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Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
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 Double jeu

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Gajeel Redfox
Axel Oswald
S et S Kamiya
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Double jeu - Page 2 _



________________________________________ 2020-10-19, 01:29

Cette histoire de sourire ne plaisait pas à la légiste et ne lui en tirait aucun, à elle. Elle comprenait ce qu’il sous-entendait, ce qu’il essayait de faire à se forcer comme il le faisait. D’ailleurs, si Shannon pouvait se permettre de le voir, de deviner le faux sous ses sourires intempestifs, c’était certainement parce qu’elle avait eu cette période de sa vie, comme lui, pendant laquelle elle s’était tant forcée à sourire. Aujourd’hui, elle n’avait plus personne qui lui demandait de le faire et elle se contentait d’être elle-même. Seuls ses parents avaient encore le droit à ses faux-semblants, comme pour les persuader que tout allait bien, qu’ils ne devaient pas s’en faire, qu’elle survivait dans ce monde fou.

– Pas besoin d’être humain, avec moi. Je te signale que je côtoie des morts à longueur de journée, alors ton sourire, tu vois…

Elle haussa les épaules, l’air de rien, comme si ça ne la touchait pas, toutes ces histoires. Au fond, qu’il sourit ou non, ça ne changeait rien. Il restait un criminel et elle, une légiste. Le bien et le mal, associés comme le Yin et Yang. Elle se demanda, un instant, les yeux braqués dans les siens, quelle était cette part de mal qui sommeillait en elle. Sa part de bien, à lui, était flagrante, posée sur elle pour la soutenir, pour l’aider à faire ce qui devait être fait, sans détourner les yeux devant la plaie, devant ses gestes. Il restait là, impassible, sans sourire. Et elle trouvait tant de ressemblance avec elle, en lui, que cela la perturbait affreusement.

Un criminel, se répéta-t-elle, un tueur, un membre de gang. Et ses titres, tous peu flatteurs, tournèrent en boucle dans son esprit pour la persuader elle-même que cette part de bien, en lui, était fausse, viciée au plus profond de son âme. S’il tendait la main, vers elle, c’était pour obtenir des réponses à ses questions. Quand elle les lui aurait données, elle ne serait plus qu’une biche effrayée et, lui, un lynx affamé. Mais Shannon n’était pas une princesse en détresse et, tueur ou non, elle refusait de se laisser faire. Elle se tiendrait prête, sur ses gardes, et elle se défendrait du mal.

– Qui peut me jurer que tu resteras sagement derrière la porte à surveiller ? Que tu ne t’endormiras pas debout ? Ne le jure pas toi-même, je n’y croirai pas. Alors que si tu restes bien en vue, je peux m’assurer moi-même que tu fais ce que tu promets. Et, oui, je fermerai à clé.

Shannon pouvait, parfois, être têtue et elle n’en démordrait pas. Si Anders sortait, même la porte fermée, elle ne pourrait s’assurer qu’il ne rejoigne pas ses camarades pour monter un plan contre elle, ou qu’il ne tente pas d’appeler ses agresseurs pour négocier. Contre quelques billets, il pourrait renier cette part de bien, en lui, pour se laisser envahir par le mal. Il était un tueur, pas un enfant de chœur. Pourquoi la protégerait-il, s’il pouvait négocier auprès de ses ennemis pour n’engager aucune guerre entre les deux camps ? Il valait mieux qu’elle le garde à l’œil.

– Ne jouons pas au plus idiot, tu veux bien ? On sait très bien tous les deux que je ne dormirai pas cette nuit.

À nouveau, elle haussa les épaules, comme pour se débarrasser d’un poids qui pesait sur son dos et la forçait à ployer l’échine. Elle ne mentait pas. Shannon avait beau avoir retrouvé un chemin, dans sa panique, elle sentait que le souvenir pointerait le bout de son nez, à l’instant où elle fermerait les yeux pour s’endormir. Si elle réussissait à s’endormir, par quelque miracle ou terrassée par la fatigue, elle ne doutait pas de se réveiller en sursaut au beau milieu d’un affreux cauchemar. Une pensée qui pouvait jouer en la faveur d’Anders, puisque la brune n’avait pas envie de lui montrer ça. Néanmoins, elle préféra se convaincre que, de toute façon, elle ne dormirait pas.

– Tes vêtements iront. (Elle avait, après tout, l’habitude des vêtements d’homme.) C’est pour ça, le sourire… commenta-t-elle, pensivement. Je comprends. Vraiment. Mes parents ont longtemps cru que j’étais frustrée et que je devais me trouver un copain pour me décoincer, comme tu dis. Ils m’ont même préparé des rendez-vous arrangés. (Elle grimaça un peu, à ce souvenir.) Je veux bien jouer le jeu.

Ces rendez-vous s’étaient tous très mal terminés. Au début, Shannon s’en était un peu voulue de s’en prendre à ses prétendants, mais elle avait dépassé ce stade depuis longtemps, persuadée que eux, de toute évidence, étaient au courant. Alors qu’elle, non. Elle mordait à l’hameçon, trop bonne trop conne, dit-on, et finissait par se retrouver devant un parfait inconnu qui devait, alors, subir ses humeurs. Évidemment, Shannon s’en prenait également à ses parents mais, habitués à pire, ils finissaient toujours par recommencer. Pour éviter à Anders ce genre de choses, elle voulait bien faire semblant d’être ce que Jason avait cru d’elle. À une condition, forcément.

– Si tu restes ici, avec moi. Dans la chambre.

Au moins, il ne pourrait pas, maintenant, se cacher derrière une excuse bidon du style « je n’avais pas compris l’allusion, pardon » ce que Shannon faisait, parfois, pour d’autres choses. Elle préférait prendre les devants, poussée par ces similarités étranges entre elle et lui. Mais ses mots, ensuite, la détournèrent de ses convictions et elle perdit de sa fausse autorité pour se parer d’un très faible sourire, à peine un frémissement, à ses commissures, ce qui était déjà plus que beaucoup d’autres n’obtenaient en plusieurs journées consécutives à la côtoyer.

– Dommage pour elle, j’imagine, répondit-elle, dans un souffle, concentrée sur le tatouage sur son cou.

Il y avait quelque chose de fascinant dans ce dragon qui ornait sa peau blanche, ressortait si fortement sous la ligne de la mâchoire. Elle essayait de se persuader qu’elle l’avait déjà vu, ce qui était, en soi, une bonne excuse pour ne pas avouer qu’elle avait une espèce de fascination un poil inquiétante pour les tatouages. Shannon avait la peau immaculée de la moindre trace, incapable de plaquer le moindre dessin sur son corps, mais elle avait toujours été curieuse de ceux des autres. Sauf que les morts ne pouvaient pas répondre à ses compliments.

Un merci qui la ramena sur Terre et lui fit prendre conscience des doigts qu’elle glissait sur l’encre noire. Sous ses caresses, elle sentait qu’Anders n’était plus aussi détendu qu’avant. Un phénomène qui ne lui avait pas échappé, quand il l’avait portée jusqu’ici. Après tout, la légiste était payée pour déceler la moindre crispation suspecte des muscles chez les morts, alors elle ne pouvait s’empêcher de le remarquer chez les vivants. Elle retira doucement sa main.

– Désolée. Je te jure pas de pas recommencer, par contre.

Ce qui fut dit dans sa franchise habituelle, loin d’elle l’idée de prendre des détours, alors que le raccourci coupait court, sans possibles malentendus. Oui, elle serait sûrement tentée de le toucher à nouveau, tout comme elle touchait, généralement, la moindre marque sur la peau des cadavres qu’on lui confiait. Shannon était peut-être un peu bizarre, mais c’était ainsi et elle ne changerait jamais. Elle avait, depuis longtemps, arrêté de faire semblant d’être une femme comme les autres.

Une chose qui faisait l’affaire d’Anders, alors que la brune ne s’inquiétait ni de sa tenue, ni des mains qu’il posait sur elle pour l’aider à se déplacer jusque dans la salle de bain. Elle grimaça devant la baignoire, consciente qu’il lui faudrait affronter une douleur incommensurable pour enjamber le rebord, mais elle devait avouer que le petit tabouret qu’il posa dedans serait bien pratique. Les mots, eux, lui firent penser à ce qu’il ne pourrait, sans doute, jamais penser : aux morts et aux plaies qu’elle devait laver pour les détailler et les identifier. Une pensée qui lui fit froncer fort les sourcils sur ses yeux sombres et demander, cash, une question à laquelle il ne devait, sans le moindre doute, pas s’attendre le moins du monde :

– Je ne suis pas morte, pas vrai ? Il ne m’a pas tuée ?

Son corps essayait de lui crier que non, rappelant à elle la douleur de ses deux blessures et des nombreuses ecchymoses qui commençaient à poindre dans son dos, sur son visage et sur ses membres. Néanmoins, ça ne lui suffisait pas. Shannon s’était toujours demandée ce qui arrivait, après. Peut-être que son cerveau, à elle, était plongé dans le déni et qu’elle était morte, même s’il lui faisait croire le contraire. Elle n’avait jamais entendu parler d’une chose pareille, mais qui pouvait lui jurer que ce n’était pas vrai ? Elle attendait, en tout cas, qu’Anders le fasse pour elle. Pour la rassurer.

Un criminel, un tueur, un membre de gang, un meurtrier.

– Oui. Aide-moi.

Elle avait beau être revêtue d’un pantalon noir plus ample que les pantalons à la mode, chez les femmes, Shannon savait sans avoir besoin d’essayer que le fil qui refermait sa plaie, ne tiendrait pas longtemps si elle devait se tortiller pour l’enlever. Sauf qu’elle ne voyait pas comment elle pourrait se débarrasser de tout ce sang, dans ses cheveux et sur sa peau, en gardant ses vêtements. Elle fit donc la seule chose en son pouvoir, pour l’instant : elle déboutonna son pantalon et posa la main sur l’épaule d’Anders pour garder l’équilibre. Le reste, ce serait à lui de s’en occuper, ce qu’elle lui fit comprendre d’un regard appuyé.

– Tu n’as pas besoin de te justifier à tout bout de champs, avec moi. On est deux adultes responsables, non ? Je ne vais pas crier au viol, j’ai pas que ça à foutre. Aide-moi au moins pour ça, précisa-t-elle, en tirant sur la ceinture du pantalon. Pour le reste, je pourrai sûrement me débrouiller, si ça te gêne. Mais oublie pas : t’as intérêt à rester dans mon champ de vision. T’as juste le droit d’aller chercher tes vêtements et de revenir.

Sinon quoi ? Elle n’en avait pas la moindre idée, mais elle releva le menton, prit un air sûr d’elle et fit mine d’avoir une idée en tête. Généralement, elle n’avait pas besoin de trouver d’idée précise pour que ses menaces fonctionnent. Avec Anders, elle avait un petit doute, mais elle connaissait, maintenant, un petit point faible du tueur. Et elle n’hésiterait pas à s’en servir s’il essayait de la rouler.

Shannon n’était pas une princesse en détresse pour la simple et bonne raison qu’elle n’était pas une princesse du tout.


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Double jeu - Page 2 _



________________________________________ 2020-10-20, 17:16

Anders nota dans un coin de sa tête qu’il fallait dire à son abruti de frère de meilleur ami que NON sourire n’aidait pas forcément, et qu’il avait trouvé pile la femme pour lui dire exactement ce qu’il pense. Alors il ne souriait plus. Il la regarda juste dans une froideur bien à lui. Observant les mouvements et anticipant ce qu’il pourrait faire pour soulager douleur et mécontentement … Il allait dire qu’en ça, le fait de côtoyer les morts, ils étaient pareils mais s’abstient au dernier moment … pas la peine de lui rappeler qu’elle aurait pu avoir un cadavre tuer par ses soins dans sa morgue.

Quoi qu’avec lui on ne retrouve jamais le corps.
Mais ça c’était une autre histoire bien différente.

Pour le moment, lui ne se posait pas de question sur le bien et le mal. A des années lumières de cela. Il était juste en train de l’aider parce que c’était ce qu’il devait faire. Il était policier avant, il voulait le devenir et en était à un cheveux … mais il avait dû renoncer. La justice n’était pas fait pour lui, et encore moins la légalité. Alors il préférait et de loin continuer son petit bonhomme de chemin comme il le faisait en cette instant.

- Si elle est fermé, même si je m’endors en poirier ça ne changera rien que tu auras ta porte fermé à clé….

Il ne comprenait clairement pas la logique. Lui, il aurait apprécier à sa place de pouvoir être tranquille. S’il reste dans la pièce, quoi qu’elle fasse, il le saura. Elle pourra même pas péter au besoin … alors pourquoi ? Il ne pouvait pas comprendre les méandres d’un cerveau aussi différent que le sien. Lui, plus il était seul, et vraiment seul, pas le seul d’un film d’horreur, mieux il se porte.Il ne pouvait pas s’imaginer les films qu’elle se faisait dans sa tête, et auxquels il ne pensait même pas. Et pourquoi s’entêter alors à ne pas dormir ? Il ne la comprenait pas. Mais si ça lui fait plaisir.

- je resterais ici. Si tu t’endors je ne bougerais pas.

Et si elle faisait des cauchemars ? Spoiler, il ferait certainement en sorte de la calmer sans la réveiller, et y avait pas trente six manières de faire cela … un gros câlin c’était tout ce qu’il fallait. Mais ça, c’était pas lui qui le disait …. Il hocha la tête quand elle dit que les vêtements iront, pour le moment en tout cas.

- Jouer le jeu ? Tu veux te faire passer pour une prostituée maintenant que j’ai dis que tu étais une femme à protéger et découvrir ce que te voulais tes agresseurs ?

Il ne voyait pas comment elle pourrait faire passer le mensonge d’avoir fait quoi que soit avec lui alors qu’il était sur que la moindre cambrure de son ventre déchirerai les faibles Coutures qu’elle avait fait à l’instant. Ce n’était pas à imaginer. Il allait juste devoir supporter Jason et son envie de le voir au moins une fois avec une femme, intimement. Pas dans le sens le voir faire l’acte … mais voir que ce n’était pas réellement une statue qui bouge mais bien un être humain dotait de désirs sous la carasse.

- Même si je ne comprends pas pourquoi, je resterais dans ta chambre. Mais ne viens pas dire que je ne l’ai pas proposé si les filles du club commencent à me traiter de goujat !

Parce qu’elle pourrait très bien se liguer contre lui. Les filles avaient bien compris que les membres du club Valentine ne les toucherait jamais. Même Jason ne l’avait pas fait, préféré voir ailleurs et tout ça gratuit. Alors, on pouvait dire qu’ils étaient tous amis… Et elles seraient lui faire payer le manque de courtoise pour une femme. Il la regarda alors qu’elle avoua, un peu étrangement, qu’il était dommage pour son « cadeau » de ne pas être utiliser ? Il se demanda un instant si elle réalisait les deux choses que sous entendait sa phrase. Premièrement qu’une femme pouvait être un cadeau et définit comme tel, même s’il l’avait dit en premier, il avait mis le ton pour lui donner la subtilité qui doit. Deuxièmement, que c’est dommage de pas coucher avec …. Il préféra se détourner de cette phrase et de ce contact sur sa peau.

- c’est rien, c’est juste … pas commun.

Il sentait encore la chaleur des doigts de la jeune femme contre sa peau. Il essaya de la chasser sans toucher pour ne pas donner l’impression de se frotter. Comme une caresse qui s’attarde. Dans la salle de bain il reportait ses yeux sur la jeune femme. Sa question était étrange, et alors qu’il planta les yeux dans les siens il répondit.

- Tu as mal ? Si tu ressent la douleur, alors c’est que tu es encore en vie. Et il ne t’a donc pas tuée.

Et c’était plus ou moins vrai. Il arrivait aussi que certaines personnes ne sentent plus rien du tout et soit encore en vie, mais il allait pas chipoter sur les mots. Dans un geste doux et calme il mit ses mains sur les hanches de la jeune femme et fit descendre le pantalon. Il enroua ensuite les bras délicatement autour de sa taille pour la soulever. Il faisait attention à la plaie. Le pantalon laissait à l’abandon sur le sol, il la mit à l’intérieur de la baignoire et la posa sur le tabouret. Lui s’assit en face d’elle sur le rebord.

- Je reste avec toi le temps de te montrer comment le pommeau de douche fonctionne. Je laisserais la porte ouverte. Si tu veux enlever tes sous vêtements, préviens juste que je me mets de dos. J’ai un caleçon qui pourrait t’aller, propre bien sur je ne suis pas Jason, mais pour le reste il faudra aller faire les courses.

Il prit le pommeau de douche et lui montra quelques petites réglages à savoir… des réglages qui n’existent pas dans le monde de tous les jours, juste dans les bordels clandestins. Il attendait alors qu’elle le prenne en main et se retourna pour sortir de la grande baignoire.

- Parles moi. Tout le long de la douche. Ou chantes. Qu’importe. Si je t’entends plus chanter, que tu sois nue ou non je rentrerais dans la pièce pour vérifier que tu n’es pas évanouie.


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Double jeu - Page 2 _



________________________________________ 2020-10-20, 19:14

D'une certaine manière, l’absence de sourire d’Anders rassura plus Shannon que ses faux sourires donnés parce qu’il fallait bien faire semblant d’être quelqu’un de normal, une fois de temps en temps. C’était des conneries, ces histoires, et la légiste préférait qu’il oublie, avec elle. Le voir dans toute la froideur de son vrai personnage était, pour elle, bien plus vrai, bien plus reposant. Et il ne préférait, sans doute, pas savoir à quoi elle pouvait le comparer, quand il la regardait ainsi, sans plus sourire, sans plus bouger. Heureusement, elle connaissait assez les morts pour savoir que celui-ci était bel et bien vivant.

La brune fronça les sourcils, sans comprendre la logique du tueur. Ils avaient, certainement, déjà trouvé leur premier sujet de discordance. Elle ne comprenait même pas comment il pouvait se persuader lui-même de ce qu’il disait. Peut-être avait-il trop pris l’habitude d’avoir la paix, à cause de sa gueule de zombie et de son… expertise. Un peu comme elle, au commissariat. Mais elle, elle n’oubliait pas qu’elle était une intruse, ici, et qu’une porte, ça se saurait, si ça protégeait qui que ce soit. Ce n’était qu’une porte et une serrure.

Malgré elle, Shannon échappa un rire froid qui tomba lourdement sur le sol. Ce genre de rires qui avait fini par faire fuir ses collègues qui, désormais, se limitaient aux échanges les plus brefs avec elle. Elle était une solitaire, elle aussi, quoi qu’elle dise pour garder l’inconnu dans la même pièce qu’elle. Mais pouvait-elle avouer, au tueur, les raisons pour lesquelles elle insistait tant ? Elle lui jeta un regard et décida que non. C’était mort. Elle préférait encore qu’il la prenne pour une abrutie que de lui dire tout ce qu’elle imaginait, dans les ombres.

– Tu veux me faire croire que tes petits amis et toi, vous êtes pas foutus de crocheter une porte ?

Shannon arqua un sourcil et se détourna de ces histoires de porte, de garde et de serrure. Elle n’en démordrait pas, de toute façon, persuadée que la meilleure chose à faire était de le garder à l’œil. Il pouvait tout aussi bien la surveiller en étant dans la chambre. Elle ne voyait pas le problème. Au final, elle trouvait cela limite plus suspect qu’il tente, avec tant d’acharnement, de rester de l’autre côté. Essayait-il vraiment de lui cacher quelque chose ? De comploter dans son dos ? Pourquoi ne pouvait-il pas, comme n’importe quel autre homme pas du tout civilisé, se contenter de prendre la chance qu’elle lui donnait de rester enfermé dans la même chambre qu’elle ?

Shannon se félicita d’avoir gagné à l’instant où Anders capitula. Il resterait dans la chambre et elle pourrait le garder à l’œil. Ce dont elle essaya, elle-même, de se persuader, en faisant taire le soupir de soulagement qui montait en elle. En vérité, elle ne voulait pas se retrouver seule. Toute sa vie, la légiste la passait dans son coin, loin des autres. Elle ne se sentait bien que lorsqu’elle était isolée, plongée dans son métier, à essayer de comprendre des scènes dont elle n’avait pas été témoin. Elle adorait le silence de son appartement, se jeter dans son grand lit et juste… écouter. Écouter qu’il n’y ait rien à écouter.

Mais pas ce soir.

Dans les silences, elle entendait des respirations, des raclements de chaussures contre le sol. Dans les ombres, elle en voyait remuer d’autres. Au moindre bruit, elle savait qu’elle sursauterait, qu’elle pourrait crier, juste au cas où, pour déstabiliser un potentiel adversaire. Seule, Shannon se retrouvait dans l’entrée de son appartement, une main posée dans son dos pour la balancer contre un mur. Seule, Shannon se sentait vulnérable, à la merci de ses tueurs. Seule, elle était en danger. Avec Anders, elle savait à qui appartenait les respirations, le moindre bruit. Elle savait que personne ne pourrait se cacher dans l’ombre sans qu’il ne le voit. Avec Anders, elle se sentait un peu trop en sécurité. Et tous les mantras du monde ne pourraient rien y changer.

– Allez, je suis sûre que Jason croira immédiatement que tu as inventé une excuse bidon, si je lui dis que je n’ai pas besoin d’être protégée. (Elle le regarda soudain de haut en bas, les sourcils haussés sur une idée.) Je trouverai un truc. Fais-moi confiance. Après ça, il ne te fera plus chier.

Pas au sujet d’être frustré, en tout cas, mais Shannon ne le précisa pas. Elle se demanda, tout de même, comment un tueur du club Valentine, du club Valentine, pouvait paraître si… innocent. Elle imaginait, déjà, deux ou trois bonnes excuses à donner à Jason pour lui faire croire qu’elle était véritablement ce qu’il croyait, qu’Anders avait bel et bien ouvert son cadeau et tout ceci sans remettre en question la fiabilité du fil qui fermait sa blessure. Pourtant, lui, il ne voyait pas et des prostituées… il en côtoyait à longueur de journée. C’était incroyable, tout de même.

– Oh. Monsieur s’inquiète de ce que les filles pourraient penser de lui. T’en as peut-être une qui te fait de l’œil ? Dis-le tout de suite, parce que ça risque pas de t’arranger le coup, si je mens à Jason.

Shannon haussa un sourcil. Sa blague, dite sur le même ton que d’habitude, ce ton qui stressait les vivants mais qui, sans doute, passerait tranquillement devant Anders, n’en était pas tellement une. Si le tueur avait, véritablement, l’une de ces filles en ligne de mire, dire à Jason qu’il avait profité de son cadeau ne le ferait pas gagner des points. Néanmoins, la brune n’était pas franchement là pour lui arranger un rendez-vous avec une femme. Sans méchanceté. Elle avait juste d’autres chats à fouetter.

Pas commun. Shannon détourna le regard, un peu déstabilisée. C’était, justement, ce pas commun qui lui avait valu quelques petits-amis et une bonne centaine de disputes. Parce qu’elle n’était pas commune, différente, ils pensaient que ça pouvait être intéressant, puis la vérité les rattrapait et elle finissait par les jeter, incapable de supporter le doigt accusateur pointé sur ses défauts. Depuis, elle avait compris que, tant pis, elle faisait ce qu’elle voulait et les autres pouvaient toujours aller se brosser. Tout comme elle ne demandait pas son avis à Anders pour le toucher.

– Qui te dit que les morts n’ont pas mal ?

La question lui échappa, alors qu’Anders faisait, d’une manière un peu bancale, ce qu’elle lui demandait : la rassurer. Mais ses yeux ne se détournèrent pas des siens, elle soutint son regard et ne retira pas ce qu’elle venait de dire. Shannon s’était, déjà, beaucoup posée la question. Penchée sur les cadavres qu’elle devait découper, briser, pour tout remettre à l’intérieur sans s’inquiéter de la place accordée à chaque organe. Elle avait, déjà, passé des heures à chercher un signe d’un lien entre le corps et l’esprit, quelque part, peu importait où l’esprit finissait par partir. Si tant était qu’il partait. Peut-être était-il coincé dans le corps, victime de la douleur qu’il subissait pour l’éternité. Car personne ne lui demandait de faire attention à ce qu’elle faisait. Les corps étaient morts.

Shannon resta silencieuse, le temps qu’il la débarrasse de son pantalon. Elle garda la main sur son épaule, celle qui n’était pas à côté de son tatouage pour ne pas sentir l’appel de la tentation. Quand il referma les bras sur elle, elle s’accrocha un peu, mais se retint loin du dragon. Ses yeux, eux, restèrent braqués sur le dessin, mais elle ne le toucha pas cette fois et attendit de sentir le tabouret, sous ses fesses, pour se décrocher d’Anders qui s’assit à côté d’elle, sur le rebord.

La légiste observa la pommeau de douche, sans répondre. Elle lorgna, aussitôt, le lavabo et se fit la réflexion que ce serait, tout de même, largement plus simple de se débarbouiller directement dans l’évier. Elle n’était pas un exemple de propreté, ça, c’était certain. Il n’y avait que le sang et les chairs qu’elle se devait de frotter très fort, très très fort, pour en enlever la moindre trace, sur ses mains qui en subissaient, bien souvent, les conséquences. Ce n’était jamais bon de frotter frénétiquement la peau.

– Quel reste ? demanda-t-elle, en grimaçant devant le pommeau de douche. Donne-moi un caleçon et un t-shirt, ça suffira.

Elle dit cela sans y penser, les yeux fixés sur le pommeau de douche et les explications qu’il lui donnait. S’il ne s’agissait pas d’Anders, il était fort à parier qu’elle n’y aurait même pas touché. Pourtant, il lui semblait qu’il n’était clairement pas le genre à utiliser ce genre de choses. D’ailleurs, à ce qu’elle avait pu en juger, elle doutait même qu’il utilise véritablement la chambre qu’il appelait pourtant « sienne ».

– Et qu’est-ce que j’aurais bien à raconter ? Je ne chanterai pas. Je peux te réciter le dernier rapport que j’ai écrit, si ça t’amuse, mais je te préviens : ce n’est pas joli.

Shannon était, sans le moindre doute, le genre de femmes qui ricanent devant un film d’horreur, s’ennuient devant les romances et s’endorment devant un film policier. Elle préférait écrire un rapport complet sur sa dernière autopsie que s’intéresser à la poésie. Si elle lisait le journal, ce n’était que pour les faits divers et rien d’autre. La rubrique nécrologique, aussi, sans le moindre doute. Le reste, elle le laissait aux vraies femmes. Ce qu’elle n’avait jamais été, d’après la plupart de ses connaissances. Combien de fois avait-elle entendu dire que « mais toi, t’es pas une nana » ? Les employés du club entier n’auraient pas assez de doigts pour compter.

Mais puisqu’il lui demandait de parler, la légiste ne voyait pas ce qu’elle pourrait raconter d’autre. Elle ne faisait rien de sa vie, ne connaissait pas les derniers cancans, ni les derniers films, livres, musiques à la mode. Il n’y avait que les morts qu’elle étripait pour en deviner les dernières heures. Alors, elle se mit à réciter ce qu’elle avait écrit, dans le moindre détail. Les plaies, leur profondeur, l’arme utilisée, les coups portés, la torture subie par le mort de son vivant, les sévices sur la moindre parcelle de sa peau.

Elle ne loupa aucun détail. Tant pis pour lui.

Puis elle s’arrêta soudain de parler, la douchette braquée sur la tête. L’eau glissa sur son visage, ruissela sur ses joues et emporta, avec elle, une partie du sang, sur son crâne. Elle lâcha le pommeau qui tomba dans la baignoire et se prit la tête dans les mains en se recroquevillant sur son tabouret. Peu importait la chaleur de l’eau, sur son corps, Shannon tremblait. Elle tremblait fort, sans arriver à s’arrêter, incapable de parler pour tenir Anders loin de la femme minable qu’elle lui montrait.

Mais Shannon ne pouvait plus garder le dos droit et faire face. L’eau l’obligeait à fermer les yeux et, derrière ses paupières fermées, elle revoyait l’agresseur qui la balançait contre le mur, contre la table, qui tendait ses doigts vers ses chevilles pour l’empêcher de fuir. Côtoyer la mort, tous les jours, n’avait rien à voir avec le fait de faire face à sa propre mort, à l’intention de meurtre, mauvaise, obscure, qui s’était écrasée sur elle et l’avait étranglée plus sûrement, encore, que son agresseur.

– Je… euh… Je peux pas parler en me lavant les cheveux, réussit-elle à articuler, d’une voix un peu tremblante.

Shannon mentait ouvertement, mais elle espérait, sincèrement, que cela suffirait et qu’il ne débarquerait pas dans la salle de bain pour la voir trembler, voire pleurer. Car elle sentait que ses dernières défenses étaient à deux doigts de se briser, trop fatiguée pour les reconsolider.


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________________________________________ 2020-10-27, 19:10

Il observa la jeune femme … crocheter une porte … oh si il savait faire, même s’il préférerait toujours la bonne vieille méthode du « je fais tout exploser pour aller ou je veux ». Anders aimait bien les explosifs. C’était son plaisir coupable, et il y avait rien qu’un explosif ne pouvait détruire. Il ne le dit pas à la jeune femme alors qu’il était déjà en train de calculer comment faire une mini bombe pour ne faire exploser que la serrure si d’avenir il en avait besoin.

- Nous savons tous crocheter une serrure. C’est assez simple en réalité, un enfant pourrait le faire. Jason a su le faire à 10 ans.

Ce qui avait été la pire des choses à apprendre à un enfant … après ça, il n’était plus indispensable de cacher ses cadeaux de Noël ou d’anniversaire l’enfant les trouvait à tous les coups… un vrai radar. Anders ne dit rien sur son rire, mais lui il le trouvait charmant. Il accepta alors. Parce qu’il sentait que sous tout cette ardeur à le faire rester dans la chambre il y avait autre chose… et si elle voulait l’attaquer, un rapide calcul de son état lui faisait dire qu’il gagnerait haut la main, même à cloche pied…

- Jason ? Ne plus faire chier ?

Il arqua un sourcil en pensant à Jason et à tout ce qu’il avait déjà fait … Ne pas faire chier ne faisait pas parti de son ADN, il ne pouvait pas faire autrement. S’il ne faisait pas chier le monde, il finissait par ressembler à un pruneau rassi … Fin c’était ce que disait Jason en tout cas.

- je pense que tu le sous estime, mais s’il peut voir en toi une autre personne à emmerder, je l’aurais un peu moins sur le dos.

Et c’était un calcul simple. Il pouvait bien faire confiance à la jeune femme pour dire tout ce qu’elle veut … ce n’était pas lui qui allait la contre dire de toute façon. Il n’avait pas que ça à faire.

- Personne ne me fait de l’oeil.

Cette phrase était dit sans hausser le ton, sans chercher à se défendre ou autre. Elle était juste dit pour que ça ferme la discussion. Si une fille ou deux lui faisait de l’oeil, il ne le remarquait même pas … et si une fille le draguait c’était pire qu’un médium ailleurs pour les vents qu’Anders mettait. Il ne savait utiliser son charme que quand il en avait besoin pour atteindre son but, et souvent c’était de tuer quelqu’un qui le mérite bien. Anders écouta la question et réfléchit.

- Parce qu’ils ne disent pas « aille »

Et il était tout à fait sérieux en posant à nouveau les yeux sur la jeune femme. Les morts ne peuvent pas sentir la douleur… parce que quand ils pourrissent aucun son ne sortent, aucuns muscles ne se tends. Leur cerveau est mort donc il n’y a plus de courant électrique. Normal quoi. Il l’avait mis dans la baignoire et écouta sa demande. Un caleçon et un t-shirt, il pouvait trouver ça. Il sortit doucement et haussa les épaules.

- Récite l’alphabet ou compte jusqu’à cent milles

Ce qu’elle dirait n’avait en réalité pas beaucoup d’importance tant qu’il l’entendait parler. Pour le reste il s’en fichait un peu … Il l’entendait commencer et n’écouta que d’une oreille le léger murmure qu’elle racontait. Il avait envie de dire qu’elle avait une belle voix. Au moins était ce agréable de l’entendre un petit peu … Puis il entendit le silence. Il attendit un peu, voir si ce n’était tout simplement pas le fait de devoir mouiller sa tête et ne pas vouloir parler en même temps. Mais ça durait déjà trop longtemps. Quand le pommeau fit un bruit dans la baignoire, il prit le premier caleçon de son tiroir et arriva dans la pièce. Comme il l’avait promis.

Il arriva dans la pièce alors qu’elle lui sortit son mensonge, qu’il pouvait voir à ses yeux et à sa posture. Il ne dit rien. Posant le caleçon et le t-shirt sur le côté il se rapprocha d’elle et enjambe la baignoire. Il prit le pommeau de douche en silence et fit couler l’eau sur les cheveux de la jeune femme dans une tranquillité non feinte. Il prit un gant qu’il mouilla et prit un savon qu’il frotta contre le gant. Il était trempé à être ainsi aussi proche d’elle.

- Je vais frotter ton visage. Si tu veux pleurer, je ne verrais rien à cause de l’eau qui coule au dessus.

Dit il en frottant son visage avec le gant. Puis il l’observa encore et il continua. Il dit ce qu’il faisait. « Je vais frotter ta main ». Et il le faisait. Il laissa l’eau coulait sur le corps de la jeune femme. Il voyait le sang tenir sur les sous vetêments et il continua de dire ce qu’il faisait. « Je vais frotter le sens proche de ta culotte ». Il lui laisse toujours le temps de dire non. Et il était silencieux. Il releva les yeux vers elle pour poser le gant. Et changer le pommeau de main. Il fit courir le jet là orle gant avait frotté. Là encore il prévenait toujours. Il était trempé et la jeune femme aussi. Il arrêta l’eau dans un geste et l’observa. Il attendit de voir si elle lui demander de sortir pour se changer, ou juste de se retourner … ou juste …. Quelque chose.


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________________________________________ 2020-10-28, 08:49

[quote="Timothy Powers"]
Shannon ne s’attendait pas à moins de la part des criminels du club Valentine. Crocheter une porte, comme il le disait, était assez simple, avec un peu d’entraînement. Mais elle ne préféra pas lui dire qu’elle savait parfaitement de quoi il parlait, peu désireuse de devoir s’expliquer sur ses propres compétences en la matière. Un « talent » avec de gros guillemets dont elle ne se servait jamais, ou seulement quand elle perdait ses clés quelque part ou les oubliait à l’intérieur de l’appartement. Ce qui arrivait plus souvent qu’elle ne voudrait l’avouer.

En attendant, la brune restait persuadée que les histoires qu’elle pourrait raconter à Jason l’obligeraient à fermer son caquet au sujet de la frustration d’Anders. Ce qui ne voulait pas dire qu’il ne l’emmerderait pas, ensuite, sur ce qu’elle s’amuserait à lui expliquer. De ce qu’elle avait cru voir, dans son brouillard, il était encore jeune et elle se contenterait, sûrement, de ne pas entrer dans les détails, mais le mal serait fait et Anders n’aurait plus qu’à prier très fort pour ne pas craquer. Elle, elle s’en fichait. Tout ceci ne la regardait pas le moins du monde tant que ce n’était pas elle que l’on faisait chier. Et comme elle ne comptait pas rester dans le coin…

Une chose qu’elle ne dit pas, consciente qu’il ne s’agissait pas du bon moment, alors qu’Anders affirmait que Jason changerait de proie pour s’acharner sur Shannon. En tant que femme légiste, en tant que femme tout court, en tant qu’elle, elle en avait maté d’autres, des hommes insupportables qui se croyaient tout permis, ou se persuadaient eux-mêmes qu’il pouvait tirer quelque chose d’elle. À part un regard bien méprisant et quelques ricanements glaçants, ils ne récoltaient jamais rien et repartaient bredouilles, lassés. Un gamin comme Jason, elle ne doutait pas d’arriver à retourner la situation contre lui. Car elle sentait, au final, qu’Anders était le genre à subir sans répondre, ce qu’elle n’était pas, elle.

Le tueur nia avoir qui que ce soit pour lui faire de l’œil, dans le club, et elle se demanda, soudain, si Jason ne faisait pas simplement fausse route en lui envoyant une femme. Il précisait que personne ne lui faisait de l’œil, ce qui pouvait englober aussi bien les femmes que les hommes, au final. Quoi qu’il en soit, cette histoire ne la regardait pas et Shannon n’ajouta rien à ce sujet. Elle aurait pu lui demander s’il était déçu de ce constat, mais elle sentait, au fond, qu’Anders et elle-même n’étaient pas si différents. À l’image de son manque total d’intérêt pour les vivants, elle doutait que le tueur ait l’habitude ou l’envie de s’attarder sur les personnes qui l’entourent.

Shannon fronça un peu les sourcils à sa réponse, comme si elle jaugeait véritablement la fiabilité de cette vérité. Est-ce qu’un mot suffisait à décréter qui était mort et qui était vivant ? Elle savait bien que non, elle, témoin d’un mort qui ne l’avait été que cliniquement et s’était, soudain, relevé au milieu de la morgue. Pourtant, elle était certaine qu’elle aurait pu lui plonger le scalpel dans le ventre qu’il n’aurait pas dit aïe. D’ailleurs, elle ne l’avait pas dit, elle, quand la puissante main, dans son dos, l’avait poussée contre le mur.

Elle ne dit rien des réflexions un peu trop sérieuses qu’il venait de former dans son esprit avec une phrase qui, aux yeux des gens normaux, serait passée comme une blague de mauvais goût. Mais ils n’étaient, visiblement, pas très normaux et Shannon le prouva encore en récitant son dernier rapport. Il était vrai qu’elle aurait pu réciter l’alphabet dans un sens puis un autre, compter jusqu’à l’infini ou n’importe quoi d’autre. Pourtant, elle, la première chose à laquelle elle pensait : c’était son travail, encore et encore, et les détails qu’elle avait couchés sur papier pour les donner à l’équipe chargée de l’enquête.

Puis le silence, pesant, qui fut accompagné de la chute du pommeau de douche, dans la baignoire. Shannon tremblait comme une feuille en pleine tempête, à peine tenue par sa tige morte, desséchée, alors que les souvenirs de l’agression la tourmentaient. Elle voulait comprendre pourquoi, pourquoi était-elle victime d’un mal qu’elle ne comprenait pas ? Et elle se demandait, également, au fond d’elle-même, combien des corps qu’on lui amenait avaient été dans la même situation qu’elle : totalement incapable de comprendre ce qu’ils avaient de mal, ce qu’ils avaient fait pour mériter un sort pareil. Si tant était que qui que ce soit, un jour, mérite un sort comme celui-ci.

Évidemment, son mensonge passa sur Anders sans le toucher. Le tueur entra dans la salle de bain à l’instant où elle ouvrait la bouche pour mentir et il n’eut qu’à baisser les yeux sur elle pour comprendre que ce n’était qu’une excuse. Si elle ne disait plus rien, c’était qu’elle en était bien incapable, alors qu’elle sentait, encore, dans son dos, la poigne de son agresseur, l’envie de meurtre qui la poussait avec violence contre le mur de l’entrée.

Alors que le tueur enjambait la baignoire pour la rejoindre, Shannon se demanda si elle devait trouver la force de lui dire d’aller voir ailleurs, qu’elle était une grande fille et qu’elle n’avait besoin de l’aide de personne. Ce qui était vrai les trois quarts de sa vie, mais elle ne trouva pas l’envie, au fond d’elle, de lui donner les mots qui le feraient déguerpir. Elle se contenta de relever ses yeux sombres vers les siens et de ne plus lâcher son regard, sans un mot, sans même aucune pensée au fond du crâne.

Elle ne pleura pas, Shannon. Elle pleurait si rarement qu’elle ne savait plus comment faire et se contenta d’un soupir qui sapa ses dernières forces. Elle ne le lâcha pas des yeux et ne répondit pas à ses commentaires. Il pourrait bien la frapper, en vérité, décider de la tuer, finalement, qu’elle ne saurait pas lui dire d’arrêter. Au moins, elle serait débarrassée des images qui tournaient dans son esprit et ne la lâchaient plus.

Quand le jet d’eau s’arrêta, la légiste se sentit… vide. Le silence s’installa entre eux, à peine dérangé par le bruit de leurs respirations, et Shannon ne quittait pas Anders des yeux, sans rien dire. Elle était soudain lasse, très fatiguée, et ne trouvait pas le moindre mot à lui donner. La seule idée qui se fraya un passage dans son esprit fut, sans doute, complètement idiote, mais elle sentit le soudain besoin de le faire. Alors, Shannon leva un bras, le posa sur le deuxième et se pinça, sans crier gare. Et la vie lui échappa tout bas, de manière presque forcée, bien que ce fut la vérité :

– Aïe…

Le seul mot qu’elle donna, sans quitter le tuer des yeux, et qui, au fond, la calma plus que tous les mots du monde. Il restait, tout de même, une certaine panique, dans son cœur, qu’elle se devait d’éradiquer. Alors, Shannon leva un bras, encore, et tendit les doigts vers le dragon noir sur le cou d’Anders. Elle s’arrêta juste avant de le toucher, comme elle l’avait déjà fait, comme il était fort à parier qu’elle le referait. Mais pas maintenant. À la place, elle posa les doigts sur la joue masculine et pinça la peau, sans rien dire, en attente de la preuve que, lui aussi, il était bien vivant.


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________________________________________ 2020-10-28, 11:35

Bon… Anders observait la jeune femme … Il se demandait ce qu’il pouvait faire de plus. Dans la tranquillité du silence, ses yeux se posaient sur elle et il analysait la situation dans son ensemble … Il ne savait pas quoi faire pour qu’elle se sente un peu mieux. Lui, il était trempé jusqu’au os, mais ne faisait pas plus cas que cela de ses vêtements qui lui collent à la peau et fait des bruits étranges. Il attendait de voir. Sa réaction aurait pu lui faire sourire si elle ne voulait pas signifier autant. Elle se sentait morte à l’intérieur. Malheureusement, Anders était mort depuis longtemps. Le jour de la mort de sa soeur. Et il ne savait pas encore comment réveiller une partie de son esprit qui ne voulait plus penser à rien. Une fois qu’Anders eu compris ce qu’elle allait faire, il se prépare. Il sentit la pression sur sa joue. Clairement pas assez forte pour lui faire le moindre mal. Mais il répondit aussi.

- Aie.

Il regarda la jeune femme et se dit qu’il fallait prendre les devants, sinon elle allait mourir de froid ici. Il ne voulait pas fouler du pied son espace vital ou sa pudeur, mais elle ne lui disait rien. Alors il prit une serviette, la posa sur les cheveux de la jeune femme. Enroulant doucement les mèches dedans. Et il reprit le même manège qu’un peu plus tôt. Il lui disait ce qu’il faisait un peu avant de le faire.

D’abord, il sécha donc les cheveux de Shannon. La serviette pensant dans ses cheveux mais évitant les blessures. Il enroula ensuite les cheveux à l’intérieur pour qui ne dégouline pas. Puis, il utilisa une seconde serviette et épousa les formes de son corps pour la sécher. Il enroula la serviette autour de son corps, les sous vêtements toujours dessous et il continua de la sécher. Puis, il dégrafa son soutien gorge, il ne regarda bien évidemment pas son corps un seul instant, comme le gentlemen qu’il était. Il fit passer les bretelles de la jeune femme par ses bras et jeta l’objet dans la baignoire. Il prit le t-shirt et le passa tout de suite sur le corps de la jeune femme pour qu’elle ne se sente pas nue…

Il observa la jeune femme encore. Elle ne disait rien. Anders prit les doigts de la jeune femme et pour une fois, lui mit contre son cou. Il avait l’impression, déraisonnable mais pourtant si forte, qu’il était en train de faire un espèce de viol sur elle … et il n’en avait pas envie. Alors il se disait que si lui pouvait être en train de bafouer sa liberté, il pouvait lui permettre de faire de même quelques temps. Le t-shirt mit, il passa ses mains sur le côtés de ses cuisses… jusqu’à sentir le contact avec sa culotte. Il fit en sorte que la jeune femme se relève un peu et enleva le tissu à la couleur du sang pour le jeter avec son premier au loin. La serviette la cachait. Anders le savait. Il prit le caleçon et le mit devant les jambes de la jeune femme alors qu’il la fit le mettre. Il faisait bien attention de toucher au minimum son corps.

La serviette (toujours sous le t-shirt et maintenant sous le caleçon) fut retirer avec la même douceur que le reste. Il continua de dire chacun de ses mouvements avant de les faire. Puis, il prit le temps d’utiliser la même serviette pour s’essuyer lui même un peu le visage et le corps trempé avant de mettre la serviette contre son torse. Oui oui, contre, pour s’approcher ensuite et prendre la jeune femme dans ses bras. Il continuait de dire tout ce qu’il faisait au fur et à mesure. Et il finit par :

- Je vais te mettre dans le lit.

Il posa la jeune femme avec délicatesse et l’observa encore alors qu’il se mit à … rougir ? Peut être un peu au vue de ce qu’il venait de faire. C’était pas la première fois qu’il était en présence d’une femme nue, mais c’était bien la première fois qu’il doit la déshabiller, la laver et la rhabiller … Cela avait quelque chose d’intime… et il n’avait pas connu d’intimité comme celle là depuis des années.

- Désolé…. J’espère que quand tu iras mieux, tu ne m’en voudras pas de ce que je viens de faire. Je ….

Il ne savait même pas quoi dire alors qu’il avait juste fait ce qu’il fallait pour qu’elle soit propre et habillé non ? Il n’avait rien fait de mal ! C’était ce qu’il essayait de se dire, mais l’intimité devait se faire de manière consentante … là, il avait l’impression d’avoir utiliser une personne en détresse et ça ne lui plaisait pas du tout … Quelque chose.


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________________________________________ 2020-10-31, 10:20

Il y eut quelque chose d’incroyable, une puissance insoupçonnée dans une unique syllabe qui tomba entre eux et aurait pu faire ricaner n’importe qui d’autre. Tout le monde, en vérité, sauf eux. Eux qui n’étaient pas comme les autres et ne le seraient jamais de leur vie. Une syllabe qui n’avait aucun sens, ne devait signifier que le mal, la douleur et qui tomba sur Shannon comme une libération. Elle échappa un long soupir de soulagement qui faillit bien lui prouver qu’elle avait tort et qu’elle était capable, comme toute humaine, de pleurer sur son sort.

Ce qu’elle ne fit pas.

Shannon garda les yeux secs, braqués sur le tueur, sans plus aucun jugement, sans plus rien d’autre, en vérité, que ses iris sombres et ses pupilles noires. Rien, pas le moindre sentiment, à peine un signe de sa présence, alors que les images continuaient de s’enchaîner dans son esprit, de lui faire revivre l’intention de meurtre, la violence du mal qui avait glissé sur elle, essayé de l’écraser, de la réduire en bouillie. Qui avait-elle énervé ? Qu’avait-elle fait pour le mériter ? Le méritait-elle ? Existait-il, réellement, quelqu’un qui voulait la voir morte ? Des questions qui la firent frissonner, alors qu’Anders prenait les choses en mains.

Et il eut bien raison de le faire, Shannon n’étant plus tout à fait sur Terre, devant lui, coincée dans sa baignoire. Elle se laissa faire sans y penser, bloquée sur ses pensées. Son esprit fourmillait de questions sans réponses, de suppositions qui ne menaient à rien. Elle essayait de trouver un sens à tout ceci, de sa maison si vide qui avait, soudain, été pleine d’ombres malsaines, à sa présence ici, dans le club Valentine, sa vie confiée à un homme qui n’hésitait pas à prendre celle des autres. Et pourtant, entre ses doigts, Shannon n’eut pas peur de la mort.

Ce fut le constat qui la ramena sur Terre et fit briller ses yeux plus forts, comme si sa conscience se manifestait au fond de ses pupilles et prouvait à Anders qu’elle était toujours là, qu’elle n’était pas morte, qu’elle ne mourrait pas. Elle se battrait contre le mal qui venait de toquer à sa porte. Dès qu’elle aurait trouvé la force de se tenir debout sans tomber, la légiste se lancerait sur la piste de ses malfaiteurs et elle comprendrait, enfin, pourquoi ils avaient eu besoin de tant de violence à son égard.

Sur son corps, un t-shirt. Ce fut la première information qui traversa son esprit, alors que Shannon revenait à elle. Elle prit une grande inspiration et fixa ce tatouage, si proche de ses doigts. Elle était presque certaine de ne pas avoir levé le bras, de ne pas avoir touché les traits noirs sur la peau blanche. Elle comprit, alors, qu’il avait dû, lui-même, poser ses doigts sur son cou, comme une tentative étrange de la ramener sur Terre alors qu’il n’était pas à l’aise avec ce contact. Un geste qui lui arracha, à peine, un petit sourire en coin.

Shannon ne toucha pas le tatouage. Elle n’enleva pas non plus sa main, mais resta immobile. Plus malléable qu’un corps mort, mais tout aussi stoïque qu’une statue, pour ne pas gêner Anders dans ses mouvements et le laisser faire ce qu’il avait, si bien, entrepris. Il ne s’en sortait pas mal, en vérité, jugé de loin par les yeux professionnels de la légiste. Elle se demandait presque pourquoi il était si distant, pourquoi il n’y allait pas franchement, de la même manière qu’elle s’occupait des morts, à la morgue.

Parce qu’elle était vivante.

Un constat qui la frappa plus sûrement que le « aïe » échappé plus tôt et la fit baisser les yeux sur la proximité du tueur. Elle n’était pas morte et cette façon qu’il avait de l’aider à s’habiller n’avait, au final, rien de normale. Pourtant, elle n’arriva pas à en être gênée, persuadée de devoir faire pire, à longueur de journée, sans même sourciller. Sauf qu’il était un tueur, lui, pas un légiste. Une chose que la brune se devait de ne pas oublier et qui, pourtant, lui échappait peu à peu.

La douceur d’Anders avait, tout de même, quelque chose de rassurant qui calma Shannon. Elle s’était heurtée à une violence exacerbée, un mur de haine comme personne ne devrait en connaître de son vivant. L’attention du tatoué, portée sur elle avec tant de délicatesse, était presque déplacée, à côté, et lui rappela que le monde continuait d’avancer, qu’elle ne devait pas se laisser submerger. Le traumatisme était, au final, plus dangereux que l’acte lui-même et Shannon puisa dans les gestes d’Anders la force de lui échapper.

La voix du tueur l’aidait, aussi, à trouver son chemin dans son brouillard et revenir tout à fait à la raison, s’extirper une bonne fois pour toute (avant la nuit) des souvenirs de son agression. Les bras posés dans son dos finirent de la ramener parmi les vivants, alors que sa chaleur l’enveloppait soudain et rappelait à son corps que, non, il n’était pas aussi froid que celui des morts, qu’il pouvait encore bouger et se débattre, combattre pour rester en vie. Ce qu’elle ne fit pas, dans les bras d’Anders, en attendant qu’il traverse la chambre pour la poser sur le lit.

– Ce n’est rien, souffla-t-elle, une fois sur le matelas.

Les doigts de Shannon remuèrent enfin, mais ce ne fut pas pour caresser ce tatouage, pourtant à portée de main. À la place, la brune visa plus haut, à peine plus haut, et glissa la pulpe de ses doigts sur la rougeur de ses joues. Cela non plus, elle n’en avait pas l’habitude, à côtoyer des peaux mortes, du sang qui ne bat plus depuis longtemps. Elle comprit qu’elle devrait être comme lui, choquée de leur intimité, de ces gestes déplacés qu’il avait eus pour elle, mais elle n’en fit rien. Elle resta de marbre face à la vérité, seulement bloquée sur une idée : il l’avait aidée. Tout comme ses parents le lui avaient promis, Anders l’avait aidée. Et il continuait de l’aider, à sa manière.

Et elle continuerait d’en profiter.

– Je ne t’en veux pas, c’était nécessaire. Je ne suis pas idiote, je ne crierai pas au scandale. (Elle pinça les lèvres et ses yeux sombres glissèrent, inévitablement, sur le tatouage.) Je devrais plutôt te remercier de m’avoir aidée. Rien ne t’y forçait.

Cette fois, Shannon lâcha le rose de ses joues, bien qu’elle trouva cela quelque peu intéressant ou carrément à son goût, disons les choses clairement. Ce qu’elle préféra mettre sur le compte du traumatisme de la journée, plutôt que d’imaginer qu’elle ait véritablement envie de se laisser tenter par ce que ce rose, à ses joues, amenait comme pensées dans son esprit vicié. Elle lâcha sa joue pour mieux revenir au dragon, sur son cou, et glisser les doigts sur le dessin, comme si elle s’attendait, à tout moment, à ce qu’il prenne vie et se réfugie au creux de sa main.

– Mais je vais encore en abuser, prévint-elle, ses yeux braqués dans les siens. Demain, tu pourras m’en vouloir, et je m’excuserai… peut-être.

Elle préférait être sincère sur la probabilité qu’elle ne s’excuse pas. Les excuses étaient pour les regrets et elle doutait de regretter de l’avoir laissé la toucher, l’aider à se laver. C’était nécessaire. Tout comme il était nécessaire ce qu’elle allait exiger de lui, maintenant, sans lui demander vraiment son avis. Mais elle en avait besoin et son besoin piétinait, sans le moindre doute, le consentement d’Anders. Il pouvait toujours dire non, de toute façon. Elle ne le forçait pas vraiment. S’il s’écartait, que pourrait-elle faire ? Elle n’avait plus la moindre force.

Shannon se releva du lit, lâcha le tatouage qu’elle touchait sans y penser, et s’empara des mains du tueur. Un instant, ses yeux se baissèrent sur ses doigts, cherchèrent, presque malgré eux, un signe du mal qu’ils semaient, du sang qui devait tacher la peau du tueur, mais elle ne vit rien que la peau blanche et ne sentit que la chaleur du vivant. Alors, elle tira les mains dans son dos, sans s’inquiéter de leur hauteur, et planta son regard dans celui d’Anders, pour lui signifier qu’elle était sérieuse. Absolument sérieuse. Et que cela ne la gênait pas le moins du monde, non plus. Lui, par contre… Elle ne lui laissa pas le temps d’être gêné, alors qu’elle donna des mots à ce qu’elle exigeait :

– Serre-moi contre toi. S’il te plaît.

Et alors qu’elle se calait, de force, contre lui, loin des réflexions sur le consentement qu’il pouvait avoir, lui, dans son esprit, Shannon garda les yeux grands ouverts, par-dessus l’épaule du tueur, braqués sur la porte de la chambre comme si elle s’attendait, à tout moment, à voir débarquer son agresseur.


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________________________________________ 2020-10-31, 22:00

Anders faisait attention. Il savait bien que la jeune femme ne voulait peut être pas de toutes ses attentions … mais il n’arrivait pas à faire autrement. Il voyageait à l’aveuglette comme on dit. Il ne savait pas s’il faisait bien ou non. Il ne connaissait pas la jeune femme sur le lit. Il ne savait rien d’elle et de son caractère, même s’il commençait un peu à le cerner … alors il ne voulait pas faire mal… Quand elle le rassura, il ne dit rien. La bordant dans le lit comme il le pouvait. Il y avait peut être des couettes pour la réchauffer dans les meubles, il n’en savait rien.

Le contact de ses doigts contre sa joue lui donna un frisson étrange. Personne ne le touchait comme ça. Ni sa joue, ni son tatouage. Et il trouvait cela normale pour le moment. Il ne savait pas si la jeune femme avait l’habitude de toucher ainsi les gens, mais il se disait que ça pouvait la détendre, la tranquilliser alors … alors il se laisserait faire sans rien dire pour tout ce qu’elle voulait. Dans la limite du raisonnable (je te connais toi là bas).

- Je n’ai jamais dit que tu étais idiote.

Il ne l’avait même pas pensé. Il trouverait ça plus normale qu’elle s’offusque de s’être fait déshabiller, qu’elle le remercie pour dire la vérité … Il regarda la jeune femme. Il essayait de lire dans ses yeux ce qu’elle voulait dire par « rien ne lui obligeait ». Sa conscience lui obligeait. Il avait été flic pendant un cours lapse de temps, et c’était bien par vocation qu’il avait voulu faire ce métier. Sauver une personne n’avait pas de raison, et c’était tout à fait normal. Mais il ne le dit pas. Il pencha juste la tête pour faire une affirmation de la tête, silencieuse et ne voulant clairement rien dire du tout. Mais il préférait cela à s’étendre sur son devoir et ses principes.

- Demande, je ne suis pas le genre à en vouloir.

C’était encore une vérité très profonde… il pouvait et avait déjà pardonner plus que ce qu’on aurait pu croire. Ander pardonnait facilement car il mettait la plupart de ses désirs et envies au placard. Quand plus rien ne compte que le travail, il est facile de tout pardonner. Il s’attendait à TOUT, ou à presque tout… Il l’observa. Il n’avait pas de sèche cheveux si elle voulait qu’il lui sèche, peut être pourrait il demander une brosse à la rigueur, ça c’était possible. Quoi d’autres ? Pendant que la jeune femme se plaçait pour le regarder, son cerveau listait toutes les possibilités …

Et le calepin mental des possibles fut jeter dans la mer d’incompréhension qui passa devant ses yeux alors qu’il essayait de voir « le piège ». Il ne pensait pas que la jeune femme fasse un piège quelconque contre lui. Il ne pensait pas ça du tout … mais c’était bien une demande qu’il n’avait pas prévu. Il regarda un moment à droit et à gauche comme pour chercher malgré lui la caméra caché, et là … il rougit un peu plus. Il la laissa faire en baragouinnant un « oui ».

Doucement, il mit sa main un peu plus contre la jeune femme pour « la protéger » de son bras. Il était lui aussi en face de la porte. Il fit en sorte d’être dans une position à demi assise alors qu’il fit en sorte qu’elle, elle soit couché.

- Shannon… Dors, je veillerais sur toi. Personne ne te feras de mal, je t’en donne ma parole.

Et doucement, sa main vient caresser le sommet du crâne de la jeune femme. Une caresse qui se voulait douce et tendre pour l’aider à dormir. La chambre était insonorisé comme il faut, peu de bruit viendront de l'extérieur, et ça Anders en était sûr.


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________________________________________ 2020-11-01, 17:53

Shannon n’était pas idiote. C’était, du moins, ce qu’elle avait toujours cru. Elle avait été une élève brillante, l’une des meilleures de sa promotion, capable de déceler des détails, sur les cadavres et les vivants, que d’autres ne soupçonnaient même pas. Elle faisait son travail à la perfection, sans aucune erreur et savait se démerder, dans n’importe quelle situation. Si elle était coincée dehors, devant la porte de son appartement, elle pouvait trouver dix façons d’entrer chez elle, en quelques secondes. La moindre chose imprévue, sur sa route, se transformait en problème mathématique auquel son esprit logique trouvait rapidement une solution.

Si elle avait, depuis longtemps, abandonné l’idée de prendre soin de sa culture générale, elle pensait, tout de même, avoir le droit de dire qu’elle n’était pas idiote, qu’elle savait ce qu’elle faisait, qu’elle pouvait se démerder toute seule, comme une grande. Elle savait réfléchir par elle-même, juger du bien et du mal, du vrai et du faux. Choisir entre deux options sur des arguments solides. N’était-ce pas cela, l’intelligence ? Pouvoir dire sans détour qu’Anders ne faisait rien de mal, qu’il ne servait à rien de péter un scandale et qu’il valait mieux qu’elle se tienne tranquille, voire qu’elle le remercie.

Elle pensait, sincèrement, que c’était la seule chose à faire, loin de rougir de tout ce qu’ils avaient fait jusqu’ici. Shannon n’était pas une petite pétasse, une prude innocente qui s’insurge d’un regard appuyé sur son décolleté. Déjà, elle ne portait pas de décolleté, jamais. Puis, elle n’aimait pas les yeux qui s’attardaient sur sa poitrine, mais avait sa façon bien à elle de le faire remarquer. Elle n’irait, donc, pas accuser Anders de tous les maux, alors qu’elle ne voyait pas d’autre façon de l’aider. Sans lui, elle n’aurait rien pu faire, en vérité. À quoi lui servirait de l’insulter ?

Il précisa, tout de même, qu’il ne l’avait pas traitée d’idiote et Shannon battit des paupières, une fois, deux fois, trois fois, avant d’échapper un souffle bref, par le nez, comme un pouffement qui tomba, froid, sans le moindre sourire sur ses lèvres. Elle ne fut pas sûre de comprendre ce besoin de se justifier, d’assurer qu’il n’avait pas dit ce qu’elle était la seule à dire, en vérité. Elle en vint à se demander quel genre de femmes il avait connu, dans sa vie, pour avoir besoin de se protéger ainsi, sans cesse. Certainement pas une femme comme elle, mais Shannon oubliait, parfois, que le commun des mortels ne la prenait pas pour une femme. Tout au plus une femelle. Et encore.

Shannon releva les yeux sur le tueur, à l’instant où il lui donnait l’autorisation de faire sa demande. Elle eut presque envie de lui signaler qu’elle ne lui demandait pas son avis, en vérité. Pourtant, elle resta silencieuse, consciente qu’il n’apprécierait sûrement pas l’audace et pourrait, tout aussi bien, décider de s’écarter et de ne pas la laisser exiger ce qu’elle voulait de lui. Alors, elle garda le silence et se contenta de le penser si fort qu’il pourrait, sans doute, voir dans son regard la puissance de sa détermination. Elle en avait besoin, de toute façon. Et il venait de lui donner son autorisation. Il avait même juré qu’il ne lui en voudrait pas, le lendemain, quand ils se feraient face et devraient repenser à tout ce qu’il avait fait pour elle.

Évidemment, elle se doutait qu’Anders ne s’attendait pas à ce qu’elle s’apprêtait à exiger de lui. Elle-même ne l’aurait pas parié, dans un état mental normal. Sauf qu’elle n’était pas dans un état mental normal et qu’elle avait, soudain, besoin de ce contact, de sentir les bras du tueur dans son dos et sa chaleur contre son ventre. Sans idée tendancieuse. Et elle ne voulait pas expliquer à Anders pourquoi elle en avait besoin, elle préférait qu’il se contente de lui donner ce qu’elle réclamait, comme une enfant capricieuse, une reine qui n’avait qu’à claquer des doigts.

Elle ne claqua pas des doigts, Shannon, mais força le passage dans les bras d’Anders pour qu’il n’ait pas la mauvaise idée de lui dire non. Ce qu’il ne fit pas non plus, marmonnant une approbation qui ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. La légiste se cala contre le tueur et referma les bras dans son dos pour se serrer fort contre lui. Si ses yeux ne lâchèrent pas la porte d’entrée, au départ, ce ne fut plus le cas à l’instant où le bras d’Anders se posa contre elle, comme un soutien bienvenu qui la força à fermer les yeux.

Au fond de son corps, la légiste sentait un froid glacial que la douche n’avait pas réussi à repousser, comme une vague aussi froide que la mort qui s’emparait, peu à peu, de ses membres et de ses organes. La chaleur d’Anders, contre elle, fut la défense idéale. Elle repoussa, peu à peu, ce souffle glacé qui glissait dans sa nuque et ramena plus de vitalité, dans ses os. Elle reprit enfin des couleurs et finit, tout à fait, de revenir sur Terre. Ce qui ramena, inévitablement, la douleur qui pulsait dans son crâne et la fatigue qui lui criait de se laisser aller, de fermer les yeux et de dormir.

Ce qu’elle ne ferait pas.

Allongée sur le lit, Anders bloqué entre ses bras, Shannon rouvrit les yeux sur le plafond de la chambre et inspira, longuement, l’odeur du tueur. Elle voulut croire qu’il était sérieux, qu’il veillerait sur elle, qu’elle ne serait pas vulnérable, dans son sommeil, mais elle n’y arriva pas. Au fond d’elle, une petite voix lui hurlait de ne jamais faire confiance à personne, de ne surtout pas croire un tueur professionnel. De ne pas se laisser tromper par cette main si douce qu’il glissait sur ses cheveux humides.

– Personne, répéta-t-elle, à son oreille. Et toi ?

Shannon puisa dans ses dernières forces pour s’accrocher plus fort à Anders et glisser ses jambes de sorte qu’il ne fallut plus qu’une pression puissante et une contorsion douloureuse pour faire basculer le tueur sur le lit, avec elle. Sauf que, cette fois, ce fut lui, allongé sur le matelas, tandis qu’elle se tenait au-dessus, les mains de chaque côté de son cou, les genoux contre ses hanches. Inconsciemment, de sa main droite, elle voulut faire comme au tout début, plaquer son scalpel contre la peau blanche de son cou, mais elle était désarmée. Ses doigts fermés sur le vide, elle eut bien du mal à les ouvrir et les glisser, finalement, sur le tatouage de dragon.

– Il faudra me rendre mon scalpel.

Ses yeux plantés dans les siens, il pourrait y lire le sérieux de la légiste. Elle avait besoin de son arme, dans la poche de son pull, pour se sentir plus à l’aise. Et cela, même s’il était à l’origine de la blessure sur son ventre qui, d’ailleurs, se rappela à elle, à deux doigts de se rouvrir à cause de l’effort que lui avait demandé son attaque. Shannon grimaça et ploya un peu les épaules. Mouvement qui, inévitablement, rapprocha son visage de celui d’Anders et fit glisser, sur son front masculin, ses cheveux humides.

– Je retire ce que j’ai dit. Tu peux m’en vouloir, mais je ne m’excuserai pas.

Incapable de tenir plus longtemps à la seule force de son bras gauche alors que la main droite glissait sur le tatouage, Shannon retomba sur son coude et évita, de justesse, de percuter le front d’Anders avec le sien. Elle s’écarta de quelques centimètres, à peine, pour que son crâne passe juste à côté et qu’elle se laisse tomber sur le tueur, sans même s’en inquiéter. Elle voulait paraître forte, montrer qu’elle pouvait se défendre, qu’elle avait appris à se défendre, mais Shannon ne pouvait plus lutter. Elle était faible et vulnérable, collée à un presque inconnu qui pourrait, tout aussi bien la tuer, serrer son cou entre ses doigts et l’étouffer.

Et elle ne fit, évidemment, pas le moindre mouvement pour bouger.


S et S Kamiya
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________________________________________ 2020-11-07, 11:00

Anders avait un peu de mal à comprendre tout ce qu’il se passait. Il avait une femme un peu abimé entre ses bras … et elle lui demandait s’il allait lui faire du mal ? Il aurait voulu s’offusquer, être outré, montrer qu’il n’était pas comme ça … mais il l’était. Alors pourquoi cette accusation lui donnait tellement envie de plaquer son poing contre le mur pour décharger une frustration qu’il n’avait jamais eu. Il n’avait pas envie de savoir et préféra rester stoïque alors qu’il répondit simplement.

- Même moi.

Sous entendu, même moi je ne te ferais pas de mal. Il avait compris que de toute façon sa parole n’avait pas beaucoup d’importance. Il se sentait frustré de tout ça et préférait faire en sorte qu’elle s’endorme pour se laisser le temps de s’auto envoyer des tomates pourris dans la tête. Il n’avait pas honte de ce qu’il était devenu pour le club Valentine. Il ne tuait que des personnes qui le méritaient clairement et protégeait le chef des autres gangs…. Mais ça lui faisait un peu de mal à son égo de voir que la jeune femme pensait encore qu’il pourrait lui faire du mal.

C’était aussi, certainement, pour ça qu’il ne comprit que trop tard ce que la jeune femme décida de faire pour se mettre sur lui. Il l’observait tranquillement alors qu’il pensait avoir assez prouver qu’il était inoffensif … là en tout cas. Il l’observait et secoua la tête quand elle demanda son scalpel.

- Pour finir égorgé après un câlin ? Je pense pas que je te le rends tout de suite non.

Ce qui était logique non ? Cela faisait deux fois maintenant qu’elle l’attaquait de la même manière, ou presque. La seule différence était que là elle n’avait pas l’objet utile pour lui trancher la gorge. Anders se sentit un peu bête de s’être autant … laisser avoir ? Ce n’était pas le terme … d’avoir … autant baisser sa garde. La laissant prendre le temps de retrouver ses esprits, Anders haussa les épaules.

- Je ne t’en veux pas. Cela règle t il le problème ?

Il n’avait JAMAIS été dans cette position, avec personne, dans aucune circonstance. Il ne laissait jamais les ennemis être aussi proche de lui… et les femmes ne lui montaient pas dessus ainsi …. Il se sentait étrange face à cette nouveauté, mais il essaya de se dire que ce n’était que justice pour ce que la jeune femme avait subit dans la journée. Si elle pouvait se détendre en l’attaquant alors, pour le moment, il allait la laisser faire. Avec ses blessures il serait facile de se soustraire d’elle si elle dépassait les bornes.

Une fois qu’elle fut tomber, Anders se décala à peine pour la prendre un peu plus dans ses bras. Après tout, c’était ce qu’elle avait demandé non ? Il posa sa tête sur la sienne et la tenait assez fermement pour qu’elle comprenne qu’il ne la lâcherait pas, mais assez délicatement pour qu’elle sache qu’elle pouvait partir n’importe quand. Dans ses bras, Anders avait l’impression étrange qu’elle pourrait peut être se calmer.

- Si tu veux me poser des questions, et dans la limite du raisonnable, tu peux. Si tu commences à me connaître tu auras peut être plus de facilité à t’endormir. Et peut être que mes réponses te feront dormir encore plus vite, il parait que je suis assommant.

C’était un peu la méthode qu’il faisait avec sa petite soeur à l’époque. Elle lui posait une question, et il racontait une histoire dessus. Plus ou moins vrais. Mais le but pour sa soeur était qu’elle s’endorme, alors que le but pour Shannon était … qu’elle s’endorme en lui faisant un tout petit plus confiance.


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