse un papillon, mais elle misait, plutôt, sur un tribal ou une salamandre. Quelque chose d’assez masculin pour faire craquer les filles et qui rappellerait, au passage, le métier qu’il avait choisi.

– Wow, quel tombeur, rétorqua-t-elle, sans une once de chaleur dans la voix. T’as appris tes phrases d’accroche dans un carambar ? Ça m’a tout l’air d’une blague qui ne fait même pas rire.

Iris n’était pas le moins du monde touchée par ses histoires de perfection. Il pouvait croire ce qu’il voulait, elle savait, elle, que ce n’était pas la vérité. Elle était, plus ou moins, lucide sur ce qu’elle était. Elle avait de gros défauts qui ne pouvaient pas être mis de côté. Sara était l’un d’eux, au fond. Comme une tache impossible à enlever, qui restait là, en plein milieu du t-shirt, peu importe le nombre de lessives qu’il subissait. Elle avait, aussi, de gros soucis de confiance et ne savait pas vraiment travailler en équipe. Ce qu’il risquait de comprendre bien vite.

– Demande-le-moi pour de vrai et ta copine ne sera qu’un vilain souvenir. Je garantie pas qu’elle ne finisse pas à l’hôpital, ceci dit. Sara a de petits soucis de violence refoulée.

La rose était, plus ou moins, connue pour ses vengeances terribles sur les quelques étudiants qui avaient osé lui faire des crasses. Les professeurs, aussi, avaient déjà payé pour ce qu’ils avaient osé lui dire ou faire contre elle. Combien de jeunes filles avaient, soudain, loupé une marche dans les escaliers ? Combien de punaises avaient été versées dans les assiettes par inadvertance ? Iris s’en voulait et portait sa culpabilité lourdement sur les épaules, mais elle n’avait pas le choix. Généralement, elle s’arrangeait pour que les dommages soient minimes. Les chutes étaient rattrapées, les punaises débusquées avant d’être mangées. Mais l’intention restait la même, au fond.

Iris leva les yeux au ciel, à l’entente de ce surnom. Elle n’avait, franchement, pas envie d’être appelée ainsi. C’était… nul, cliché, même pas mignon pour deux sous. Les anges, ça ne la faisait vraiment pas rêver. La plupart étaient représentés par des bambins grassouillets, les autres étaient asexués. Rien à voir avec elle, sans le moindre doute. Sara n’avait aucune once de gras sur le corps et une bonne trentaine de personnes prêtes à jurer qu’elle était bel et bien une femme. Mais elle ne préféra pas relever davantage, pour ne pas le laisser gagner. Sara aurait tout le temps de lui donner des tonnes de surnoms pourris pour se venger.

– C’est pour toi que je dis ça. Ça ne fait aucune différence pour moi, cicatrice ou pas, je m’en fiche royalement.

Ce n’était pas elle qui les portait, toutes ces cicatrices, c’était à lui de voir s’il voulait les garder ou les retirer. Iris ne comptait pas choisir pour lui. Ça ne la regardait pas, au fond, et elle ne voulait rien à voir affaire avec cette histoire. Elle n’était que le messager : elle venait lui montrer qu’il existait une autre route possible. À lui de choisir la bonne direction, maintenant.

Elle avait, de toute façon, plus important à penser, dans l’instant, que de faire disparaître ou non les cicatrices du pompier. Iris, plus stressée qu’elle ne l’imaginait, dut se concentrer pour lui offrir ce qu’il désirait tant contre la vie de son papillon. Si elle avait su qu’elle n’aurait pas eu besoin de se lancer… Le baiser aurait vite été changé en une dérouillée comme ses propres parents n’oseraient pas lui en donner. Il était trop tard, maintenant, et Iris l’embrassa avec plus d’intérêt qu’elle ne l’aurait pensé. Elle mit ceci sur le compte de Sara et de cette fâcheuse habitude de ne jamais se contenter d’un petit baiser innocent. Au fond, quelle différence y avait-il entre celui-ci et celui qu’elle lui avait donné dans le camion de pompier ? Elle ne préféra pas trouver de réponse à cette question.

Le sourire idiot de Seth ne la rassura pas plus que la main qu’il leva, audacieux, pour toucher une mèche de ses cheveux roses. Elle se retint de lui baffer la joue pour lui remettre les idées en place et qu’il comprenne que ce n’était ni un jeu, ni un rêve. Il avait tout intérêt à libérer son papillon et cesser de jouer les débiles, maintenant. Alors, d’un revers de main, elle chassa celle du pompier et se redressa de toute sa hauteur pour le regarder de haut, avec le mépris qui allait bien à Sara et cette assurance qu’elle avait, toujours, au fond de ses yeux bleus, persuadée de pouvoir avoir le monde à ses pieds quand elle le voulait.

– Tu rigoles ? Je me disais plutôt que Conrad, c’est pas loin de connard. Ça ferait un beau surnom, ça, non ? Atterris, l’abruti, on a d’autres choses à faire que baver sur ce qui n’arrivera plus.

Elle claqua des doigts, juste sous son nez, en espérant que ça suffise à le ramener sur terre. S’il réagissait ainsi chaque fois qu’ils viendraient à s’embrasser, ils ne seraient pas sortis de l’auberge… Il n’avait, pourtant, pas réagi ainsi, la première fois, de ce qu’elle se souvenait, en tout cas.

– J’espère que t’as pas oublié ta promesse : je veux voir mon papillon libéré. Alors, on fait comment ? Je te laisse là, ruminer comme un adolescent, et tu m’envoies, plus tard, la vidéo de sa libération ou on va s’amuser à faire une scène devant ta copine et tu me laisses être témoin direct de ce que tu m’as promis ? J’adore faire des scandales, ajouta-t-elle, en secouant ses cheveux comme Sara le faisait si bien.

En attendant la réponse de Seth, elle contourna la table pour revenir près de Caleb, qui dormait toujours à côté. Elle lui tapota gentiment la joue, vérifia la régularité de sa respiration et la profondeur de son sommeil, et se redressa, une moue déçue sur le visage. Visiblement, le colosse n’était qu’un gros bébé et il ne comptait pas se réveiller de sitôt. Elle fouilla, donc, directement dans la poche de son pantalon, sans s’inquiéter de le tripoter sans son consentement, pour trouver un feutre rose.

– J’ai un rendez-vous, ce soir, pour essayer de démasquer la prochaine cible de Gordon et l’empêcher d’agir. Je veux bien t’emmener avec moi, mais il va falloir te tenir à carreaux. Et te faire passer pour un mutant, mais je m’en charge.

Elle débouchonna son feutre et tira le bras de Caleb pour écrire directement sur sa peau sombre. À l’instant où elle eut fini son message, les lettres remontèrent dans son bras et disparurent sous ses vêtements. À moins de lui arracher ses habits en plein milieu de la bibliothèque, ce qu’elle doutait être possible, le message resterait caché des curieux et c’était bien mieux comme ça.

– Alors ?

Elle tapota le cul de son feutre sur la table, ses yeux bleus braqués sur Seth. Visiblement, ils risquaient d’avoir une journée chargée.

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